Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 31 octobre 2023 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixé le pays de renvoi avec interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois.
Par un jugement n° 2306812 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 29 mars 2024, M. B..., représenté par Me Misslin, demande à la cour :
1°) de l'admettre à l'aide juridictionnelle provisoire
2°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 30 janvier 2024 ;
3°) d'annuler l'arrêté préfectoral du 31 octobre 2023 ;
4°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault lui délivrer le titre de séjour sollicité dans le délai de quinze jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ; subsidiairement, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37-2 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient, en ce qui concerne la régularité du jugement attaqué, que :
- le jugement est insuffisamment motivé dans sa réponse au moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient, en ce qui concerne la décision portant refus de titre de séjour, que :
- l'avis du collège des médecins de l'OFII est entaché d'un vice de procédure eu égard à l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2006 ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- le préfet s'est estimé, à tort, en situation de compétence liée avec l'avis rendu par le collège des médecins de l'OFII ;
- le préfet a commis une erreur de droit et une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le préfet a méconnu l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et l'article 8 de la convention européenne des droits de l'Homme et du citoyen.
Il soutient, en ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français, que :
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen réel et sérieux de sa situation ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et du citoyen et est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Il soutient, en ce qui concerne la décision fixant le pays de renvoi, que :
- elle est entachée d'illégalité en raison de la violation de l'article 3 de la convention européenne des droits de l'Homme et du citoyen.
Il soutient, en ce qui concerne la décision portant délai de départ volontaire, que :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation dans l'application de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Il soutient, en ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français, que :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale en qu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français, est elle-même illégale ;
- le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation au regard de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 29 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.
Il soutient que tous les moyens de la requête doivent être écartés comme infondés.
Par décision du 31 mai 2024, le bureau d'aide juridictionnelle a admis M. B... au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Par ordonnance du 9 décembre 2024 la clôture d'instruction a été fixée au 23 décembre 2024 à 12h00.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Faïck, président-rapporteur, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant albanais né le 30 mai 1983, a déclaré être entré sur le territoire français le 12 avril 2023 accompagné de son épouse et de leurs deux enfants nés en 2013 et 2018. Il a sollicité son admission au bénéfice de l'asile le 24 juillet 2022. Sa demande a été rejetée par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides par une décision du 17 juillet 2023, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 octobre 2023. Le 24 juillet 2023, M. B... a sollicité son admission au séjour en raison de son état de santé. Par un arrêté du 31 octobre 2023, le préfet de l'Hérault a rejeté sa demande et l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours en fixant le pays de renvoi et en assortissant sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de trois mois. Par un jugement du 5 février 2024, dont M. B... relève appel, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de ce dernier tendant à l'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2023.
Sur la régularité du jugement :
2. Les premiers juges, aux points 7 et 9 de leur décision, ont suffisamment répondu au moyen, invoqué sur le fondement de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, tiré de ce que M. B... ne pourrait bénéficier d'un traitement approprié à sa pathologie dans son pays d'origine. La contestation de M. B..., portant sur la pertinence de l'argumentation retenue par les premiers juges quant au fait qu'il ne pourrait pas bénéficier, dans l'hypothèse d'un éloignement du territoire français, des soins que requiert son insuffisance rénale, relève non de la régularité du jugement, mais de son bien-fondé. Ce moyen doit dès lors être écarté.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
3. En premier lieu, le préfet de l'Hérault a produit l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFI), émis le 2 octobre 2023, qui comporte l'ensemble des mentions requises par l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux. Il ne ressort ni des mentions portées sur cet avis ni des pièces du dossier que les éléments médicaux relatifs à la situation de M. B..., et soumis à l'appréciation du collège de médecins, auraient été insuffisants. Le moyen tiré de ce que l'avis rendu par l'OFII, qui au demeurant ne lie pas le préfet, aurait été incomplet doit être écarté.
4. En deuxième lieu, l'arrêté contesté est suffisamment motivé par la mention qu'il comporte selon laquelle M. B... peut bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Cet arrêté retrace également l'ensemble des éléments caractérisant la situation personnelle et familiale de M. B..., en particulier le fait que ce dernier est père de deux enfants, nés en 2013 et 2018, en précisant qu'aucune considération ne fait obstacle à ce que la cellule familiale se reconstitue dans le pays d'origine. Ainsi, la seule circonstance que l'arrêté en litige ne vise pas l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ne révèle pas une insuffisance de motivation et le moyen doit, dans ces conditions, être écarté.
5. En troisième lieu, il ne ressort ni des motifs de l'arrêté contesté ni des pièces du dossier que le préfet se serait senti lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII. Le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " " L'étranger résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...) La décision de délivrer la carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat (...) ". Aux termes de l'article R. 425-11 du même code : " Pour l'application de l'article L. 425-9, le préfet délivre la carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " au vu d'un avis émis par un collège de médecins à compétence nationale de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé. ". Enfin, aux termes de l'article 6 de l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au vu du rapport médical mentionné à l'article 3, un collège de médecins (...) émet un avis (...) précisant : a) si l'état de santé de l'étranger nécessite ou non une prise en charge médicale ;b) si le défaut de cette prise en charge peut ou non entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur son état de santé ; c) si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont le ressortissant étranger est originaire, il pourrait ou non y bénéficier effectivement d'un traitement approprié ; d) la durée prévisible du traitement. / Dans le cas où le ressortissant étranger pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, le collège indique, au vu des éléments du dossier du demandeur, si l'état de santé de ce dernier lui permet de voyager sans risque vers ce pays (...) ".
7. La partie qui justifie d'un avis du collège de l'OFII venant au soutien de ses dires doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dans le pays de renvoi.
8. Il ressort des pièces du dossier que le collège des médecins de l'OFII, dans son avis du 2 octobre 2023, a estimé que l'état de santé de M. B... nécessitait un suivi médical dont l'absence aurait des conséquences d'une exceptionnelle gravité. Le collège des médecins a toutefois estimé que M. B... pourrait bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, l'Albanie. Il ressort des pièces du dossier que M. B... souffre d'insuffisance rénale chronique nécessitant un traitement par hémodialyse à raison de trois ou quatre fois par semaine. Pour établir l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine, M. B... fait état, tout à la fois, de ce que l'un des médicaments qui lui est administré en France (Orocal) ne serait pas disponible en Albanie, du coût excessif du traitement et des difficultés qu'il rencontrerait pour bénéficier de séances d'hémodialyse dans la province dont il est originaire en raison de son éloignement de la capitale de son pays.
9. S'il ressort des pièces du dossier que le laboratoire Arrow ne commercialise pas l'Orocal en Albanie, cette circonstance est insuffisante pour établir que ce médicament ne le serait pas par d'autres laboratoires ni qu'il pourrait être remplacé par une autre molécule équivalente. Par ailleurs, M. B... n'apporte aucun élément permettant de contredire l'appréciation du préfet, à la suite de l'avis de l'OFII, selon laquelle il pourrait bénéficier, dans son pays d'origine, des séances d'hémodialyse que requiert son état de santé, la seule circonstance qu'il est originaire d'une province éloignée de la capitale de son pays étant à cet égard insuffisante. De même, si les certificats médicaux datés des 23 novembre 2023 et 2 avril 2024, au demeurant postérieurs à la décision attaquée, indiquent que M. B... bénéficie d'un bilan pour une inscription sur une liste d'attente en vue d'une transplantation rénale, ils ne précisent pas que l'intéressé doit bénéficier d'une telle opération à brève échéance. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le traitement dont a besoin M. B... ne serait pas couvert par l'assurance maladie de son pays au point que le coût de celui-ci ferait obstacle à l'administration effective du traitement. Dans ces conditions, en prenant l'arrêté en litige, le préfet n'a pas méconnu les dispositions précitées de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
10. En cinquième lieu, aux termes de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger (...) qui dispose de liens personnels et familiaux en France tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) Les liens mentionnés au premier alinéa sont appréciés notamment au regard de leur intensité, de leur ancienneté et de leur stabilité, des conditions d'existence de l'étranger, de son insertion dans la société française ainsi que de la nature de ses liens avec sa famille restée dans son pays d'origine (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
11. Il ressort des pièces du dossier que M. B... est, selon ses propres déclarations, entré sur le territoire français avec son épouse et leurs deux enfants en avril 2023, soit moins de six mois seulement avant l'intervention de l'arrêté en litige. La durée de séjour de M. B..., dont la cellule familiale était déjà constituée avant son arrivée en France, était ainsi très brève. Aucun élément au dossier ne permet d'estimer que M. B... aurait noué sur le territoire français des liens privés ou familiaux d'une intensité ou d'une stabilité particulière. La seule circonstance que ses deux enfants, âgés de cinq et neuf ans, soient scolarisés en France est à cet égard très insuffisante. Dans ces conditions, l'arrêté en litige n'a pas méconnu le droit de M. B... à une vie privée et familiale garanti par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 423-23 code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Pour les mêmes motifs, il n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. En premier lieu, la motivation de l'obligation de quitter le territoire français découle de celle du refus de titre de séjour, laquelle est satisfaisante, ainsi qu'il a été dit précédemment. En outre, la mesure d'éloignement mentionne elle-même, de manière non stéréotypée, les circonstances de fait caractérisant la situation de M. B.... Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation dont seraient entachée la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté. Cette motivation révèle également que le préfet a procédé à un examen suffisamment circonstancié de la situation de M. B....
13. En second lieu, il résulte de ce qui précède que les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
Sur la légalité du délai de départ volontaire :
14. L'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose : " L'étranger faisant l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français dispose d'un délai de départ volontaire de trente jours à compter de la notification de cette décision. / L'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. / Elle peut prolonger le délai accordé pour une durée appropriée s'il apparaît nécessaire de tenir compte de circonstances propres à chaque cas. L'étranger est informé par écrit de cette prolongation. "
15. En premier lieu, compte tenu du fait que le délai de trente jours constitue le délai de droit commun pour l'exécution d'une obligation de quitter le territoire français, et que M. B... ne justifie pas de motifs exceptionnels qui auraient pu justifier l'octroi d'un délai supérieur, le préfet n'était pas tenu de motiver spécifiquement le délai de trente jours retenu.
16. En second lieu, dès lors qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le pronostic vital de M. B... serait engagé, en dépit des soins médicaux que son état de santé rend nécessaire, le préfet n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en fixant à trente jours le délai de départ volontaire.
Sur la légalité de la décision portant fixation du pays de renvoi :
17. En se bornant à alléguer, sans produire d'élément probant, qu'il serait confronté à un " conflit intra-familial ", notamment avec son beau-frère, en Albanie où il aurait été victime de violences, M. B... n'apporte aucun élément de nature à établir qu'il y serait réellement exposé à un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Le moyen tiré de la méconnaissance de cet article doit donc être écarté.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de trois mois :
18. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative (...) " L'article L. 612-10 du même code dispose : " Pour fixer la durée des interdictions de retour (...) l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. (...) ".
19. En premier lieu, il ressort de la motivation même de l'arrêté du 31 octobre 2023 que le préfet de l'Hérault a bien pris en considération la durée de présence du requérant sur le territoire français, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France, le rejet de sa demande d'asile ainsi que les circonstances, non contestées, qu'il ne constitue pas une menace pour l'ordre public et n'a pas fait précédemment l'objet d'une mesure d'éloignement. La décision précise encore que M. B... ne justifie d'aucun lien personnel ou familial stable en France où il s'est maintenu irrégulièrement après le rejet de sa demande d'asile, et n'encourt pas de risque particulier dans son pays d'origine. Par suite, le préfet de l'Hérault a suffisamment motivé sa décision.
20. En deuxième lieu, l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français n'étant pas établie, il y a lieu d'écarter le moyen tiré de l'exception d'illégalité de cette décision soulevé à l'encontre de l'interdiction de retour sur le territoire français en litige.
21. En troisième lieu, il résulte de ce qui précède que le préfet n'a pas commis d'erreur d'appréciation en interdisant à M. B... de retourner sur le territoire français pour une durée de trois mois seulement.
22. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses conclusions à fin d'annulation de l'arrêté du 31 octobre 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
23. Le présent arrêt, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'appelle aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
24. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle aux conclusions présentées par M. B... tendant à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante à l'instance, lui verse une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera délivrée au préfet de l'Hérault.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 janvier 2025.
Le président-assesseur,
P. Bentolila
Le président-rapporteur,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°24TL00778 2