Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision du 30 juillet 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service d'un accident survenu le 11 avril 2019.
Par un jugement n°2005278 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision et a rejeté les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et un mémoire complémentaire, enregistrés les 25 avril 2023 et 19 octobre 2024, le centre hospitalier universitaire de Toulouse, représenté par Me Sabatté, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 9 mars 2023 ;
2°) de rejeter la demande de Mme C... ;
3°) de mettre à la charge de Mme C... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que les premiers juges ont annulé la décision du 30 juillet 2020 par laquelle la demande de Mme C... tendant à la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident dont elle aurait été victime le 11 avril 2019 a été rejetée ; Mme C... ayant demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident et non d'une maladie, le centre hospitalier était tenu par cette demande et il ne lui appartenait pas d'apprécier d'office si l'imputabilité au service d'une maladie professionnelle pouvait être reconnue ; ainsi que l'ont retenu les premiers juges, l'audition de Mme C... par les services de police le 11 avril 2019 à la suite du signalement " enfance en danger " qu'elle avait effectué, s'est déroulée dans des conditions normales et ne saurait être qualifiée d'accident de service ;
- à titre subsidiaire, il demande à ce que le motif tiré de l'inexistence matérielle d'un fait accidentel soit substitué à celui figurant dans la décision litigieuse ;
- le moyen tiré de l'insuffisance de motivation de la décision du 30 juillet 2020, soulevé après l'expiration du délai de recours contentieux, est irrecevable dès lors qu'il se rattache à une cause juridique distincte de celle dont relèvent les moyens invoqués par Mme C... dans le délai de recours contentieux.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 28 juillet 2023 et 20 novembre 2024, Mme D... A... épouse C..., représentée par Me Hamou, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse de reconnaître comme définitive la décision du 18 avril 2023 par laquelle il a, à titre provisoire, reconnu l'imputabilité au service de l'accident survenu le 11 avril 2019 ;
3°) à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la décision litigieuse est insuffisamment motivée en fait ; contrairement à ce que soutient le centre hospitalier universitaire, ce moyen avait déjà été soulevé en première instance et n'est donc pas irrecevable ;
- la distinction entre accident de service et maladie professionnelle est issue de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, qui n'est pas applicable en l'espèce ;
- c'est à bon droit que les premiers juges ont apprécié si son état de santé était en lien avec le service ; dans le cadre de ses fonctions d'assistante socio-éducative, elle a effectué le 1er avril 2019 un signalement " enfance en danger " en raison du comportement violent et instable du père d'un enfant mineur hospitalisé et a à ce titre été auditionnée par les services de police le 11 avril 2019 alors que la pédiatre de son service, pourtant cosignataire de la fiche de signalement, n'a quant à elle pas été entendue ; lors de cette audition, les officiers de police ont insisté sur la dangerosité de cet individu ; après son audition, ayant eu lieu pendant ses heures de service, elle a fait part à sa responsable de ses craintes quant au comportement de cet individu ; cet évènement a eu des répercussions sur sa santé, de sorte qu'elle a été placée en congé de maladie du 15 avril au 31 juillet 2019 ; le docteur B..., expert agréé, et la commission de réforme hospitalière ont considéré que l'épisode du 11 avril 2019 constituait un accident de service.
Par une ordonnance du 25 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 30 décembre 2024 à 12 heures.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n°86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sabatté, représentant le centre hospitalier universitaire de Toulouse.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A... épouse C..., assistante socio-éducative titulaire, est affectée au service de néonatologie et réanimation de l'hôpital des enfants du centre hospitalier universitaire de Toulouse (Haute-Garonne). Le 1er avril 2019, elle a procédé à un signalement " enfance en danger " auprès du substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse en raison du comportement du père d'un enfant mineur hospitalisé dans son service. Dans le cadre de ce signalement, Mme A... épouse C... a été auditionnée par les services de police le 11 avril 2019. Se sentant affectée à la suite de cette audition, elle a fait part le jour-même à sa supérieure hiérarchique de craintes quant à son intégrité physique vis-à-vis de cet individu et a procédé à un " signalement d'un évènement indésirable ", transmis à sa hiérarchie le 12 avril 2019. Le 15 avril 2019, elle a consulté son médecin traitant qui l'a placée en arrêt de travail à compter de cette date et cet arrêt a été prolongé jusqu'au 31 juillet 2019. Le 20 avril 2019, Mme A... épouse C... a déclaré un accident survenu au cours de la journée du 11 avril 2019 et a demandé la reconnaissance de son imputabilité au service. Par une décision du 30 juillet 2020, le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de faire droit à sa demande et a prononcé son placement en congé de maladie ordinaire pour la période du 15 avril au 31 juillet 2019. Par un jugement du 9 mars 2023, dont le centre hospitalier universitaire de Toulouse relève appel, le tribunal administratif de Toulouse a annulé cette décision du 30 juillet 2020.
Sur le bien-fondé du jugement :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le tribunal :
2. Aux termes de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière, dans sa rédaction applicable au présent litige : " Le fonctionnaire en activité a droit : / (...) / 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / Toutefois, si la maladie provient de l'une des causes exceptionnelles prévues à l'article L. 27 du code des pensions civiles et militaires de retraite ou d'un accident survenu dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice de ses fonctions, le fonctionnaire conserve l'intégralité de son traitement jusqu'à ce qu'il soit en état de reprendre son service ou jusqu'à sa mise à la retraite. Il a droit, en outre, au remboursement des honoraires médicaux et des frais directement entraînés par la maladie ou l'accident. / Dans le cas visé à l'alinéa précédent, l'imputation au service de la maladie ou de l'accident est appréciée par la commission de réforme (...) ".
3. Un accident survenu sur le lieu et dans le temps du service, dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par un fonctionnaire de ses fonctions ou d'une activité qui en constitue le prolongement normal présente, en l'absence de faute personnelle ou de toute autre circonstance particulière détachant cet évènement du service, le caractère d'un accident de service. Constitue un accident de service, un évènement survenu à une date certaine, par le fait ou à l'occasion du service, dont il est résulté une lésion, quelle que soit la date d'apparition de celle-ci.
4. Pour annuler la décision du 30 juillet 2020 par laquelle le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident dont Mme A... épouse C... estimait avoir été victime le 11 avril 2019, le tribunal a retenu que cette décision était entachée d'une erreur d'appréciation, dès lors que l'état de santé de l'intéressée ayant justifié un arrêt de travail entre le 15 avril et le 31 juillet 2019 était en lien avec le service.
5. Il ressort des pièces du dossier que le 1er avril 2019, Mme A... épouse C... a, dans le cadre de l'exercice de ses fonctions, procédé à un signalement " enfance en danger " auprès du substitut du procureur de la République près le tribunal de grande instance de Toulouse en raison de violences physiques et psychologiques exercées par le père d'un enfant mineur hospitalisé dans son service sur la mère de ce dernier, ainsi qu'en raison de l'instabilité psychologique de cet individu. Dans le cadre de ce signalement, Mme A... épouse C... a été auditionnée par les services de police au commissariat de Tournefeuille le 11 avril 2019. Si à la suite de cette audition, l'intéressée a fait part à sa hiérarchie des représailles qu'elle craignait de subir de la part de cet individu, dès lors qu'elle seule avait été auditionnée par les services de police, il ne ressort ni du procès-verbal établi par les services de police le 11 avril 2019, ni d'aucune pièce du dossier que son audition, au cours de laquelle elle a uniquement décrit les faits ayant justifié son signalement " enfance en danger ", se serait déroulée dans des conditions anormales ou violentes. Dans ces conditions et bien que d'une part, le docteur B..., psychiatre agréé ayant examiné Mme A... épouse C... à la demande du centre hospitalier, a considéré que l'épisode du 11 avril 2019 constituait un accident de travail et que d'autre part, la commission de réforme hospitalière a, dans sa séance du 25 juin 2020, considéré que l'accident du 11 avril 2019 était imputable au service, l'évènement du 11 avril 2019 ne saurait être qualifié d'accident de service. Par ailleurs, il ressort des pièces du dossier, en particulier du formulaire de déclaration d'accident de travail complété par Mme A... épouse C... le 20 avril 2019 et transmis au centre hospitalier universitaire de Toulouse le 15 mai 2019, que l'intéressée a demandé la reconnaissance de l'imputabilité au service d'un accident survenu le 11 avril 2019, et non d'une maladie, de sorte qu'il n'appartenait pas au centre hospitalier universitaire d'examiner d'office si une pathologie affectant l'intéressée pouvait être reconnue comme imputable au service. Par suite, le centre hospitalier universitaire de Toulouse est fondé à soutenir que c'est à tort que les premiers juges ont considéré que la décision litigieuse était entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions précitées de l'article 41 de la loi du 9 janvier 1986.
6. Il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé par Mme A... épouse C....
En ce qui concerne l'autre moyen soulevé par Mme A... épouse C... :
7. Aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent. / A cet effet, doivent être motivées les décisions qui : / (...) / 6° Refusent un avantage dont l'attribution constitue un droit pour les personnes qui remplissent les conditions légales pour l'obtenir ; (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
8. En l'espèce, la décision litigieuse vise les dispositions dont le directeur général du centre hospitalier universitaire de Toulouse a entendu faire application, notamment l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, la loi du 9 janvier 1986 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique hospitalière et l'article 21 du décret du 19 avril 1988 relatif aux conditions d'aptitude physique et aux congés de maladie des agents de la fonction publique hospitalière. De plus, elle vise la déclaration d'accident de travail présentée par Mme A... épouse C... le 20 avril 2019, le rapport d'encadrement en date du 5 juillet 2019, les conclusions de l'expertise médicale du docteur B... en date du 7 août 2019 et l'avis de la commission départementale de réforme émis en séance du 25 juin 2020. Cette décision mentionne également que l'incident décrit par l'intéressée n'a pas été occasionné par des conditions particulières tenant à l'activité professionnelle. Par suite, cette décision est suffisamment motivée, compte tenu des exigences du secret médical. Dès lors, ce moyen doit en tout état de cause être écarté.
9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier universitaire de Toulouse est fondé à soutenir que c'est à tort que par le jugement attaqué le tribunal administratif de Toulouse a annulé la décision du 30 juillet 2020. Dès lors, les conclusions de Mme A... épouse C... tendant à ce qu'il soit enjoint au centre hospitalier universitaire de Toulouse de reconnaître comme définitive la décision du 18 avril 2023 par laquelle le directeur de cet établissement a, à titre provisoire en application du jugement, reconnu l'imputabilité au service de l'accident survenu le 11 avril 2019 ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
10. D'une part, les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge du centre hospitalier universitaire de Toulouse, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de la somme que Mme A... épouse C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
11. D'autre part, il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions du centre hospitalier universitaire de Toulouse présentées en application des mêmes dispositions.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Toulouse n°2005278 du 9 mars 2023 est annulé.
Article 2 : La demande présentée par Mme A... épouse C... devant le tribunal administratif de Toulouse et ses conclusions devant la cour sont rejetées.
Article 3 : Les conclusions présentées par le centre hospitalier universitaire de Toulouse au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au centre hospitalier universitaire de Toulouse et à Mme D... A... épouse C....
Délibéré après l'audience du 4 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°23TL00971