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06/03/2025 | FRANCE | N°24TL01445

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 4ème chambre, 06 mars 2025, 24TL01445


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société civile immobilière " La Fontaine de l'Amour " a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite du 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont, agissant au nom de l'Etat, a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite.



Par un jugement n° 2304103 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour :


> Par une requête, enregistrée le 6 juin 2024, la société civile immobilière " La Fontaine de l'Amour ", représent...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière " La Fontaine de l'Amour " a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision implicite du 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont, agissant au nom de l'Etat, a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite.

Par un jugement n° 2304103 du 23 mai 2024, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 6 juin 2024, la société civile immobilière " La Fontaine de l'Amour ", représentée par Me Pons, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) d'annuler la décision implicite du 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont a refusé de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite ;

3°) d'enjoindre au maire de Soumont de lui délivrer un certificat de permis de construire tacite dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge solidaire de l'Etat et de la commune de Soumont une somme de 3 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- le tribunal a commis une erreur de droit en se fondant sur la décision de retrait de permis de construire tacite du 15 décembre 2023 pour considérer que le permis de construire tacite en litige avait disparu de l'ordonnancement juridique dès lors que cette décision de retrait n'était pas devenue définitive ;

- le tribunal a méconnu son office en se prononçant sur le fond alors que les conditions du non-lieu à statuer étaient remplies ;

- le tribunal a statué sur la légalité d'une autre décision que celle faisant l'objet du litige et a ainsi excédé les demandes des parties ;

- la décision implicite du 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont a refusé de délivrer un certificat de permis de construire tacite méconnaît les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.

Par un mémoire en défense, enregistré le 2 octobre 2024, la ministre du logement et de la rénovation urbaine conclut au rejet de la requête.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens soulevés par la société appelante n'est fondée.

Par ordonnance du 13 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 21 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Lasserre, première conseillère,

- les conclusions de M. Jazeron, rapporteur public,

- et les observations de Me Rémy, représentant la société civile immobilière " La Fontaine de l'Amour ".

Considérant ce qui suit :

1. La société " La Fontaine de l'Amour " a acquis, le 7 juillet 2004, un ensemble immobilier sur le territoire de la commune de Soumont (Hérault) et entrepris la création notamment de logements. Par un arrêt du 18 février 2010, devenu définitif à la suite du rejet par la Cour de cassation le 11 janvier 2011 du pourvoi formé à son encontre, la cour d'appel de Montpellier a relevé que les travaux ainsi réalisés avaient eu pour effet de changer la destination d'un bâtiment à usage essentiellement commercial en immeuble d'habitation sans obtention préalable d'un permis de construire. Le 10 février 2012, la société " La Fontaine de l'Amour " a déposé une déclaration préalable en vue de régulariser les travaux irrégulièrement réalisés. Par un arrêté du 28 février 2014, le préfet de l'Hérault a retiré la décision tacite de non-opposition à cette déclaration préalable de travaux. Par une décision du 7 décembre 2018 n° 407847, le Conseil d'Etat a annulé le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 13 février 2015 et l'arrêt du 8 décembre 2016 de la cour administrative d'appel de Marseille qui avaient annulé l'arrêté du 28 février 2014 du préfet de l'Hérault et jugé que la décision tacite de non-opposition dont la société " La Fontaine de l'Amour " était devenue titulaire le 10 mars 2012 devait être regardée comme ayant été obtenue par fraude. La société " La Fontaine de l'Amour " a déposé un permis de construire le 14 octobre 2022 pour la régularisation des travaux réalisés dans ce même immeuble. Par un courrier du 4 mai 2023, reçu le 9 mai suivant, elle a demandé au maire de Soumont un certificat attestant de l'obtention d'un permis tacite. Par sa requête, la société " La Fontaine de l'Amour " relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite née le 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont, agissant au nom de l'Etat, a rejeté cette demande de certificat de permis de construire tacite.

Sur le bien-fondé du jugement :

2. Aux termes de l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme : " Le délai d'instruction de droit commun est de : / (...) b) Deux mois pour les demandes de permis de démolir et pour les demandes de permis de construire portant sur une maison individuelle, au sens du titre III du livre II du code de la construction et de l'habitation, ou ses annexes ; c) Trois mois pour les autres demandes de permis de construire et pour les demandes de permis d'aménager. ". Aux termes de l'article R. 424-1 du même code : " A défaut de notification d'une décision expresse dans le délai d'instruction déterminé comme il est dit à la section IV du chapitre III ci-dessus, le silence gardé par l'autorité compétente vaut, selon les cas : (...) b) Permis de construire, permis d'aménager ou permis de démolir tacite. (...) ". Aux termes de l'article R. 424-13 de ce code : " En cas de permis tacite ou de non-opposition à un projet ayant fait l'objet d'une déclaration, l'autorité compétente en délivre certificat sur simple demande du demandeur (...) ". Selon l'article R. 423-19 du même code : " Le délai d'instruction court à compter de la réception en mairie d'un dossier complet. ". Aux termes de l'article R. 423-39 du même code : " L'envoi prévu à l'article R. 423-38 précise : / a) Que les pièces manquantes doivent être adressées à la mairie dans le délai de trois mois à compter de sa réception ; / b) Qu'à défaut de production de l'ensemble des pièces manquantes dans ce délai, la demande fera l'objet d'une décision tacite de rejet en cas de demande de permis ou d'une décision tacite d'opposition en cas de déclaration ; / c) Que le délai d'instruction commencera à courir à compter de la réception des pièces manquantes par la mairie. ".

3. Il ressort des pièces du dossier que la société " La Fontaine de l'Amour " a déposé une demande de permis de construire le 14 octobre 2022 pour la régularisation des travaux réalisés dans son immeuble et que le délai d'instruction de droit commun de trois mois prévus à l'article R. 423-23 du code de l'urbanisme lui a été notifié. Il ressort également des pièces du dossier qu'une demande de pièces complémentaires lui a été adressée le 24 octobre 2022 lui demandant d'indiquer les fonctions du bâtiment et des pièces avant modifications. Par courrier du 26 octobre 2022, reçu le 4 novembre 2022, la société a adressé à la commune un extrait du formulaire CERFA précisant la destination du bâtiment avant travaux. Dans ces conditions, et dès lors que le dossier de demande de permis de construire peut être regardé comme complet le 4 novembre 2022, un permis de construire tacite est intervenu sur cette demande le 4 février 2023, ce qui est reconnu par le ministre en défense, le préfet de l'Hérault ayant d'ailleurs procédé au retrait de ce permis de construire tacite par arrêté du 15 décembre 2023. Ainsi, à la date d'édiction de la décision implicite née le 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont a rejeté la demande de certificat de permis de construire tacite de la société " La fontaine de l'Amour ", cette dernière bénéficiait d'un permis de construire tacite. Si ce permis tacite a été ultérieurement retiré par le préfet de l'Hérault par une décision du 15 décembre 2023, il ne ressort pas des pièces du dossier que cette décision de retrait aurait acquis, à la date du présent arrêt, un caractère définitif. Par suite, la décision implicite née le 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont a rejeté la demande de certificat de permis de construire tacite de la société " La fontaine de l'Amour " méconnaît les dispositions de l'article R. 424-13 du code de l'urbanisme.

4. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de statuer sur la régularité du jugement, que la société " La Fontaine de l'Amour " est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Sur les conclusions en injonction :

5. Aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : " Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ". Aux termes de l'article L. 911-3 du code de justice administrative : " Saisie de conclusions en ce sens, la juridiction peut assortir, dans la même décision, l'injonction prescrite en application des articles L. 911-1 et L. 911-2 d'une astreinte qu'elle prononce dans les conditions prévues au présent livre et dont elle fixe la date d'effet. ".

6. Il résulte de l'instruction, ainsi qu'il a été dit au point 3 du présent arrêt, que le préfet de l'Hérault a procédé au retrait de la décision de permis de construire tacite née le 4 février 2023 par une décision du 15 décembre 2023. Alors même que, ainsi qu'il vient d'être dit au point 3 du présent arrêt qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que ce retrait ait acquis un caractère définitif, la société " La Fontaine de l'Amour " ne peut être regardée comme titulaire d'un permis de construire tacite à la date du présent arrêt. Par suite, ses conclusions à fin d'injonction tendant à ce que lui soit délivré un certificat de permis tacite doivent être rejetées.

Sur les frais liés au litige :

7. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge de l'Etat ni, en tout état de cause, de la commune de Soumont une somme quelconque au titre des frais exposés et non compris dans les dépens sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier n° 2304103 du 23 mai 2024 et la décision implicite du 9 juillet 2023 par laquelle le maire de Soumont a refusé de délivrer un certificat de permis de construire tacite à la société " La Fontaine de l'Amour " sont annulés.

Article 2 : Le surplus des conclusions de la requête d'appel est rejeté.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société " La Fontaine de l'Amour " et au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation.

Copie en sera adressée au préfet de l'Hérault et à la commune de Soumont.

Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :

M. Chabert, président,

M. Teulière, président assesseur,

Mme Lasserre, première conseillère,

Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.

La rapporteure,

N. Lasserre

Le président,

D. ChabertLa greffière,

N. Baali

La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N°24TL01445


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 24TL01445
Date de la décision : 06/03/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Composition du Tribunal
Président : M. Chabert
Rapporteur ?: Mme Nathalie Lasserre
Rapporteur public ?: M. Jazeron
Avocat(s) : VERBATEAM

Origine de la décision
Date de l'import : 09/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-03-06;24tl01445 ?
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