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18/02/2025 | FRANCE | N°23TL00898

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 18 février 2025, 23TL00898


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 9 mars 2020 par laquelle le préfet de Vaucluse a accepté sa démission et la décision implicite par laquelle cette même autorité a refusé de procéder à sa réintégration, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder à sa réintégration sur le poste qu'elle occupait précédemment, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros e

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du 9 mars 2020 par laquelle le préfet de Vaucluse a accepté sa démission et la décision implicite par laquelle cette même autorité a refusé de procéder à sa réintégration, d'enjoindre au préfet de Vaucluse de procéder à sa réintégration sur le poste qu'elle occupait précédemment, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estimait avoir subis et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n°2100802 du 24 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 18 avril 2023, Mme B... A..., représentée par Me Turrin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Nîmes du 24 février 2023 ;

2°) d'annuler la décision du 9 mars 2020 par laquelle le préfet de Vaucluse a accepté sa démission, ensemble la décision implicite par laquelle cette même autorité a refusé de procéder à sa réintégration ;

3°) d'enjoindre au préfet de Vaucluse de la réintégrer sur le poste qu'elle occupait précédemment, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis ;

5°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- s'estimant victime de discrimination concernant son statut de travailleuse handicapée, elle a présenté sa démission ; elle a ensuite informé son employeur de sa volonté de retirer sa démission et a demandé sa réintégration par un courriel du 4 mars 2020, de sorte qu'en acceptant sa démission le 9 mars 2020, le préfet a entaché la décision litigieuse d'illégalité et a ainsi commis un détournement de procédure ;

- l'illégalité de la décision du 9 mars 2020, qui lui a fait perdre le droit à une formation et une chance d'être titularisée, et ses conditions de travail inadaptées à son état de santé lui ont causé un préjudice de carrière et un préjudice moral, qu'elle évalue à 10 000 euros.

Par un mémoire en défense, enregistré le 9 octobre 2024, le ministre de l'intérieur conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que :

- les conclusions de Mme A... tendant à la condamnation de l'Etat à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis du fait de l'absence de conditions de travail satisfaisantes sont irrecevables dès lors que ce fait générateur de responsabilité ne figurait pas dans sa demande indemnitaire préalable en date du 21 octobre 2020 ;

- si Mme A... soutient avoir déposé sa démission sous le coup de l'émotion, elle ne justifie pas avoir été dans un état de faiblesse physique ou psychologique tel qu'elle n'aurait pas été pleinement en mesure d'apprécier la portée de la présentation de sa démission ; la démission de Mme A... était irrévocable, de sorte qu'elle ne pouvait plus revenir dessus par la suite ;

- Mme A... n'a été victime d'aucune discrimination ;

- elle n'a pas sollicité d'aménagement de son poste de travail ;

- les préjudices dont l'appelante demande réparation sont imprécis ; concernant le préjudice de carrière, Mme A... n'établit pas qu'elle aurait effectivement été titularisée à l'issue de son contrat à durée déterminée ; elle n'établit pas la réalité du préjudice moral dont elle demande réparation.

Par une ordonnance du 20 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 octobre 2024 à 12 heures.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 ;

- le décret n°2005-902 du 2 août 2005 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,

- et les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Le 23 décembre 2019, Mme A... a été recrutée par le ministère de l'intérieur en tant qu'agent contractuel dans le cadre d'un contrat de Parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat pour la période comprise entre le 1er janvier 2020 et le 31 mars 2021, afin d'occuper un emploi de standardiste à la préfecture de Vaucluse. Par un courrier du 7 février 2020, réceptionné le 10 février 2020, Mme A... a informé le préfet de Vaucluse de ce qu'elle mettait un terme à son contrat. Par un courriel du 4 mars 2020, Mme A... a indiqué son souhait de rester au sein de la préfecture de Vaucluse, dans un autre service, après avoir indiqué que son courrier du 7 février 2020 avait été rédigé " sous le coup de l'émotion ". Par un courrier du 9 mars 2020, le préfet de Vaucluse a informé Mme A... de ce qu'il avait pris bonne note de son courrier du 7 février 2020 par lequel elle avait démissionné pendant sa période d'essai de deux mois, que son contrat avait pris fin le 7 février 2020, date à compter de laquelle elle avait cessé d'exercer ses fonctions et qu'un titre de perception allait prochainement lui être adressé en raison d'un trop-perçu de rémunération pour service non fait concernant la période comprise entre le 7 et le 29 février 2020 inclus. Par un courrier du 21 octobre 2021, Mme A... a demandé au préfet de Vaucluse de procéder à sa réintégration dans un emploi équivalent à celui qu'elle occupait et de lui verser la somme de 10 000 euros en réparation du préjudice moral et du préjudice de carrière qu'elle estimait avoir subis. Ces demandes ont été implicitement rejetées. Mme A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler la décision du préfet de Vaucluse du 9 mars 2020, ensemble la décision implicite portant refus de réintégration et de condamner l'Etat à lui verser la somme de 10 000 euros en réparation des préjudices qu'elle estime avoir subis. Elle relève appel du jugement du 24 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :

2. Aux termes de l'article 22 bis de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Les jeunes gens âgés de vingt-huit ans au plus qui sont sortis du système éducatif sans diplôme ou sans qualification professionnelle reconnue et ceux dont le niveau de qualification est inférieur à celui attesté par un diplôme de fin de second cycle long de l'enseignement général, technologique ou professionnel, peuvent, à l'issue d'une procédure de sélection, être recrutés dans des emplois du niveau de la catégorie C relevant des administrations mentionnées à l'article 2 de la présente loi, par des contrats de droit public ayant pour objet de leur permettre d'acquérir, par une formation en alternance avec leur activité professionnelle, une qualification en rapport avec l'emploi dans lequel ils ont été recrutés ou, le cas échéant, le titre ou le diplôme requis pour l'accès au corps dont relève cet emploi. / (...). Aux termes de l'article 1er du décret du 2 août 2005 pris pour l'application de l'article 22 bis de la loi n°84-16 du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat : " Les dispositions du présent décret sont applicables à la procédure de sélection, au recrutement et aux modalités de titularisation des personnes mentionnées à l'article 22 bis de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. ". Aux termes de l'article 2 du même décret : " Les personnes mentionnées à l'article 1er sont recrutées sur des emplois vacants des corps de catégorie C par des contrats de droit public dénommés Parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat. / (...) ". Aux termes de l'article 12 de ce décret : " Le contrat comporte une période d'essai de deux mois. Au cours de cette période il peut être librement mis fin au contrat par l'administration de recrutement sans indemnité ni préavis ou par l'agent sans préavis. La rupture du contrat est signifiée à l'autre partie par lettre recommandée avec avec demande d'avis de réception ou par lettre remise en main propre contre décharge. La lettre de l'administration indique les motifs de la fin du contrat. / (...) ".

3. Il ressort des pièces du dossier Mme A... a été recrutée par un contrat de Parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat conclu avec le ministère de l'intérieur le 23 décembre 2019 pour occuper un emploi de standardiste à la préfecture de Vaucluse du 1er janvier 2020 au 31 mars 2021. Par un courrier du 7 février 2020, adressé par lettre recommandée avec accusé de réception au préfet de Vaucluse, lequel l'a réceptionné le 10 février 2020, Mme A... a informé cette autorité qu'elle mettait un terme à son contrat en raison du non-respect du planning établi son chef de service, l'ayant contrainte à annuler plusieurs rendez-vous médicaux. En application des dispositions précitées de l'article 12 du décret 2 août 2005, dès lors que la période d'essai de deux mois était toujours en cours d'exécution le 7 février 2020, Mme A... a mis fin à son contrat de travail à compter de cette date. Par suite, dès lors que son contrat avait pris fin le 7 février 2020, Mme A... ne pouvait pas, par son courriel du 4 mars 2020, revenir sur sa décision de démissionner et demander sa réintégration, alors qu'au demeurant, il est constant qu'elle a cessé d'exercer ses fonctions à compter du 7 février 2020. Par ailleurs, si Mme A... soutient que son état de santé ne lui permettait pas d'apprécier la portée de sa décision de démissionner, qu'elle aurait prise dans la précipitation, d'une part, elle n'apporte aucun élément au soutien de ses allégations et d'autre part, son courrier du 7 février 2020, informant le préfet de ce qu'elle mettait un terme à son contrat, faisant état des motivations ayant gouverné cette décision et demandant notamment au préfet de " bien vouloir annuler [sa] formation d'employée administratif et d'accueil qui était prévu[e] au centre AFPA à Avignon / Le Pontet " et de l'informer " des modalités à suivre pour la restitution du badge d'accès et de la clef " est dépourvu de toute ambiguïté. Dès lors, l'appelante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que par la décision du 9 mars 2020, le préfet de Vaucluse l'a informée de ce que son contrat avait pris fin le 7 février 2020 sans tenir compte de son courriel du 4 mars 2020. Pour les mêmes motifs, elle n'est pas fondée à soutenir que la décision implicite de rejet de sa demande du 21 octobre 2020 tendant à sa réintégration au sein de la préfecture de Vaucluse serait illégale.

En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :

4. D'une part, eu égard à ce qui a été dit au point précédent, la responsabilité de l'Etat ne saurait être engagée du fait de la rupture du contrat de Parcours d'accès aux carrières de la fonction publique territoriale, hospitalière et d'Etat de Mme A....

5. D'autre part, en se bornant à alléguer qu'elle n'a pas bénéficié de conditions de travail satisfaisantes ou adaptées, Mme A... n'établit pas qu'une faute serait nature à engager la responsabilité de l'Etat. Par suite, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir opposée par le ministre de l'intérieur, ces conclusions indemnitaires doivent être rejetées.

6. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ne peuvent qu'être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.

La rapporteure,

H. Bentolila

La présidente,

A. Geslan-Demaret La greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N°23TL00898


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00898
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-10-08 Fonctionnaires et agents publics. - Cessation de fonctions. - Démission.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Helene Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : TURRIN MARION

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;23tl00898 ?
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