Vu la procédure suivante :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 et 23 janvier 2025, M. et Mme A... et N... R..., Mme P... L..., Mme I... S..., Mme D... E..., Mme O... E..., Mme H... E..., M. G... et Mme U..., M. F... B..., M. C... et Mme Q... M..., M. T... et Mme J... K..., représentés par Me Poitout, demandent au juge des référés, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'ordonner, sur le fondement de l'article L. 521-1 du code de justice administrative, la suspension de l'arrêté du 13 juillet 2021 du préfet de Vaucluse autorisant la société des Carrières Maroncelli à poursuivre et étendre l'exploitation d'une carrière alluvionnaire située sur le territoire des communes de Piolenc et Orange et une installation de concassage, criblage sur le territoire des communes de Piolenc et Caderousse ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
Sur l'urgence :
- en raison de l'installation du convoyeur susceptible de créer des embâcles en cas de crue de l'Aygues, il existe un risque pour la sécurité publique d'autant que celui-ci est situé en zone rouge du plan de prévention du risque d'inondation ;
- l'extension de la carrière est susceptible de porter atteinte à des vestiges archéologiques ;
Sur les moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté :
- l'étude d'impact est insuffisante dès lors que l'étude faune et flore ne porte que sur les 90 hectares correspondant au périmètre de l'extension de la carrière et non sur les 135 hectares que représentent le périmètre total de cette carrière ;
- il existe des interactions entre les deux zones du fait des matériaux qui transitent ;
- les inventaires sont incomplets ou trop anciens ainsi que l'a souligné l'avis défavorable du Conseil national de la protection de la nature dans son avis défavorable ;
- la dérogation à l'interdiction de porter atteinte à des espèces protégées est illégale dès lors qu'il n'est pas démontré que cette dérogation ne nuit pas au maintien, dans un état de conservation favorable, aux populations des espèces concernées dans leur aire de répartition naturelle ;
- cette dérogation aurait dû concerner d'autres espèces que celle recensée, à savoir la Diane, en particulier l'Agrion de Mercure vivant en masse sur une partie de la carrière déjà exploitée ;
- l'extension envisagée de 90 hectares ne répond pas à une raison impérative d'intérêt public majeur, tant du point de vue économique que du point de vue des besoins en matériaux au regard du schéma régional des carrières de Provence Alpes Côte d'Azur ;
- les plans de prévention des risques d'inondation du Rhône et de l'Aygues interdisent les activités extractives en zone rouge.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 janvier 2025, la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche conclut au rejet de la requête en référé.
Elle fait valoir que :
Sur l'urgence :
- les requérants ont attendu trois ans avant de former une demande de suspension de l'exécution de l'arrêté ;
- le risque d'embâcle créé par le convoyeur et dont ils se prévalent, n'est pas de nature à justifier l'urgence à suspendre l'arrêté ;
- les éléments concernant la présence des vestiges archéologiques ne sont assortis d'aucune précision permettant d'en apprécier le bien-fondé et, de surcroît, de justifier une situation d'urgence ;
Sur les moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté :
- l'étude d'impact n'est pas entachée d'insuffisances liées à l'emprise de la zone d'étude et à l'ancienneté des inventaires naturalistes ;
- les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'une dérogation espèce protégée pour d'autres espèces que celle recensée était nécessaire ;
- les éléments avancés tendant à démontrer l'absence de raison impérative d'intérêt public majeur ne sont pas fondés ;
- l'arrêté contesté autorisant l'extension de la carrière ne méconnaît pas le plan de prévention des risques d'inondation de l'Aygues.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 21 et 23 janvier 2025, la société des Carrières Maroncelli, représentée par la SCP Pietra, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 10 000 euros soit mise in solidum à la charge de l'ensemble des requérants, au titre des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
Sur l'urgence :
- celle-ci ne peut être retenue au regard de la seule installation du convoyeur car les travaux sont achevés et qu'ils ont été réalisés en accord avec le syndicat mixte d'Eygues en Aygues ;
- les mesures conservatoires pour préserver les vestiges archéologiques sont toujours en cours d'examen car un délai de trois mois s'ouvre à compter de la réception du rapport de diagnostic, en l'espèce le 4 novembre 2024, permettant au préfet de région de statuer sur d'éventuelles prescriptions archéologiques ; les requérants ont anticipé une décision n'ayant pas encore été prise à propos de ces vestiges et par conséquent, l'urgence n'est pas justifiée ;
Sur les moyens propres à créer un doute sérieux quant à la légalité de l'arrêté :
- l'étude d'impact est suffisante quant à son périmètre d'étude ; la zone de Piolenc ayant fait l'objet d'un suivi écologique permanent tous les deux ans depuis 2013 ;
- le projet n'implique aucun impact supplémentaire sur la faune et la flore ;
- l'impact supposé du projet sur l'Agrion de Mercure n'est pas fondé ni détaillé par les requérants alors que ce dernier est observé sur le Rio Foyro, soit en dehors du périmètre d'extraction et d'emprise du projet ;
- le moyen tiré de l'incomplétude et de l'ancienneté des inventaires doit être écarté ; les conclusions de l'enquête publique montrent que la plupart des avis sont favorables au projet y compris sur l'impact de la faune et la flore ; le délai de validité des inventaires lors de l'examen du dossier devant le Conseil national de la protection de la nature étant de cinq ans, celui-ci n'est pas dépassé car un délai de quatre ans s'est écoulé entre les inventaires et le passage devant ce conseil ;
- la condition relative à la raison impérative d'intérêt public majeur nécessaire à l'octroi d'une dérogation espèce protégée est remplie avec une juste mise en balance des intérêts économiques, sociaux et écologiques et notamment au regard de la nature du gisement exploité, de la proximité avec les autres carrières, des besoins du département, des demandes d'autorisations en cours et des incidences du non renouvellement de l'autorisation ;
- la dérogation espèces protégées n'est pas insuffisamment motivée en ce qui concerne les mesures d'évitement, de réduction et de compensation des impacts ;
- le projet est compatible avec le plan de prévention des risques d'inondation de l'Aygues en ce que les travaux futurs réalisés n'entraîneront pas de risques significatifs et auront même un effet positif sur le milieu naturel en cas de crues car il agira comme une zone d'expansion de celles-ci protégeant ainsi les installations et les personnes ; l'emplacement du projet est dans une zone d'aléa faible.
Vu
- la décision du 1er septembre 2022 du président de la cour administrative d'appel de Toulouse désignant M. Chabert, président, pour juger les référés ;
- la requête n° 24TL02232 par laquelle M et Mme R... et les autres requérants demandent l'annulation du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- la loi n° 93-3 du 4 janvier 1993 relative aux carrières ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 24 janvier 2025 à 11 h 00 :
- le rapport de M. Chabert, juge des référés ;
- les observations de Me Castanet, représentant les requérants, qui concluent aux mêmes fins par les mêmes moyens et soutiennent en outre que l'étude d'impact est insuffisante en ce qu'elle ne fait aucune référence au plan de prévention du risque d'inondation de l'Aygues ;
- et les observations de Me Pietra, représentant la société des Carrières Maroncelli, qui persiste dans ses écritures.
La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.
Considérant ce qui suit :
1. Par des arrêtés du 30 janvier 1998 et un arrêté complémentaire du 10 octobre 2002, le préfet de Vaucluse a autorisé la société des Carrières Maroncelli a exploiter une carrière alluvionnaire ainsi qu'une installation de concassage criblage au lieu-dit " L'île des Rats " sur le territoire de la commune de Piolenc. Le 26 août 2019, cette société a présenté auprès des services du préfet de Vaucluse une demande en vue d'obtenir l'autorisation de poursuivre et étendre l'exploitation de cette carrière, pour une production annuelle maximale de 800 000 tonnes et d'une superficie d'extraction de 90,25 hectares sur le territoire des communes de Piolenc et d'Orange et de poursuivre l'exploitation de l'installation de concassage, criblage sur le territoire des communes de Piolenc et Caderousse. Par un arrêté du 13 juillet 2021, le préfet de Vaucluse a délivré à la société des Carrières Maroncelli les autorisations ainsi sollicitées. Par la présente requête, M. et Mme R..., ainsi que d'autres personnes physiques demandent au juge des référés de suspendre l'exécution de cet arrêté.
Sur les conclusions à fin de suspension :
2. Aux termes de l'article L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision (...) ".
3. En l'état de l'instruction, aucun des moyens soulevés par M. et Mme R... et les autres requérants, tels que visés et analysés dans les visas de la présente ordonnance, n'est propre à créer un doute sérieux sur la légalité de l'arrêté en litige dont la suspension est demandée.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la condition relative à l'urgence, que M. et Mme R... et les autres requérants ne sont pas fondés à solliciter la suspension de l'arrêté du 13 juillet 2021 du préfet de Vaucluse autorisant la société des Carrières Maroncelli à poursuivre et étendre l'exploitation d'une carrière alluvionnaire située sur le territoire des communes de Piolenc et Orange et une installation de concassage, criblage sur le territoire des communes de Piolenc et Caderousse.
Sur les frais liés au litige :
5. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance de référé, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par M. et Mme R... et les autres requérants et non compris dans les dépens. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de M. et Mme R... et des autres requérants une somme à verser à la société des Carrières Maroncelli sur le même fondement.
O R D O N N E :
Article 1er : La requête présentée par M. et Mme R... et les autres requérants est rejetée.
Articlé 2 : Les conclusions présentées par la société des Carrières Marconcelli sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à M. et Mme A... et N... R..., premiers dénommés pour l'ensemble des requérants, à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche et à la société des carrières Maroncelli.
Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.
Fait à Toulouse, le 28 janvier 2025.
Le juge des référés,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne à la ministre de la transition écologique, de la biodiversité, de la forêt, de la mer et de la pêche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance.
N° 25TL00034 2