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13/02/2025 | FRANCE | N°23TL01091

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 13 février 2025, 23TL01091


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.



Par un jugement n° 2203623 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a an

nulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Gard de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la men...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 7 septembre 2022 par lequel la préfète du Gard a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé un pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Par un jugement n° 2203623 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté, a enjoint à la préfète du Gard de délivrer à M. A... un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois et a mis à la charge de l'Etat une somme de 1 000 euros à verser à son conseil au titre des frais liés au litige.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 10 mai 2023, la préfète du Gard demande à la cour d'annuler ce jugement.

Elle soutient que :

- sa requête est recevable ;

- l'arrêté en litige n'a pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; c'est donc à tort que les premiers juges ont estimé que cet arrêté a porté au droit au respect de la vie privée et familiale du requérant une atteinte disproportionnée ;

- elle a légalement fondé sa décision.

Par un mémoire en défense, enregistré le 30 août 2024, M. A..., représenté par Me Laurent Neyrat, conclut à la confirmation du jugement attaqué et à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de l'Etat à verser à son conseil sur le fondement des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.

Il fait valoir que :

En ce qui concerne la décision de refus de séjour :

- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 435-1 de ce code ;

- elle méconnaît son droit au respect de la vie privée et familiale protégé par les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et elle est contraire à l'intérêt supérieur de son enfant et à celui de sa compagne ;

En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- elle n'est pas spécifiquement motivée et la préfète n'a pas procédé à un examen personnalisé et approfondi de sa situation ;

En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour :

- elle est entachée d'un défaut de motivation et elle est disproportionnée, en ce que ses conséquences sont excessives sur sa vie privée et familiale.

Par une ordonnance du 20 septembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 7 octobre 2024.

Par une décision du 19 juillet 2023, le bureau d'aide juridictionnelle auprès du tribunal judiciaire de Toulouse a accordé à M. C... A... le maintien de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Le rapport de M. Teulière, président-assesseur a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant nigérian, se disant né le 13 novembre 1998, déclare être entré en France en janvier 2015 de manière irrégulière. Le 18 février 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et son admission exceptionnelle au séjour, tant au titre de la vie privée et familiale qu'en qualité de salarié, sur le fondement de l'article L. 435-1 de ce code. Par un arrêté du 7 septembre 2022, la préfète du Gard a rejeté cette demande, a assorti son refus d'une obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans. Par un jugement n° 2203623 du 27 avril 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé cet arrêté. La préfète du Gard relève appel de ce jugement.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Il appartient au préfet, saisi d'une demande de titre de séjour par un étranger en vue de régulariser sa situation, de vérifier que la décision de refus qu'il envisage de prendre ne comporte pas de conséquence d'une gravité exceptionnelle sur la situation personnelle de l'intéressé et n'est pas ainsi entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.

3. Il ressort des pièces du dossier que M. A..., entré en France en janvier 2015 de manière irrégulière, y a passé l'essentiel de sa vie de jeune adulte. Certes, la préfète du Gard soutient qu'il ne justifie pas de son identité par la production d'un certificat de naissance dont elle conteste l'authenticité au motif qu'il n'a pas fait l'objet d'une légalisation. Cependant, la légalisation d'un acte a seulement pour objet d'attester de sa régularité formelle et il est constant que l'intéressé s'est vu délivrer, le 7 septembre 2020, un passeport biométrique que l'autorité préfectorale n'a pas soumis à vérification. M. A..., qui a été bénévole de l'association du secours populaire de décembre 2015 à janvier 2017, a obtenu en juin 2018 un certificat d'aptitude professionnelle en maçonnerie. Le lycée professionnel privé Pasteur qu'il fréquentait lorsqu'il préparait ce diplôme a attesté de sa bonne conduite et de son caractère sérieux, travailleur et assidu. Le requérant a ensuite bénéficié de février à juillet 2021 d'un contrat d'apprentissage en alternance. Dans ce cadre, le délégué général de la formation du centre de formation des compagnons du devoir a loué son excellente conduite mais également son sérieux et son efficacité dans le travail, tout comme son employeur, dont il est constant qu'il a formulé, de manière répétée, son souhait d'embaucher M. A... en contrat à durée indéterminée. D'ailleurs, cet employeur l'a engagé comme ouvrier du bâtiment par un contrat à durée indéterminée conclu le 22 février 2022. Une note d'une éducatrice spécialisée du 29 juillet 2021 relève également que M. A... dispose de beaucoup de qualités et de compétences, qu'il est travailleur et volontaire et souligne une intégration réussie pouvant servir d'exemple. Si, par un précédent jugement du 3 décembre 2021, devenu définitif, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande du requérant tendant à l'annulation du précédent arrêté portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français pris à son encontre le 26 juillet 2021, il a toutefois relevé que M. A... avait développé sur le territoire français un cercle amical et social significatif. En outre, il ressort des pièces du dossier que le requérant est désormais le père d'une enfant, née sur le territoire français, le 13 juin 2022, dont il établit, par la production de plusieurs factures, subvenir aux besoins. L'exécution de l'arrêté en litige aurait nécessairement pour effet de priver la jeune B... de la présence de son père. Eu égard à cet ensemble d'éléments et nonobstant les deux mesures d'éloignement prises à l'encontre de l'intéressé, l'arrêté de la préfète du Gard en date du 7 septembre 2022 refusant au requérant un titre de séjour et décidant son éloignement est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation des conséquences de cet acte sur la vie personnelle et familiale de M. A....

4. Il résulte de ce qui précède que la préfète du Gard n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a annulé son arrêté du 7 septembre 2022 refusant de délivrer à M. A... un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, fixant le pays de destination de cette mesure et lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pendant deux ans.

Sur les frais liés au litige :

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat, qui est la partie perdante dans la présente instance, le versement d'une somme de 1 200 euros à Me Laurent Neyrat au titre des frais non compris dans les dépens en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de la préfète du Gard est rejetée.

Article 2 : L'Etat versera à Me Laurent Neyrat une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que ce conseil renonce à recevoir la part contributive de l'Etat.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. C... A... et à Me Laurent Neyrat.

Copie en sera adressée au préfet du Gard.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président de chambre,

M. Teulière, président assesseur,

M. Jazeron, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

T. Teulière

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne, et à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01091


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01091
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: M. Thierry Teulière
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : LAURENT-NEYRAT

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23tl01091 ?
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