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20/02/2025 | FRANCE | N°23TL01042

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 20 février 2025, 23TL01042


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'entreprise agricole à responsabilité limitée des Augustins a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision du 23 février 2021 par laquelle la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a refusé de lui verser une somme complémentaire de 16 380,68 euros au titre de l'aide aux investissements vitivinicoles 2014-2018, d'autre part, la " lettre d'information paiement solde " du 3

0 avril 2021 par laquelle la même autorité a fait état d'un paiement de 19 016,97 eur...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'entreprise agricole à responsabilité limitée des Augustins a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler, d'une part, la décision du 23 février 2021 par laquelle la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) a refusé de lui verser une somme complémentaire de 16 380,68 euros au titre de l'aide aux investissements vitivinicoles 2014-2018, d'autre part, la " lettre d'information paiement solde " du 30 avril 2021 par laquelle la même autorité a fait état d'un paiement de 19 016,97 euros au titre de cette même aide.

Par un jugement n° 2101991 et n° 2102658 du 9 mars 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 5 mai 2023, l'entreprise des Augustins, représentée par Me Pion Riccio, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 mars 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) d'annuler la décision du 23 février 2021 et la " lettre d'information paiement solde " du 30 avril 2021 de la directrice générale de FranceAgriMer ;

3°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à FranceAgriMer de lui verser la somme complémentaire de 16 380,68 euros dans un délai d'un mois ;

4°) de mettre à la charge de FranceAgriMer une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- les décisions attaquées sont entachées d'un vice de procédure et d'une erreur de droit, dès lors que FranceAgriMer a refusé d'appliquer le bénéfice du droit à l'erreur prévu par l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration ;

- elles méconnaissent l'article 28 du règlement d'exécution (UE) n° 2016/1150 de la Commission du 15 avril 2016, qui permet une possibilité d'adaptation de la communication en matière d'aide agricole en présence d'une erreur manifeste ;

- elles méconnaissent les dispositions de l'article 2 de l'ordonnance n° 2020-3065 du 25 mars 2020, dès lors qu'elles n'ont pas pris en considération la prorogation des délais instaurés durant l'état d'urgence sanitaire ;

- elles ont procédé au retrait illégal d'une décision créatrice de droits.

Par un mémoire en défense, enregistré le 14 août 2024, l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer), représenté par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de l'entreprise des Augustins sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que les moyens soulevés par l'entreprise des Augustins sont inopérants ou ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 26 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 15 octobre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le règlement (UE) n° 1306/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement (UE) n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;

- le règlement d'exécution (UE) n° 2016/1150 de la Commission du 15 avril 2016 ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- l'ordonnance n° 2020-306 du 25 mars 2020 ;

- la décision INTV-GPASV-2016-39 du 27 juillet 2016 du directeur général de FranceAgriMer ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Lafon,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,

- et les observations de Me Bardoux, substituant Me Pion Riccio, pour l'entreprise des Augustins,

- et les observations de Me Malbete pour FranceAgriMer.

Considérant ce qui suit :

1. L'entreprise des Augustins, qui exploite un domaine viticole sur le territoire de la commune de Saint-Mathieu-de-Tréviers (Hérault), a sollicité, le 2 février 2017, une aide aux investissements vitivinicoles dans le cadre de l'organisation commune de marché 2014-2018, en vue de la construction d'un chai enterré et d'un caveau et de l'acquisition de matériels de vinification et de conditionnement. Par une décision " d'éligibilité à une aide " du 21 septembre 2017, la directrice générale de l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) lui a accordé une aide d'un montant de 70 795,30 euros, à partir de dépenses éligibles s'élevant à 235 984,32 euros. Une avance de 35 397,65 euros lui a été versée le 2 octobre 2017. Après un contrôle sur pièces et sur place, FranceAgriMer lui a alloué, le 27 octobre 2020, une somme complémentaire de 19 016,97 euros au titre de la même aide. Par une décision du 23 février 2021, la directrice générale de FranceAgriMer a rejeté la demande de l'entreprise des Augustins tendant au versement d'une somme supplémentaire de 16 380,68 euros. Dans une " lettre d'information paiement solde " du 30 avril 2021, la même autorité a fait état du versement de la somme de 19 016,97 euros, effectué le 27 octobre 2020. L'entreprise des Augustins fait appel du jugement du 9 mars 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces deux dernières décisions.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article 7.1 de la décision INTV-GPASV-2016-39 du 27 juillet 2016 du directeur général de FranceAgriMer que : " La demande de paiement de l'aide doit être transmise au service territorial de FranceAgriMer dans un délai maximum de 6 mois après la date limite de fin de réalisation des travaux telle que définie à l'article 6.1 pour les dossiers " approfondis " (...) / Le montant du solde de la subvention est arrêté et son versement intervient après présentation d'une demande de paiement et réalisation de la totalité des actions prévues, vérifiées sur la base de contrôles sur pièces et sur place ". L'article 7.2 de la même décision dispose que : " Chaque versement est réalisé sur présentation : / - d'un tableau récapitulatif des factures signé du demandeur (...) / - des copies des factures au nom du bénéficiaire (...) / Pour être déclarée " complète ", la demande de paiement doit inclure l'ensemble des pièces justificatives listées ci-dessus. La date de complétude de la demande de paiement est la date de réception par le service territorial, de la dernière pièce de la liste reprise supra (...) ". Aux termes enfin de l'article 12.1 de la même décision : " Lorsque les demandes de versement de la subvention dûment complétées des pièces justificatives parviennent au-delà du délai fixé au point 7.1, le montant à verser est minoré de 3 % si le retard est compris entre un jour et trois mois, auquel s'ajoute 1 % supplémentaire par mois de retard supplémentaire jusqu'à six mois. Au-delà d'un retard de six mois, aucun paiement n'est effectué ". Ces dernières dispositions ne permettent pas de procéder à la modification d'une demande de paiement déclarée complète.

3. Il ressort des pièces du dossier que la décision de versement de l'aide attribuée à l'entreprise des Augustins, à hauteur de 54 414,62 euros, a été prise à partir des factures qu'elle avait adressées avec sa demande de paiement, qui permettaient d'atteindre le montant des dépenses éligibles initialement prévues, mais dont certaines ont été considérées comme inéligibles par FranceAgriMer. Ce dernier a ensuite refusé de prendre en compte des factures supplémentaires, relatives à la construction du caveau, au motif qu'elles ne lui ont pas été transmises dans le délai de six mois après la date limite de réalisation des travaux, qui expirait le 30 décembre 2019, en application de l'article 7.1 de la décision INTV-GPASV-2016-39 du 27 juillet 2016.

4. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que la demande de paiement adressée par l'entreprise des Augustins a été déclarée complète au 30 décembre 2019. Cette dernière, qui ne pouvait donc modifier le contenu de sa demande, ne peut en conséquence se prévaloir de la possibilité, prévue à l'article 12.1 de la décision INTV-GPASV-2016-39, de présenter une demande de versement au-delà du délai fixé à l'article 7.1, et de sa combinaison avec les articles 1er et 2 de l'ordonnance du 25 mars 2020 relative à la prorogation des délais échus pendant la période d'urgence sanitaire et à l'adaptation des procédures pendant cette même période, qui prévoient que tout acte prescrit par le règlement à peine de forclusion et qui aurait dû être accompli entre le 12 mars 2020 et le 23 juin 2020 inclus est réputé avoir été fait à temps s'il a été effectué dans un délai qui ne peut excéder, à compter de la fin de cette période, le délai légalement imparti pour agir, dans la limite de deux mois. Par suite, le moyen tiré de ce que les factures présentées le 28 juillet 2020, à l'occasion du contrôle sur place, auraient dû être prises en compte par FranceAgriMer doit être écarté.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 28 du règlement d'exécution (UE) n° 2016/1150 de la Commission du 15 avril 2016 : " Erreur manifeste. Toute communication ou demande soumise à un État membre en vertu de la partie II, titre I, chapitre II, section 4, du règlement (UE) no 1308/2013 ou en vertu du présent règlement, y compris toute demande d'aide, peut être adaptée à tout moment après avoir été présentée, en cas d'erreurs manifestes reconnues par l'autorité compétente ".

6. En l'espèce, FranceAgriMer n'a pas reconnu l'existence d'une erreur manifeste entachant cette demande. Au surplus, il ressort des pièces du dossier que le défaut de production des factures en cause a été opéré délibérément par l'organisme à qui l'entreprise avait confié la réalisation de son dossier, que le tableau des factures produit avec la demande de paiement ne permettait pas d'identifier les travaux en cause et que le montant total des factures produites était légèrement supérieur à celui des dépenses initialement projetées. Dans ces conditions, ce défaut de production, alors même qu'il concernait plusieurs postes de travaux relatifs à la construction du caveau, portant sur les lots électricité, menuiserie, carrelage, façades, aménagements intérieurs et étanchéité/ventilation, ne peut être regardé comme constituant une erreur manifeste pouvant être constatée immédiatement lors du contrôle matériel des informations données dans la demande de paiement et qui aurait dû conduire le service instructeur à permettre à son auteur de procéder à une correction. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 28 du règlement d'exécution (UE) n° 2016/1150 de la Commission du 15 avril 2016 doit être écarté.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Une personne ayant méconnu pour la première fois une règle applicable à sa situation ou ayant commis une erreur matérielle lors du renseignement de sa situation ne peut faire l'objet, de la part de l'administration, d'une sanction, pécuniaire ou consistant en la privation de tout ou partie d'une prestation due, si elle a régularisé sa situation de sa propre initiative ou après avoir été invitée à le faire par l'administration dans le délai que celle-ci lui a indiqué. / La sanction peut toutefois être prononcée, sans que la personne en cause ne soit invitée à régulariser sa situation, en cas de mauvaise foi ou de fraude. / Les premier et deuxième alinéas ne sont pas applicables : / 1° Aux sanctions requises pour la mise en œuvre du droit de l'Union européenne (...) ".

8. Les décisions attaquées, qui s'apparentent à un rejet partiel d'une demande d'aide aux investissements vitivinicoles, ne constituant pas une sanction, l'entreprise des Augustins ne peut en tout état de cause se prévaloir, à leur encontre, au titre d'un vice de procédure ou d'une erreur de droit, de la possibilité de régularisation, en cas d'erreur matérielle commise lors du renseignement de la situation d'une personne, offerte par les dispositions du premier alinéa de l'article L. 123-1 du code des relations entre le public et l'administration.

9. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut (...) retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative (...) que si elle est illégale et si (...) le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ". L'article L. 242-2 du même code dispose que : " Par dérogation à l'article L. 242-1, l'administration peut, sans condition de délai : / (...) / 2° Retirer une décision attribuant une subvention lorsque les conditions mises à son octroi n'ont pas été respectées ".

10. La décision du 21 septembre 2017 par laquelle FranceAgriMer a octroyé à l'entreprise des Augustins une aide d'un montant de 70 795,30 euros constituait une décision créatrice de droits, quand bien même ces droits étaient subordonnés au respect de diverses conditions et à la présentation, dans un délai de six mois après la date limite de réalisation des travaux, d'une demande de paiement assortie des justificatifs permettant de vérifier ce respect. Les décisions contestées, qui équivalent à un rejet partiel de la demande d'aide au motif de l'absence d'éligibilité de certaines dépenses et de l'insuffisance des justificatifs produits, se bornent à exécuter la décision d'octroi en tirant les conséquences de la méconnaissance des conditions posées par cette dernière et n'en constituait donc pas le retrait. Il en résulte qu'elles n'étaient, en tout état de cause, pas subordonnées au respect du délai de quatre mois prévu par l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'entreprise des Augustins n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions au bénéfice de FranceAgriMer.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de l'entreprise des Augustins est rejetée.

Article 2 : Les conclusions de FranceAgriMer tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à l'entreprise agricole à responsabilité limitée des Augustins et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).

Délibéré après l'audience du 6 février 2025, où siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Fougères, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 février 2025.

Le rapporteur,

N. Lafon

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne à la ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL01042


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01042
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Actes législatifs et administratifs - Disparition de l'acte - Retrait - Retrait des actes créateurs de droits.

Agriculture et forêts - Exploitations agricoles - Aides de l’Union européenne.

Agriculture et forêts - Produits agricoles - Vins.

Communautés européennes et Union européenne - Litiges relatifs au versement d`aides de l’Union européenne.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: M. Nicolas Lafon
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : PION RICCIO

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;23tl01042 ?
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