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06/02/2025 | FRANCE | N°23TL01580

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 06 février 2025, 23TL01580


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.



Par un jugement n° 2206027 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :
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Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Par un jugement n° 2206027 du 26 janvier 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 3 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Mazas, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler l'arrêté du 1er août 2022 du préfet de l'Hérault ;

3°) d'enjoindre au préfet de l'Hérault de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour dans un délai de huit jours à compter du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Elle soutient que :

- le jugement est entaché d'une erreur d'analyse du moyen tiré de ce qu'elle bénéficiait, en application de l'article L. 743-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version alors en vigueur, d'un droit au séjour jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile saisie par sa fille ;

- le jugement est insuffisamment motivé en droit sur ce point ;

- les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français sont insuffisamment motivées ;

- elles sont entachées d'une erreur de droit, dès lors qu'elle disposait d'un droit au séjour durant la procédure de demande d'asile de sa fille ;

- le préfet s'est estimé en situation de compétence liée pour prendre les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- elles sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation de leurs conséquences sur sa situation personnelle ;

- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et les dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Par un mémoire en défense, enregistré le 7 août 2024, le préfet de l'Hérault conclut au rejet de la requête.

Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... n'est fondé.

Par une ordonnance du 8 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 septembre 2024.

Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 24 mai 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. Mme B..., de nationalité nigériane, a bénéficié d'un titre de séjour portant la mention " étranger victime de la traite des êtres humains ", valable du 27 février 2019 au 26 février 2020, renouvelé jusqu'au 28 février 2022. Elle a présenté, le 7 juin 2019, une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 30 août 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 28 février 2020 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle a sollicité, le 16 février 2021, le réexamen de sa demande d'asile, qui a été rejeté par une décision d'irrecevabilité du 22 février 2021, confirmée par une décision du 27 août 2021 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle fait appel du jugement du 26 janvier 2023 du tribunal administratif de Montpellier qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 1er août 2022 par lequel le préfet de l'Hérault a refusé de renouveler son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.

Sur la régularité du jugement :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Contrairement à ce que soutient Mme B..., les premiers juges ont suffisamment motivé leur jugement, en particulier leur réponse au moyen tiré de ce qu'elle disposait d'un droit au séjour durant la procédure de demande d'asile de sa fille mineure.

3. En second lieu, hormis dans le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Mme B... ne peut donc utilement se prévaloir, pour contester la régularité du jugement attaqué, de ce que les premiers juges auraient entaché leur jugement d'une " erreur d'analyse du moyen " évoqué au point précédent, en se fondant sur une " nouvelle codification du CESEDA entrée en vigueur le 1er avril 2021 " et en ne retenant pas qu'elle bénéficiait d'un droit au séjour jusqu'à la date de la lecture en audience publique de la décision de la Cour nationale du droit d'asile saisie par sa fille.

4. Il résulte de ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le jugement attaqué serait entaché d'irrégularité.

Sur le bien-fondé du jugement :

5. En premier lieu, l'arrêté attaqué, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui le fondent, notamment des éléments précis concernant la situation de Mme B..., est suffisamment motivé.

6. En deuxième lieu, d'une part, aux termes du deuxième alinéa de l'article L. 741-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction en vigueur à la date de la demande d'asile présentée par Mme B... au nom de sa fille et désormais repris aux articles L. 521-3 et L. 521-23 du même code : " Lorsque la demande d'asile est présentée par un étranger qui se trouve en France accompagné de ses enfants mineurs, la demande est regardée comme présentée en son nom et en celui de ses enfants. Lorsqu'il est statué sur la demande de chacun des parents, la décision accordant la protection la plus étendue est réputée prise également au bénéfice des enfants. Cette décision n'est pas opposable aux enfants qui établissent que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire ". Aux termes de l'article L. 723-15 du même code, alors applicable et désormais repris à l'article L. 531-41 de ce code : " Constitue une demande de réexamen une demande d'asile présentée après qu'une décision définitive a été prise sur une demande antérieure (...) ". Il résulte de ces dispositions qu'il appartient à l'étranger présent sur le territoire français et souhaitant demander l'asile de présenter une demande en son nom et, le cas échéant, en celui de ses enfants mineurs qui l'accompagnent. En cas de naissance ou d'entrée en France d'un enfant mineur postérieurement à l'enregistrement de sa demande, l'étranger est tenu, tant que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides ou, en cas de recours, la Cour nationale du droit d'asile, ne s'est pas prononcé, d'en informer cette autorité administrative ou cette juridiction. La décision rendue par l'office ou, en cas de recours, par la Cour nationale du droit d'asile, est réputée l'être à l'égard du demandeur et de ses enfants mineurs, sauf dans le cas où le mineur établit que la personne qui a présenté la demande n'était pas en droit de le faire. Ces dispositions ne font pas obstacle à ce que les parents d'un enfant né après l'enregistrement de leur demande d'asile présentent, postérieurement au rejet définitif de leur propre demande, une demande au nom de leur enfant. Il résulte toutefois de ce qui a été dit au point précédent que la demande ainsi présentée au nom du mineur doit alors être regardée, dans tous les cas, comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 531-41 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

7. Il ressort des pièces du dossier que Mme B..., après avoir présenté, le 7 juin 2019, une demande d'asile, qui a été rejetée par une décision du 30 août 2019 de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, confirmée par une décision du 28 février 2020 de la Cour nationale du droit d'asile, a déposé, le 20 août 2020, une demande d'asile au nom de sa fille, née le 8 avril 2020, en invoquant les risques d'excision auxquels elle serait exposée au Nigéria. Cette demande devait, au regard de ce qui a été dit au point précédent, être regardée comme une demande de réexamen au sens de l'article L. 531-41 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

8. D'autre part, aux termes de l'article L. 542-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 542-1, le droit de se maintenir sur le territoire français prend fin : / 1° Dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a pris les décisions suivantes : / (...) / d) une décision de rejet dans les cas prévus à l'article L. 531-24 (...) ". Cet article dispose que : " L'Office français de protection des réfugiés et apatrides statue en procédure accélérée dans les cas suivants : / (...) / 2° Le demandeur a présenté une demande de réexamen qui n'est pas irrecevable (...) ".

9. Il ressort des pièces du dossier que la demande de réexamen présentée le 20 août 2020 par Mme B... n'était pas irrecevable. Elle relevait donc du 2° de l'article L. 531-24 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en résulte que le droit de Mme B... de se maintenir en France a pris fin, en vertu des dispositions précitées de l'article L. 542-2 du même code, dès que l'Office français de protection des réfugiés et apatrides a rejeté cette demande. Par suite, l'arrêté attaqué, qui est postérieur à la décision de rejet du 13 mai 2022, notifiée le 8 juillet 2022, n'a pas méconnu son droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à ce que la Cour nationale du droit d'asile, saisie le 12 septembre 2022, se prononce.

10. En troisième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de l'Hérault se serait estimé en situation de compétence liée en prenant l'arrêté contesté et qu'il aurait méconnu l'étendue de son pouvoir de régularisation au regard de l'ensemble de la situation de Mme B....

11. En quatrième lieu, Mme B..., qui affirme être entrée dans un réseau de prostitution et qu'elle a été contrainte, par ses membres, de pratiquer la prostitution en Italie, n'apporte aucun élément permettant d'étayer les conditions dans lesquelles elle aurait pu échapper à ce réseau. Alors d'ailleurs que la plainte qu'elle a déposée à ce titre a été classée sans suite, elle n'établit pas, en tout état de cause, l'existence de risques de représailles au Nigéria la concernant personnellement. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier que sa fille serait exposée à des traitements inhumains ou dégradants, en particulier à un risque d'excision, du fait de son origine ethnique et familiale. Dans ces conditions, aucune des circonstances invoquées par Mme B... n'est de nature à faire regarder l'arrêté attaqué comme entaché d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.

12. En dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Le dernier alinéa de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dispose que : " Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ". Il résulte de ce qui a été dit au point précédent que Mme B... n'apporte aucun élément permettant de démontrer qu'elle encourrait un risque réel et actuel de subir des traitements inhumains ou dégradants en cas de retour au Nigéria en raison de son extraction du réseau de traite des êtres humains dans lequel elle a été exploitée à titre sexuel. Elle ne démontre pas davantage que sa fille serait exposée à un tel risque de subir une excision. En conséquence, à défaut de preuve de nature à établir la réalité de menaces personnelles pour Mme B... ou sa fille, dont les demandes d'asile ont d'ailleurs été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et par la Cour nationale du droit d'asile au motif que les déclarations fournies étaient imprécises, confuses ou contradictoires, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet de l'Hérault a fixé le pays de renvoi serait intervenue en méconnaissance des stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et des dispositions de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.

13. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 février 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01580


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01580
Date de la décision : 06/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Étrangers - Séjour des étrangers.

Étrangers - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : CABINET D'AVOCAT MAZAS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-06;23tl01580 ?
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