Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière Les Pastourettes Immobilier a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 4 janvier 2022 par lequel le maire de Nîmes a refusé de lui délivrer un permis de construire pour la réalisation d'une maison individuelle et d'un garage sur une parcelle déjà bâtie et nouvellement cadastrée section AP n° 1339.
Par un jugement n° 2200569 du 19 mars 2024, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté, a enjoint le maire de Nîmes de délivrer à la société Les Pastourettes Immobilier le permis de construire sollicité dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement et a mis à la charge de la commune de Nîmes la somme de 1 500 euros à verser à la société Les Pastourettes Immobilier au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 23 octobre 2024, la commune de Nîmes, représentée par Me Merland, demande à la cour :
1°) d'ordonner, sur le fondement des articles R. 811-15 et R. 811-17 du code de justice administrative, le sursis à l'exécution de ce jugement ;
2°) de mettre à la charge de la société Les Pastourettes Immobilier la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa demande de sursis à exécution est recevable dès lors qu'elle a fait appel du jugement rendu par le tribunal administratif de Nîmes le 19 mars 2024 ;
- à titre principal, les conditions prévues par l'article R. 811-15 du code de justice administrative pour que soit ordonné le sursis à exécution de ce jugement sont remplies ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que les règles d'urbanisme applicables au terrain d'assiette du projet ont été cristallisées pour une période de cinq ans en application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme à compter de la délivrance d'une décision de non-opposition à déclaration préalable de division foncière intervenue le 10 janvier 2017 ;
- le terrain d'assiette du projet n'est pas inclus dans périmètre du lotissement issu d'un arrêté du maire de Nîmes du 10 janvier 2017 par lequel il n'a pas été fait opposition à la déclaration préalable déposée par M. A... en vue d'une division foncière créant un " lot n°1 " destiné à être bâti et un " terrain A " conservé en l'état et supportant déjà une construction ; par suite, il ne peut bénéficier de la règle de cristallisation prévue à l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ;
- en l'absence de cristallisation des règles d'urbanisme, c'est à bon droit que le refus de permis de construire est fondé sur les dispositions du plan local d'urbanisme en vigueur classant en zone naturelle Nh le terrain d'assiette du projet faisant obstacle à ce que soit délivré le permis de construire sollicité ;
- le refus de permis de construire a été signé par une autorité compétente ;
- la décision du 5 octobre 2018 de non-opposition à la déclaration préalable de division concernant la parcelle cadastrée section AP n° 1185 p n'a davantage pour effet de permettre la cristallisation des règles d'urbanisme alors que cette autorisation d'urbanisme est caduque en application de l'article R. 424-18 du code de l'urbanisme ;
- à titre subsidiaire, le sursis à exécution du jugement doit être prononcé sur le fondement de l'article R. 811-17 du code de justice administrative ;
- le jugement risque d'entraîner des conséquences difficilement réparables dès lors que le terrain d'assiette du projet est classé en zone naturelle Nh par le plan local d'urbanisme en vigueur.
Par un mémoire en défense, enregistré le 22 novembre 2024, la société Les Pastourettes Immobilier, représentée par Me Blanc, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le terrain d'assiette du projet en litige s'inscrit bien dans le périmètre de l'opération de division foncière autorisée par l'arrêté de non-opposition à déclaration préalable du 10 janvier 2017 ; dans ces conditions, ce lot bénéficie de la cristallisation des règles d'urbanisme pour une période cinq ans en application de l'article L. 442-14 du code de l'urbanisme ; le refus de permis de construire ne pouvait être légalement fondé sur les dispositions du plan local d'urbanisme classant en zone Nh ce terrain ;
- l'opération de division foncière autorisée par l'arrêté de non-opposition du 5 octobre 2018 a été réalisée de sorte que cette division a également eu pour effet de cristalliser les règles d'urbanisme applicable au terrain ;
- les conditions prévues par l'article R. 811-17 du code de justice administrative pour qu'il soit sursis à l'exécution du jugement ne sont pas réunies en l'absence de conséquence difficilement réparable et de moyen sérieux dès lors que la zone Nh dans laquelle se situe désormais le terrain d'assiette du projet ne présente aucun caractère agricole ou forestier ; il s'agit d'une zone urbanisée desservie par les réseaux d'électricité et d'eau potable en cohérence avec les dispositions de l'ancien plan local d'urbanisme ; la construction projetée jouxte des terrains accueillant des habitations.
Vu :
- la requête enregistrée le 16 mai 2024 sous le n° 24TL01227 par laquelle la commune de Nîmes fait appel du jugement n° 2200569 du tribunal administratif de Nîmes rendu le 19 mars 2024 ;
- les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience :
- le rapport de M. Chabert, président,
- les observations de Me Thuillier-Pena, représentant la commune de Nîmes,
- et les observations de Me Ortial, représentant la société Les Pastourettes Immobilier.
Considérant ce qui suit :
1. La société Les Pastourettes Immoblier a déposé le 22 novembre 2021 auprès des services de la commune de Nîmes une demande de permis de construire en vue de la réalisation d'une maison individuelle avec garage d'une surface de plancher de 174,70 m² sur un terrain situé 881 chemin des Rondes. Par un arrêté n° PC 30182 21 P0414 du 4 janvier 2022, le maire de Nîmes a refusé de délivrer ce permis de construire. Par la présente requête, la commune de Nîmes demande que soit ordonné le sursis à l'exécution du jugement n° 2200569 du 19 mars 2024 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a prononcé l'annulation de cet arrêté de refus, a ordonné au maire de Nîmes de délivrer à la société pétitionnaire le permis de construire sollicité et a mis à la charge de la commune de Nîmes une somme de 1 500 euros à lui verser au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Sur les conclusions à fin de sursis à exécution :
2. Aux termes de l'article R. 811-15 du code de justice administrative : " Lorsqu'il est fait appel d'un jugement de tribunal administratif prononçant l'annulation d'une décision administrative, la juridiction d'appel peut, à la demande de l'appelant, ordonner qu'il soit sursis à l'exécution de ce jugement si les moyens invoqués par l'appelant paraissent, en l'état de l'instruction, sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement. ".
3. En application des dispositions précitées de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, lorsque le juge d'appel est saisi d'une demande de sursis à exécution d'un jugement prononçant l'annulation d'une décision administrative, il lui incombe de statuer au vu de l'argumentation développée devant lui par l'appelant et le défendeur et en tenant compte, le cas échéant, des moyens qu'il est tenu de soulever d'office. Après avoir analysé dans les visas ou les motifs de sa décision les moyens des parties, il peut se borner à relever qu'aucun de ces moyens n'est de nature, en l'état de l'instruction, à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué et rejeter, pour ce motif, la demande de sursis. Si un moyen lui paraît, en l'état de l'instruction, de nature à justifier l'annulation ou la réformation du jugement attaqué, il lui appartient de vérifier si un des moyens soulevés devant lui ou un moyen relevé d'office est de nature, en l'état de l'instruction, à infirmer ou confirmer l'annulation de la décision administrative en litige, avant, selon le cas, de faire droit à la demande de sursis ou de la rejeter.
4. Aux termes de l'article L. 442-1 du code de l'urbanisme : " Constitue un lotissement la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière ou de plusieurs unités foncières contiguës ayant pour objet de créer un ou plusieurs lots destinés à être bâtis. ". Selon l'article L. 442-1-2 du même code : " Le périmètre du lotissement comprend le ou les lots destinés à l'implantation de bâtiments ainsi que, s'ils sont prévus, les voies de desserte, les équipements et les espaces communs à ces lots. (...) ". L'article L. 442-14 du même code dispose que : " Lorsque le lotissement a fait l'objet d'une déclaration préalable, le permis de construire ne peut être refusé ou assorti de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme nouvelles intervenues depuis la date de non-opposition à la déclaration préalable, et ce pendant cinq ans à compter de cette même date. (...) ". Enfin, aux termes de l'article R. 442-1 de ce code : " Ne constituent pas des lotissements au sens du présent titre et ne sont soumis ni à déclaration préalable ni à permis d'aménager : / (...) e) Les détachements de terrains supportant des bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis (...) ".
5. Il résulte de ces dispositions que la division en propriété ou en jouissance d'une unité foncière constitue un lotissement dès lors que l'un au moins des terrains issus de cette division est destiné à être bâti. Le périmètre du lotissement peut ainsi, au choix du lotisseur, ne comprendre qu'un unique lot à bâtir ou comprendre, avec un ou des lots à bâtir, des parties déjà bâties de l'unité foncière. Il en résulte également que ne constitue pas un lotissement le détachement d'un terrain supportant un ou plusieurs bâtiments qui ne sont pas destinés à être démolis, y compris lorsqu'est envisagée l'extension, même significative, de l'un de ces bâtiments, le cas échéant après démolition d'une partie de celui-ci, ou la construction d'annexes à ces bâtiments.
6. En l'état de l'instruction, le moyen développé par la commune de Nîmes à l'appui de sa demande de sursis à exécution du jugement attaqué, fondé sur les dispositions citées au point 4 de la présente décision, tiré de ce que le terrain A déjà bâti mentionné dans le plan de division du lotissement autorisé par un arrêté de non-opposition à déclaration préalable du 10 janvier 2017 ne peut être regardé comme relevant du lotissement créé, paraît sérieux et de nature à justifier, outre l'annulation ou la réformation du jugement du tribunal administratif de Nîmes, le rejet des conclusions à fin d'annulation accueillies par ce jugement.
7. Il résulte de ce qui précède que la commune de Nîmes est fondée à demander qu'il soit sursis à l'exécution du jugement attaqué jusqu'à ce qu'il soit statué sur sa requête d'appel au fond.
Sur les frais liés au litige :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle ce que soit mise à la charge de la commune de Nîmes, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, une somme quelconque au titre des frais exposés par la société Les Pastourettes Immobilier et non dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Les Pastourettes Immobilier une somme à verser à la commune de Nîmes sur le même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : Jusqu'à ce qu'il ait été statué sur l'appel de la commune de Nîmes contre le jugement n° 2200569 du tribunal administratif de Nîmes du 19 mars 2024, il est sursis à l'exécution de ce jugement.
Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête présentée par la commune de Nîmes est rejeté.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société civile immobilière Les Pastourettes Immobilier sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Nîmes et à la société civile immobilière Les Pastourettes Immobilier.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 11 février 2025.
Le président de la 4ème chambre,
D. Chabert
La greffière,
N. Baali
La République mande et ordonne au préfet du Gard en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24TL02672