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20/02/2025 | FRANCE | N°23TL00322

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 20 février 2025, 23TL00322


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. D... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2005344 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour :



Par une

requête, enregistrée le 6 février 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Gouron, demandent à la cour :



1°...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. D... A... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017.

Par un jugement n° 2005344 du 5 décembre 2022, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 février 2023, M. et Mme A..., représentés par Me Gouron, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 5 décembre 2022 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la décharge partielle des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2015, 2016 et 2017 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la remise en cause de la déduction de la pension alimentaire versée à leur fille est injustifiée et repose sur une enquête non annexée à la proposition de rectification, en méconnaissance des exigences de la procédure contradictoire, notamment des articles L. 57, R. 57 et L. 156 du livre des procédures fiscales ;

- l'évaluation, par l'administration fiscale, du montant éligible à la réduction d'impôt prévue à l'article 199 septvicies du code général des impôts est insuffisante dès lors qu'elle ne tient pas compte de la différence de valeur vénale au mètre carré des lots nos 6 et 9 compte tenu de leurs caractéristiques respectives et du rattachement d'un parking privatif au lot n° 6.

Par un mémoire en défense, enregistré le 13 juillet 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme A... ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 5 juillet 2024 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code civil ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. et Mme A... détiennent ensemble la totalité du capital social de la société civile immobilière Yajusa. Cette dernière a acquis, le 23 mars 2010, un ensemble de quatre lots immobiliers comprenant un appartement de 47,20 m2 avec terrasses et mezzanine (lot n° 6), un appartement de 32,93 m2 avec une terrasse (lot n° 9), un local à usage de palier (lot n° 8) et un garage (lot n° 14), pour un prix global de 339 000 euros. À compter de 2010, ils ont déclaré bénéficier du dispositif " Scellier " prévu à l'article 199 septvicies du code général des impôts, à raison de l'opération précédemment décrite, pour un investissement, frais de notaire inclus, de 344 773 euros. Il en est résulté pour eux une réduction d'impôt sur le revenu de 8 333 euros au titre de chacune des années 2010 à 2018. À l'issue d'un contrôle sur pièces, l'administration fiscale a partiellement remis en cause la réduction d'impôt pratiquée sur les exercices non prescrits, celle-ci ayant été calculée à partir du coût global de l'investissement et non de celui de l'acquisition d'un seul appartement. Elle a également remis en cause la déduction d'une pension alimentaire versée par les époux à leur fille majeure au titre de 2016 et 2017. Les rectifications envisagées en matière d'impôt sur le revenu et de contributions sociales ont été notifiées aux époux A... par une proposition de rectification du 23 novembre 2018. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre des années 2015 à 2017 correspondantes ont été mises en recouvrement le 30 avril 2019 et contestées en vain par les époux A.... Ces derniers font appel du jugement du 5 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande tendant à la décharge de ces impositions supplémentaires.

2. En premier lieu, il résulte des dispositions des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales que, pour être régulière, une proposition de rectification doit comporter la désignation de l'impôt concerné, de l'année d'imposition et de la base d'imposition et énoncer les motifs sur lesquels l'administration entend se fonder pour justifier les rectifications envisagées, de façon à permettre au contribuable de formuler utilement ses observations.

3. La proposition de rectification du 23 novembre 2018 adressée aux époux A... mentionne l'impôt concerné, les années d'imposition, le montant des rectifications opérées et leur fondement juridique, notamment les articles 205 et suivants du code civil ainsi que le 2° du II de l'article 156 du code général des impôts. Elle énonce également que, pour remettre en cause les pensions alimentaires déduites par les époux A... au titre des années 2016 et 2017, l'administration fiscale s'est fondée sur la circonstance que les ressources et le capital dont disposait leur fille permettaient de couvrir ses besoins alimentaires. Ces motifs étaient suffisamment précis pour permettre aux intéressés de comprendre le redressement envisagé et de formuler des observations. La proposition de rectification apparaît, dès lors, suffisamment motivée. À cet égard, la circonstance que les résultats de la consultation, par le service, des revenus de leur fille, Mme B... A..., n'aient pas été annexés ni communiqués aux époux A... est sans incidence sur la régularité de la procédure au regard des articles L. 57 et R. 57-1 du livre des procédures fiscales.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 199 septvicies du code général des impôts : " I. - 1. Les contribuables domiciliés en France au sens de l'article 4 B qui acquièrent, entre le 1er janvier 2009 et le 31 décembre 2012, un logement neuf ou en l'état futur d'achèvement bénéficient d'une réduction d'impôt sur le revenu à condition qu'ils s'engagent à le louer nu à usage d'habitation principale pendant une durée minimale de neuf ans. (...) : / IV. - La réduction d'impôt est calculée sur le prix de revient du logement retenu (...) Le taux de la réduction d'impôt est de : / - 25 % pour les logements acquis ou construits en 2009 et en 2010 (...). / Au titre d'une même année d'imposition, le contribuable ne peut bénéficier de la réduction d'impôt qu'à raison de l'acquisition, de la construction ou de la transformation d'un seul logement. / La réduction d'impôt est répartie sur neuf années. Elle est accordée au titre de l'année d'achèvement du logement ou de son acquisition si elle est postérieure et imputée sur l'impôt dû au titre de cette même année puis sur l'impôt dû au titre de chacune des huit années suivantes à raison d'un neuvième de son montant total au titre de chacune de ces années (...) ".

5. Ainsi qu'il a été dit au point 1, les appelants ont, pour déterminer le montant de la réduction d'impôt sur le revenu à laquelle ils avaient droit, retenu le coût total d'acquisition de quatre lots immobiliers constitués de deux appartements, d'un espace à usage de palier et d'un garage, en méconnaissance des dispositions précitées qui n'autorisent le bénéfice de la réduction d'impôt qu'à raison d'un seul logement pour une même année. Afin d'isoler le prix d'acquisition du seul lot n° 6, qui correspond à l'appartement le plus grand, retenu pour déterminer le montant de la réduction d'impôt à laquelle les époux A... avaient droit au titre des années en litige, l'administration a déterminé la fraction du prix global correspondant au lot n° 6 par application d'un rapport de superficie. Cette méthode l'a conduite à retenir un coût d'acquisition pour cet appartement de 215 483 euros, correspondant à 62,5 % du coût total de l'investissement. Il résulte d'ailleurs des termes de la décision du 25 septembre 2020 portant rejet de la réclamation préalable des époux A... que le résultat ainsi obtenu est sensiblement le même que celui obtenu par application de la méthode des millièmes de copropriété, et ce même en rattachant au lot n° 6 les millièmes du lot n° 14, qui correspond au garage.

6. Pour critiquer cette méthode, les époux A... font valoir qu'elle est insuffisamment précise et ne tient pas compte de la variation du prix au mètre carré en fonction de la surface du bien. Toutefois, ainsi que le note l'administration dans la décision de rejet de leur réclamation préalable, un tel facteur leur est favorable puisque le prix au mètre carré est en moyenne plus élevé pour des studios que pour des appartements de type T2 ou T3. En outre, les rares photographies versées au dossier ne permettent pas d'établir une nette différence de standing et de qualité des prestations entre les lots n° 6 et n° 9, justifiant de surévaluer la valeur du prix au m2 du premier par rapport au second, alors d'ailleurs que les deux ont été acquis pour un prix global, sans ventilation particulière. En admettant même cette différence de standing, tenant notamment à la présence de deux terrasses pour le lot n° 6, dont le lot n° 9 n'est au demeurant pas dépourvu, la différence de valeur qui en résulte a vocation à se compenser avec la surévaluation précédemment décrite de la valeur au m2 du lot n° 6, et qui résulte de l'application d'une méthode retenant le même tarif au m2 indépendamment de la surface du bien considéré.

7. Les époux A... soutiennent encore que devrait être pris en compte dans la valorisation du lot n° 6 l'accès privatif à un garage, qui correspond au lot n° 14, et dont ne disposerait pas le lot n° 9. Pour autant, l'acte de cession du 23 mars 2010 n'indique nullement que le garage serait rattaché au lot n° 6. La circonstance que, lors de la mise en location en 2017 de l'appartement correspondant au lot n° 6, un garage ait été mis à disposition des locataires est sans incidence sur la valeur vénale du lot n° 6 à la date de son acquisition, lequel pouvant être loué ou cédé par ses propriétaires avec le lot n° 14, qui leur appartient également, et qu'ils restent libres d'affecter à l'un ou l'autre de leurs appartements. Au surplus, et ainsi que l'a relevé l'administration dans sa décision de rejet du 25 septembre 2020, sans être sérieusement démentie par les appelants, l'estimation du prix d'un garage au centre-ville de Montpellier qu'ils retiennent apparaît excessive. En tout état de cause, et eu égard à ce qui a été dit au point 5, l'absence de prise en compte de ce garage n'a pas d'incidence significative sur la détermination de la valeur dès lors que sa prise en compte dans l'application de la méthode des millièmes de copropriété aboutit sensiblement au même résultat.

8. Enfin, les époux A... soutiennent que la valeur du lot n° 6 aurait dû être déterminée par comparaison avec d'autres ventes intervenues dans le même immeuble, la première, datée du 31 octobre 2019, portant sur les lots nos 2 et 12, à savoir un garage de 10 m2 et un appartement de 65,22 m2 avec terrasse, pour un prix de 290 000 euros, la seconde, datée du 22 octobre 2019, portant sur lots nos 4 et 16, à savoir un appartement de 65,22 m2 avec terrasse et un garage de 12 m2, pour un prix de 304 000 euros. Toutefois, il ne résulte pas de l'instruction que les biens dont s'agit constitueraient des termes de référence davantage pertinents pour apprécier la valeur du lot n° 6. Par ailleurs, et ainsi que le relève en défense le ministre, les ventes invoquées par les époux A... sont intervenues en l'état futur d'achèvement ce qui n'était pas le cas de la vente du lot n° 6.

9. Il résulte de ce qui précède que la méthode de répartition, au prorata des surfaces, du prix d'acquisition du lot n° 6 sur lequel a été appliquée la réduction d'impôt par l'administration fiscale, peut être admise, en l'absence de méthode alternative permettant d'apprécier avec une plus grande précision le prix d'achat du bien en cause. Il s'ensuit que les époux A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que l'administration fiscale a partiellement remis en cause les réductions d'impôt sur le revenu pratiquées sur les années non prescrites et à demander la réduction des impositions litigieuses en conséquence.

10. En troisième et dernier lieu, il résulte du 2° du II de l'article 156 du code général des impôts, que peuvent être déduites du montant total du revenu net annuel servant de base à l'impôt sur le revenu les pensions alimentaires répondant aux conditions fixées par les articles 205 à 211 du code civil. Aux termes de l'article 205 du code civil : " Les enfants doivent des aliments à leurs père et mère ou autres ascendants qui sont dans le besoin ". L'article 207 du même code dispose que : " Les obligations résultant de ces dispositions sont réciproques (...) ". Enfin, aux termes de l'article 208 du ce code : " Les aliments ne sont accordés que dans la proportion du besoin de celui qui les réclame, et de la fortune de celui qui les doit (...) ". Il résulte de ces dispositions que le caractère de pension alimentaire déductible des sommes versées à un enfant majeur est subordonné à l'état de besoin de ce dernier. Il incombe à cet égard au contribuable de justifier, devant le juge de l'impôt, de la réalité et de l'importance des aliments dont le paiement a été rendu nécessaire par le défaut de ressources suffisantes du bénéficiaire.

11. Le service a remis en cause la déduction, par les appelants, d'une pension alimentaire versée à leur fille majeure au titre des années 2016 et 2017, pour des montants respectifs de 6 822 et 6 890 euros. Si les époux A... font état de diverses dépenses relatives à leur fille et à leur petite-fille, pour un total de 3 185 euros, que les pensions versées auraient permis de couvrir, leur réalité n'est pas justifiée au titre des années en litige. Surtout, il résulte de l'instruction et en particulier des avis d'imposition produits par les appelants que leur fille, qui n'a d'ailleurs pas déclaré les sommes qu'ils prétendent lui avoir versées en tant que pensions alimentaires, ainsi que l'exige pourtant l'article 79 du code général des impôts, ne se trouvait pas, en 2016 et en 2017, en état de besoin, dès lors qu'elle bénéficiait de revenus supérieurs au salaire minimum interprofessionnel de croissance, composés de 18 000 euros annuels au titre de pensions versées par son ex-époux pour ses besoins et ceux de sa fille, et de revenus de capitaux mobiliers de 4 080 euros en 2016 et 8 500 euros en 2017. Il s'ensuit que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que le service a réintégré les pensions alimentaires déduites dans leur base imposable à l'impôt sur le revenu au titre de 2016 et de 2017.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a refusé de faire droit à leur demande. Par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A..., à Mme C... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

É. Rey-BèthbéderLe greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00322


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00322
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Généralités - Règles générales d'établissement de l'impôt - Rectification (ou redressement) - Proposition de rectification (ou notification de redressement).

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Détermination du revenu imposable.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : GOURON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;23tl00322 ?
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