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23/01/2025 | FRANCE | N°23TL01219

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 23 janvier 2025, 23TL01219


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Par une réclamation soumise d'office par le directeur de contrôle fiscal Sud-Est en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales et valant requête introductive d'instance, la société à responsabilité limitée Bowlingstar Avignon a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013,

2014 et 2015 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre d...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Par une réclamation soumise d'office par le directeur de contrôle fiscal Sud-Est en application des articles R. 199-1 et R. 200-3 du livre des procédures fiscales et valant requête introductive d'instance, la société à responsabilité limitée Bowlingstar Avignon a demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, ainsi que de l'amende pour non désignation des bénéficiaires des distributions.

Par un jugement n° 2100391 du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la remise, prononcée en cours d'instance, d'un montant de 338 981 euros, correspondant aux pénalités mises à la charge de la société Bowlingstar Avignon, à l'exception de la majoration de 80 % prévue par le c de l'article 1729 du code général des impôts, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et deux mémoires complémentaires, enregistrés le 24 mai 2023 et les 25 avril et 20 juin 2024, la société Bowlingstar Avignon, représentée par Me Amiel, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement, en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015 et du complément de taxe sur la valeur ajoutée qui lui a été réclamé au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016 ;

3°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- l'administration, qui ne lui a pas restitué la copie des fichiers remis sur le fondement du c) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, a méconnu ces dispositions ;

- elle a également méconnu les dispositions de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dès lors qu'elle ne lui a pas communiqué la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés à partir des fichiers saisis lors de la perquisition fiscale du 24 mars 2016 ;

- la méthode de reconstitution retenue, qui repose sur des éléments erronés et qui aboutit à des incohérences concernant la répartition des taux de taxe sur la valeur ajoutée, est radicalement viciée.

Par trois mémoires en défense, enregistrés le 10 novembre 2023 et les 22 mai et 12 août 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés dans la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 26 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 septembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- et les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Bowlingstar Avignon a fait l'objet d'une vérification de comptabilité, à l'issue de laquelle l'administration fiscale a reconstitué le chiffre d'affaires de l'activité de bowling, billard, bar, organisation de manifestations et location d'emplacements de jeux vidéo. Elle a été, en conséquence, assujettie à des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés au titre des exercices clos les 31 décembre 2013, 2014 et 2015 et à un complément de taxe sur la valeur ajoutée au titre de la période du 1er janvier 2013 au 31 juillet 2016, ainsi qu'à l'amende pour non désignation des bénéficiaires des distributions. Par un jugement du 24 mars 2023, le tribunal administratif de Nîmes, saisi par une réclamation soumise d'office, a prononcé un non-lieu à statuer à concurrence de la remise d'un montant de 338 981 euros prononcée en cours d'instance, correspondant aux pénalités mises à la charge de la société Bowlingstar Avignon, à l'exception de la majoration de 80 % prévue par le c de l'article 1729 du code général des impôts, et rejeté le surplus des conclusions de sa demande. La société Bowlingstar Avignon fait appel de ce jugement, en tant qu'il lui est défavorable.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans sa rédaction applicable au présent litige : " I.- Lorsque l'autorité judiciaire, saisie par l'administration fiscale, estime qu'il existe des présomptions qu'un contribuable se soustrait à l'établissement ou au paiement des impôts sur le revenu ou sur les bénéfices ou des taxes sur le chiffre d'affaires en se livrant à des achats ou à des ventes sans facture, en utilisant ou en délivrant des factures ou des documents ne se rapportant pas à des opérations réelles ou en omettant sciemment de passer ou de faire passer des écritures ou en passant ou en faisant passer sciemment des écritures inexactes ou fictives dans des documents comptables dont la tenue est imposée par le code général des impôts, elle peut, dans les conditions prévues au II, autoriser les agents de l'administration des impôts, ayant au moins le grade d'inspecteur et habilités à cet effet par le directeur général des finances publiques, à rechercher la preuve de ces agissements, en effectuant des visites en tous lieux, même privés, où les pièces et documents s'y rapportant sont susceptibles d'être détenus ou d'être accessibles ou disponibles et procéder à leur saisie, quel qu'en soit le support. / (...) / VI.- (...) En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés saisie dans les conditions prévues au présent article, l'administration communique au contribuable, au plus tard lors de l'envoi de la proposition de rectification prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76, sous forme dématérialisée ou non au choix de ce dernier, la nature et le résultat des traitements informatiques réalisés sur cette saisie qui concourent à des rehaussements, sans que ces traitements ne constituent le début d'une procédure de vérification de comptabilité. Le contribuable est informé des noms et adresses administratives des agents par qui, et sous le contrôle desquels, les opérations sont réalisées ".

3. Les rectifications en litige reposent, en partie, sur l'exploitation de fichiers informatiques saisis au cours d'une visite domiciliaire effectuée le 24 mars 2016, sur le fondement de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales, dans les locaux des sociétés du groupe économique Bowlingstar, dans le cadre d'une ordonnance du juge des libertés et de la détention du tribunal de grande instance d'Aix-en-Provence du 22 mars 2016. Ces fichiers comprenaient un suivi des recettes réalisées par la société Bowlingstar Avignon, qui figurait dans douze tableaux informatiques mensuels et dans un tableau récapitulatif annuel. Il résulte de l'instruction, notamment du contenu des propositions de rectification du 14 décembre 2016 et du 19 juillet 2017, que le vérificateur s'est borné à consulter ces tableaux par simple lecture et à les comparer aux déclarations de résultats de la société Bowlingstar Avignon, sans procéder à des traitements informatiques au sens du VI de l'article L. 16 B du livre des procédures fiscales. Par suite, la société appelante ne peut utilement se prévaloir de ce que l'administration ne lui a pas délivré les informations prévues par ces dispositions en cas de traitements informatiques.

4. En second lieu, aux termes du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au présent litige : " En présence d'une comptabilité tenue au moyen de systèmes informatisés et lorsqu'ils envisagent des traitements informatiques, les agents de l'administration fiscale indiquent par écrit au contribuable la nature des investigations souhaitées. Le contribuable formalise par écrit son choix parmi l'une des options suivantes : / (...) / c) Le contribuable peut également demander que le contrôle ne soit pas effectué sur le matériel de l'entreprise. Il met alors à la disposition de l'administration les copies des documents, données et traitements soumis à contrôle. Ces copies sont produites sur tous supports informatiques, répondant à des normes fixées par arrêté du ministre chargé du budget. L'administration restitue au contribuable avant la mise en recouvrement les copies des fichiers et n'en conserve pas de double (...) ".

5. Il résulte de l'instruction que l'administration a indiqué à la société Bowlingstar Avignon, par deux courriers du 15 novembre 2016 et du 30 janvier 2017, qu'elle envisageait un traitement des données informatiques de sa comptabilité, afin de contrôler les montants des recettes déclarées et la taxe sur la valeur ajoutée collectée. Elle a précisé, à ce titre, la nature des investigations souhaitées. La société a ensuite exercé l'option prévue au c) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales et remis, le 21 novembre 2016 et le 15 février 2017, les copies des fichiers des écritures comptables au service vérificateur. Après avoir dressé deux procès-verbaux constatant que les fichiers remis ne répondaient pas aux demandes de traitement, le service a restitué à la société les copies qu'elle lui avait transmises, par lettre recommandée avec accusé de réception, distribuée le 20 juillet 2017. Dès lors que cette restitution est antérieure à la mise en recouvrement des impositions contestées, intervenue le 28 décembre 2017 et le 14 février 2018, le moyen tiré de la méconnaissance de l'obligation de restitution prévue au c) du II de l'article L. 47 A du livre des procédures fiscales manque en fait et doit être en tout état de cause écarté.

En ce qui concerne le bien-fondé des impositions :

6. Aux termes de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales, dans sa version applicable au présent litige : " Lorsque l'une des commissions ou le comité mentionnés à l'article L. 59 est saisi d'un litige ou d'une rectification, l'administration supporte la charge de la preuve en cas de réclamation, quel que soit l'avis rendu par la commission ou le comité. / Toutefois, la charge de la preuve incombe au contribuable lorsque la comptabilité comporte de graves irrégularités et que l'imposition a été établie conformément à l'avis de la commission ou du comité (...) ".

7. Il résulte de l'instruction que la société Bowlingstar Avignon ne comptabilisait ni l'ensemble de ses recettes, ni certaines des factures qu'elle émettait et utilisait des logiciels de gestion dont les données n'étaient pas enregistrées en comptabilité. Ces éléments caractérisent l'existence de graves irrégularités entachant la comptabilité de cette société. Toutefois, cette dernière ayant contesté les rehaussements qui lui ont été notifiés selon la procédure de rectification contradictoire et la commission visée au deuxième alinéa de l'article L. 192 du livre des procédures fiscales n'ayant pas été saisie, la charge de la preuve de l'insuffisance des bases d'imposition déclarées incombe à l'administration fiscale.

8. Pour reconstituer le chiffre d'affaires de l'ensemble des activités exercées par la société Bowlingstar Avignon, le service vérificateur a, dans un premier temps, déterminé les recettes issues du bowling, du bar et de l'organisation de manifestations intitulées " soirées " et " anniversaires ". À ce titre, il s'est basé sur le dépouillement de fiches journalières de recettes saisies manuellement pour la période du 1er janvier 2013 au 20 mars 2016, détaillant les recettes des activités de bar et de bowling, et sur les données contenues dans les fichiers informatiques CA13AV, CA13AVBIS, CA14AV et CA15AV, comprenant, pour chacun des exercices correspondant, un suivi des recettes par jour, par type d'activité et par mode de paiement contenu dans douze tableaux informatiques mensuels et dans un tableau récapitulatif annuel. Pour la période du 21 mars au 31 juillet 2016, le service a pris en compte la moyenne des recettes issues des fiches journalières pour chacun des mois correspondants des trois exercices précédents. Le service a, dans un second temps, ajouté les recettes issues de l'exploitation des billards de la société, à partir des fiches mensuelles manuscrites communiquées au cours des opérations de vérification, ainsi que les montants des factures de location d'emplacements pour l'installation de jeux divers.

9. En premier lieu, il résulte de l'instruction que le vérificateur a relevé la parfaite concordance des données contenues dans l'ensemble des fiches journalières de recettes et des fichiers informatiques tenus par la société Bowlingstar Avignon. Il a également constaté qu'elles reflètent la réalité de l'exploitation, dès lors notamment que le chiffre d'affaires retenu pour l'activité bar correspond à celui qui a été déclaré au titre de l'exercice 2013, que les montants de la ligne " cartes bleues " sont identiques à ceux des encaissements effectués par cartes au crédit des comptes bancaires de la société et que le montant des recettes du 20 mars 2016 est confirmé par les rapports informatiques issus des logiciels de gestion. Le service pouvait donc valablement exploiter chacune de ces données, lesquelles retracent, avec une fiabilité suffisante, les encaissements réellement perçus par la société Bowlingstar Avignon. La circonstance, relevée dans la proposition de rectification du 19 juillet 2017, selon laquelle le tableau récapitulatif annuel contenu dans le fichier informatique CA15AV a été servi partiellement sur les trois premiers mois de l'exercice 2015, le rendant ainsi incomplet, n'est pas de nature, alors que les éléments retenus pour cette période reposaient sur des données suffisamment fiables, à remettre en cause le bien-fondé de la reconstitution opérée ou à révéler que la méthode de reconstitution suivie par l'administration aurait été viciée dans son principe.

10. En second lieu, il résulte de l'instruction que, pour déterminer la répartition des montants éludés de taxe sur la valeur ajoutée collectée, le service vérificateur a appliqué, sur les minorations de recettes constatées, la ventilation entre le chiffre d'affaires taxable au taux de 7 ou 10 %, qui concerne les ventes à consommer sur place, à l'exclusion des boissons alcoolisées, et le chiffre d'affaires taxable à 19,6 ou 20 %, résultant des déclarations CA3 déposées au titre des exercices correspondants par la société Bowlingstar Avignon. La circonstance que la proportion de chiffre d'affaires relevant du taux de 10 % retenue pour l'exercice 2014 (30,48 %) est légèrement supérieure à la part des recettes correspondant aux activités de bar et d'organisation de manifestations intitulées " soirées " et " anniversaires " (28,80 % selon la société appelante), alors pourtant qu'elles seraient les seules susceptibles de justifier l'application de ce taux réduit, ne suffit pas à remettre en cause la fiabilité de la méthode de reconstitution retenue, qui n'est donc pas radicalement viciée dans son principe.

11. Dans l'ensemble de ces conditions, l'administration, qui a suffisamment pris en considération les conditions réelles d'exploitation, doit être regardée comme apportant la preuve du bien-fondé de la reconstitution du chiffre d'affaires des activités de la société Bowlingstar Avignon, qui n'est pas exagérée.

12. Il résulte de tout ce qui précède que la société Bowlingstar Avignon n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté le surplus de sa demande.

Sur les frais liés au litige :

13. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Bowlingstar Avignon est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Bowlingstar Avignon et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 9 janvier 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 23 janvier 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N° 23TL01219 2


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