Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler la décision, non datée, notifiée par courrier du 13 septembre 2019, par laquelle le recteur de l'académie de Toulouse lui a infligé la sanction d'abaissement d'échelon et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1906672 du 30 juin 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires complémentaires, enregistrés les 14 septembre 2022, 11 janvier 2024, 23 octobre 2024 et le 25 novembre 2024, M. A... C..., représenté par le cabinet d'avocat TetL Avocats, agissant par Me Thalamas, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Toulouse du 30 juin 2022 ;
2°) d'annuler la décision, non datée, notifiée par courrier du 13 septembre 2019, par laquelle le recteur de l'académie de Toulouse lui a infligé la sanction d'abaissement d'échelon ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros au titre des frais liés au litige exposés en première instance et une somme de 4 000 euros au titre des frais de même nature exposés en appel, sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le jugement attaqué est entaché d'erreur de fait, d'erreur de droit et d'erreur d'appréciation ;
- la décision litigieuse est entachée d'un vice de procédure tiré de la méconnaissance des principes du contradictoire et des droits de la défense dès lors que certains faits lui étant reprochés n'étaient pas mentionnés dans le courrier le convoquant devant le conseil de discipline, de sorte qu'il n'a pu correctement s'en défendre ; les griefs retenus par l'administration ont évolué au cours de la procédure disciplinaire ;
- elle est entachée d'un vice de procédure dès lors qu'il n'a, à aucun moment de la procédure disciplinaire engagée à son encontre, été informé de son droit de se taire, reconnu par le Conseil constitutionnel dans sa décision n°2024-1105 QPC du 4 octobre 2024 ;
- elle est fondée sur des faits dont la matérialité n'est pour la plupart d'entre eux pas établie, eu égard notamment au caractère non spontané ou indirect des témoignages sur lesquels elle repose et sur la méthodologie employée par l'administration pour élaborer son dossier disciplinaire ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation en ce que la sanction lui étant infligée n'est pas proportionnée aux faits lui étant reprochés.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 10 juillet 2023 et 14 novembre 2024, le recteur de l'académie de Toulouse conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire et des droits de la défense n'est pas fondé dès lors que le courrier du 20 mai 2019 convoquant M. C... devant le conseil de discipline mentionnait les trois griefs lui étant reprochés ; il a également consulté l'intégralité de son dossier et a pu prendre connaissance de l'ensemble des témoignages recueillis, de sorte qu'il avait connaissance de l'ensemble des faits débattus lors de la réunion du conseil de discipline le 5 juillet 2019 et a pu correctement préparer sa défense devant cette instance ;
- M. C... ne peut utilement se prévaloir de la méconnaissance de l'obligation d'information quant à son droit de se taire dès lors qu'il n'était pas présent lors de la réunion de la commission administrative paritaire siégeant en formation disciplinaire, où il était représenté par son avocat, de sorte qu'il n'a pas reconnu les faits lui étant reprochés ; la sanction disciplinaire lui étant infligée ne se fonde pas sur des observations que lui ou son conseil auraient formulées au cours de la procédure disciplinaire ;
- la matérialité des faits reprochés à M. C... est établie notamment par les témoignages d'élèves, de parents d'élèves et de personnels de l'établissement dans lequel il exerçait ses fonctions ; ces faits constituent des manquements aux obligations professionnelles de respect des élèves mineurs confiés, de dignité, à l'exigence d'exemplarité et d'irréprochabilité s'imposant face à des élèves mineurs ; sont également reprochés à l'intéressé des manquements réitérés à l'obligation professionnelle d'accomplir ses missions de façon satisfaisante et enfin un manquement à l'obligation professionnelle de dignité, de courtoisie et de respect par l'intéressé de ses supérieurs hiérarchiques ; ces manquements constituent des fautes de nature à justifier que lui soit infligée une sanction disciplinaire ;
- la sanction d'abaissement d'échelon lui étant infligée est proportionnée à la gravité des faits lui étant reprochés.
Par une ordonnance du 27 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 17 janvier 2025 à 12 heures.
Par un courrier du 8 janvier 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de se fonder sur la décision n°490157 rendue par la section du contentieux du Conseil d'Etat le 19 décembre 2024, intervenue en cours d'instance.
M. C... a présenté ses observations en réponse à cet avis d'information, enregistrées le 13 janvier 2025 et communiquées au recteur de l'académie de Toulouse.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 84-961 du 25 octobre 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Hélène Bentolila, conseillère,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Tesseyre, du cabinet d'avocat TetL Avocats, représentant M. C....
Considérant ce qui suit :
1. M. C..., enseignant en anglais, a exercé ses fonctions en tant qu'agent contractuel du ministère de l'éducation nationale du 23 janvier 2012 au 31 août 2015. Après avoir été admis au concours du certificat d'aptitude au professorat de l'enseignement du second degré, il a été nommé fonctionnaire stagiaire dans le corps des professeurs certifiés de classe normale le 1er septembre 2015, puis titularisé le 1er septembre 2016, date à laquelle il a également été affecté au collège ..., à Montauban (Tarn-et-Garonne). Par un courrier du 5 décembre 2018, la rectrice de l'académie de Toulouse l'a informé de l'engagement d'une procédure disciplinaire à son encontre et l'a invité à consulter son dossier administratif et à présenter ses observations le 22 janvier 2019. Par un courrier du 20 mai 2019, la rectrice de l'académie de Toulouse l'a informé de ce que des nouvelles pièces avaient été ajoutées à son dossier disciplinaire, lui a transmis ces pièces, l'a informé de la possibilité de présenter des observations écrites et/ou orales sur ces nouvelles pièces et l'a convoqué devant la commission administrative paritaire académique réunie en conseil de discipline le 5 juillet 2019. Après la réunion de cette instance, le 5 juillet 2019, par une décision non datée, notifiée à M. C... par un courrier du 13 septembre 2019, le recteur de l'académie de Toulouse lui a infligé la sanction disciplinaire d'abaissement d'échelon. M. C... relève appel du jugement du 30 juin 2022 par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement :
2. Il appartient au juge d'appel non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels les juges de première instance se sont prononcés sur les moyens qui leur étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Dès lors, les moyens tirés des erreurs de fait, de droit et d'appréciation qu'auraient commises les premiers juges, qui se rapportent au bien-fondé du jugement et non à sa régularité, ne peuvent être utilement invoqués par l'appelant.
Sur le bien-fondé du jugement :
3. En premier lieu, aux termes l'article 19 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " (...) Le fonctionnaire à l'encontre duquel une procédure disciplinaire est engagée a droit à la communication de l'intégralité de son dossier individuel et de tous les documents annexes et à l'assistance de défenseurs de son choix. L'administration doit informer le fonctionnaire de son droit à communication du dossier. Aucune sanction disciplinaire autre que celles classées dans le premier groupe par les dispositions statutaires relatives aux fonctions publiques de l'Etat, territoriale et hospitalière ne peut être prononcée sans consultation préalable d'un organisme siégeant en conseil de discipline dans lequel le personnel est représenté. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 25 octobre 1984 relatif à la procédure disciplinaire concernant les fonctionnaires de l'Etat, dans sa rédaction applicable au présent litige : " L'organisme siégeant en conseil de discipline lorsque sa consultation est nécessaire, en application du second alinéa de l'article 19 de la loi susvisée du 13 juillet 1983, est saisi par un rapport émanant de l'autorité ayant pouvoir disciplinaire ou d'un chef de service déconcentré ayant reçu délégation de compétence à cet effet. / Ce rapport doit indiquer clairement les faits reprochés au fonctionnaire et préciser les circonstances dans lesquelles ils se sont produits. ". Aux termes de l'article 3 du même décret : " Le fonctionnaire poursuivi peut présenter devant le Conseil de discipline des observations écrites ou orales, citer des témoins et se faire assister par un ou plusieurs défenseurs de son choix. (...) ". Aux termes de l'article 4 de ce décret : " Le fonctionnaire poursuivi est convoqué par le président du conseil de discipline quinze jours au moins avant la date de réunion, par lettre recommandée avec demande d'avis de réception. (...) ". Aux termes de l'article 5 du même décret : " Lorsque le conseil de discipline examine l'affaire au fond, son président porte, en début de séance, à la connaissance des membres du conseil les conditions dans lesquelles le fonctionnaire poursuivi et, le cas échéant, son ou ses défenseurs ont exercé leur droit à recevoir communication intégrale du dossier individuel et des documents annexes. / Le rapport établi par l'autorité ayant pouvoir disciplinaire (...) et les observations écrites éventuellement présentées par le fonctionnaire sont lus en séance. / (...) ".
4. En l'espèce, M. C... persiste à soutenir que la procédure disciplinaire litigieuse a méconnu les principes du contradictoire et des droits de la défense, dès lors que certains griefs retenus par le recteur d'académie dans la décision de sanction litigieuse n'étaient pas énoncés dans le courrier du 20 mai 2019 le convoquant à la séance du conseil de discipline, de sorte qu'il n'a pas été mis en mesure de préparer utilement sa défense. Toutefois, il ressort des termes de ce courrier de convocation du 20 mai 2019 que celui-ci informait M. C... des trois griefs lui étant reprochés, à savoir en premier lieu, des manquements réitérés à l'obligation professionnelle de dignité et de respect d'élèves mineurs lui étant confiés, en énumérant des propos jugés déplacés ou familiers adressés à certains élèves, en deuxième lieu, des manquements réitérés à son obligation professionnelle d'accomplir ses missions de façon satisfaisante, faisant état d'éléments mentionnés dans un compte-rendu d'accompagnement individuel établi par un inspecteur académique - inspecteur pédagogique régional d'anglais le 3 avril 2018 et, en troisième lieu, un manquement à ses obligations professionnelles de dignité, de courtoisie et de respect de son supérieur hiérarchique et chef d'établissement, mentionnant des propos tenus par l'intéressé lors de la consultation de son dossier, le 22 janvier 2019. Si M. C... soutient qu'au titre du premier grief, le courrier du 20 mai 2019 n'évoquait que des " propos déplacés " ou familiers à l'égard de certains élèves et non des " gestes déplacés ", pourtant mentionnés dans la décision de sanction litigieuse, il ressort des termes de cette décision que les seuls gestes imputés à l'intéressé et reconnus comme fautifs, qualifiant selon le recteur un " comportement inapproprié dans l'enceinte de l'établissement ", sont des manières pour l'enseignant de saluer les élèves dans les couloirs, à savoir des " high five " ou des " shake ". Toutefois, dès lors que d'une part, le courrier de convocation du 20 mai 2019 mentionnait qu'étaient notamment reprochés à M. C... des " shake ", certes, en les qualifiant à tort de " propos " et non de " gestes ", et que, d'autre part, ce courrier mentionnait de façon suffisamment précise les griefs reprochés à l'intéressé et allant être soumis au conseil de discipline, le moyen tiré de la méconnaissance des principes du contradictoire et des droits de la défense doit être écarté.
5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 9 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen du 26 août 1789 : " Tout homme étant présumé innocent jusqu'à ce qu'il ait été déclaré coupable, s'il est jugé indispensable de l'arrêter, toute rigueur qui ne serait pas nécessaire pour s'assurer de sa personne doit être sévèrement réprimée par la loi. ". Il en résulte le principe selon lequel nul n'est tenu de s'accuser, dont découle le droit de se taire. Ces exigences s'appliquent non seulement aux peines prononcées par les juridictions répressives mais aussi à toute sanction ayant le caractère d'une punition.
6. De telles exigences impliquent que l'agent public faisant l'objet d'une procédure disciplinaire ne puisse être entendu sur les manquements qui lui sont reprochés sans qu'il soit préalablement informé du droit qu'il a de se taire. A ce titre, il doit être avisé, avant d'être entendu pour la première fois, qu'il dispose de ce droit pour l'ensemble de la procédure disciplinaire. Dans le cas où l'autorité disciplinaire a déjà engagé une procédure disciplinaire à l'encontre d'un agent et que ce dernier est ensuite entendu dans le cadre d'une enquête administrative diligentée à son endroit, il incombe aux enquêteurs de l'informer du droit qu'il a de se taire. En revanche, sauf détournement de procédure, le droit de se taire ne s'applique ni aux échanges ordinaires avec les agents dans le cadre de l'exercice du pouvoir hiérarchique, ni aux enquêtes et inspections diligentées par l'autorité hiérarchique et par les services d'inspection ou de contrôle, quand bien même ceux-ci sont susceptibles de révéler des manquements commis par un agent.
7. Dans le cas où un agent sanctionné n'a pas été informé du droit qu'il a de se taire alors que cette information était requise en vertu des principes énoncés aux points 5 et 6, cette irrégularité n'est susceptible d'entraîner l'annulation de la sanction prononcée que lorsque, eu égard à la teneur des déclarations de l'agent public et aux autres éléments fondant la sanction, il ressort des pièces du dossier que la sanction infligée repose de manière déterminante sur des propos tenus alors que l'intéressé n'avait pas été informé de ce droit.
8. En l'espèce, il est constant que l'administration n'a à aucun moment informé M. C... de son droit de se taire. Par ailleurs, il ressort des termes de la décision litigieuse que pour lui infliger la sanction d'abaissement d'échelon, le recteur de l'académie de Toulouse a retenu à son encontre trois griefs, à savoir, en premier lieu, des manquements réitérés à son obligation professionnelle de dignité et de respect d'élèves mineurs lui étant confiés, résultant de propos et de gestes déplacés ou inappropriés à l'égard de certains de ses élèves, en deuxième lieu, un manquement à son obligation professionnelle d'accomplir ses missions de façon satisfaisante, résultant d'appréciations figurant dans un compte-rendu d'accompagnement individuel établi par un inspecteur d'académie, et, en troisième lieu, des manquements à son obligation professionnelle de respect de ses supérieurs hiérarchiques, à savoir le principal et le principal adjoint du collège dans lequel il exerçait ses fonctions, résultant de propos tenus lors de la consultation de son dossier le 22 janvier 2019.
9. D'une part, s'agissant du premier grief retenu par le recteur de l'académie de Toulouse, il ressort des pièces du dossier, et notamment des multiples témoignages concordants d'élèves, de parents d'élèves et membres du personnel enseignant, que M. C... a, au cours de l'année scolaire 2017-2018, tenu des propos inappropriés au sujet d'élèves, tels que " ils sont nuls " et " ce sont des glandeurs " lors d'un conseil de classe, auquel participaient des délégués d'élèves et de parents d'élèves, que le 4 décembre 2017, il a répondu à une élève lui ayant dit " Monsieur vous m'avez sautée ", car il avait oublié de ramasser son cahier, " Ne dis pas ça, cela porte à confusion ", qu'il a dit à une autre élève " il vaut mieux que l'on prenne nos distances car je sens que l'on devient trop proches " ou encore que le 12 février 2018 il a dit à trois de ses élèves de sexe féminin partant aux toilettes simultanément " Ne m'appelez pas sinon on va m'accuser de viol ". Il ressort également de nombreux témoignages qu'en janvier et février 2018, M. C... a insulté ses élèves de " bande de petits cons ", de " putain d'attardés de merde ", a dit à un élève " ta gueule ", adressait régulièrement les insultes " ta gueule ", " vos gueules " ou " vous êtes des petits cons " à ses élèves, et qu'il a fait preuve d'un comportement inapproprié dans l'enceinte de son établissement, saluant certains élèves par des " high five " ou des " check ", c'est-à-dire en leur tapant dans la main.
10. Si, ainsi que le soutient l'appelant, il ressort du procès-verbal de la commission administrative paritaire académique siégeant en formation disciplinaire réunie le 5 juillet 2019 que son conseil a lors de cette séance reconnu avoir tenu certains de ces propos, ce que mentionne la décision litigieuse, ainsi qu'il a été dit au point précédent, ces propos ressortaient également de nombreux témoignages d'élèves, de parents d'élèves et d'enseignants, qui figuraient dans son dossier disciplinaire et dont disposait par conséquent l'autorité investie du pouvoir disciplinaire. Ainsi, le premier grief retenu par le recteur d'académie dans la décision litigieuse ne repose pas de manière déterminante sur les propos tenus par le conseil de M. C... devant le conseil de discipline réuni le 5 juillet 2019.
11. D'autre part, s'agissant du troisième grief figurant dans la décision litigieuse, le recteur de l'académie de Toulouse a considéré que M. C... avait commis un manquement à son obligation professionnelle de respect de ses supérieurs hiérarchiques, eu égard à ce que lors de la consultation de son dossier dans les locaux du rectorat le 22 janvier 2019, il avait affirmé de façon mensongère au directeur des affaires juridiques et à un chef de bureau de la direction des personnels enseignants, alors présents, que le principal du collège dans lequel il exerçait ses fonctions l'avait " sorti de son bureau manu militari ", l'avait empêché de prendre connaissance des témoignages des élèves à son encontre et que le principal adjoint l'avait quant à lui agressé verbalement, s'approchant à quelques centimètres de son visage. Compte tenu de ce que ce grief réside dans les propos-mêmes tenus par M. C... le 22 janvier 2019, soit après l'engagement de la procédure disciplinaire dont il a été informé par un courrier du 5 décembre 2018, ce troisième grief repose de manière déterminante sur les propos tenus par M. C... alors qu'il n'avait pas été informé du droit qu'il avait de se taire.
12. En troisième lieu, aux termes de l'article 66 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires applicables à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " Les sanctions disciplinaires sont réparties en quatre groupes. / (...) Deuxième groupe : / - l'abaissement d'échelon (...) ".
13. Il appartient au juge de l'excès de pouvoir, saisi de moyens en ce sens, de rechercher si les faits reprochés à un agent public ayant fait l'objet d'une sanction disciplinaire constituent des fautes de nature à justifier une sanction et si la sanction retenue est proportionnée à la gravité de ces fautes.
14. Ainsi qu'il a été dit au point 8 du présent arrêt, il ressort des termes de la décision litigieuse que pour infliger à M. C... la sanction d'abaissement d'échelon litigieuse, le recteur de l'académie de Toulouse a retenu à trois griefs, à savoir, en premier lieu, des manquements réitérés à son obligation professionnelle de dignité et de respect d'élèves mineurs lui étant confiés, résultant de propos et de gestes déplacés ou inappropriés à l'égard de certains de ses élèves, en deuxième lieu, un manquement à son obligation professionnelle d'accomplir ses missions de façon satisfaisante, résultant d'appréciations figurant dans un compte-rendu d'accompagnement individuel établi par un inspecteur d'académie, et, en troisième lieu, des manquements à son obligation professionnelle de respect de ses supérieurs hiérarchiques, à savoir le principal et le principal adjoint du collège dans lequel il exerçait ses fonctions, résultant de propos tenus lors de la consultation de son dossier le 22 janvier 2019.
15. S'agissant du premier grief, ainsi qu'il a été dit au point 9 du présent arrêt, il ressort des pièces du dossier, particulièrement des témoignages d'élèves, de parents d'élèves et d'enseignants, que M. C... a à plusieurs reprises tenus des propos déplacés et insultants à l'égard d'élèves, caractérisant une faute disciplinaire. A cet égard, M. C... soutient que les témoignages d'élèves figurant dans son dossier disciplinaire ont été récoltés de manière déloyale par l'administration et ne présentent pas de caractère spontané. Il ressort toutefois des pièces du dossier que la quasi-totalité de ces témoignages a été recueillie les 6 et 9 février 2018 à la suite du signalement effectué le 23 janvier 2018 par le professeur principal d'une classe de troisième auprès du principal adjoint du collège au sujet d'insultes proférées par M. C... à l'encontre des élèves de cette classe, puis de plaintes d'élèves le 2 février 2018 concernant un cours pendant lequel M. C... avait demandé à ses élèves de répondre à une série de questions telles que " Quel enseignant a déjà fait passer le bac ' ", " Quel enseignant vous prépare pour le lycée ' " ou encore " Quel enseignant suit à la lettre le système de notation actuel ' ", avant de leur indiquer que la réponse à toutes ces questions n'était autre que son propre nom. Ces faits ayant légitiment pu alerter la direction de l'établissement, celle-ci a ensuite pris l'initiative de recueillir les témoignages écrits des élèves concernés. En outre, il ressort des pièces du dossier que ces témoignages n'emploient pas de formules stéréotypées et font état de façon personnalisée d'éléments factuels variés concernant le déroulement des cours de M. C... ou son comportement au sein de l'établissement. Par ailleurs, le caractère indirect des témoignages de certains parents d'élèves relevé par l'appelant ne saurait, eu égard à leur caractère très circonstancié et à ce qu'ils émanent de parents d'enfants mineurs, à qui ils peuvent aisément se confier, suffire à remettre en cause la matérialité des faits qui y sont énoncés.
16. Par ailleurs, concernant le deuxième grief retenu par le recteur d'académie, consistant en un manquement de M. C... à son obligation professionnelle d'accomplir ses missions de façon satisfaisante, il ressort des pièces du dossier, en particulier du compte-rendu d'accompagnement individuel établi le 3 avril 2018 par M. B..., inspecteur académique - inspecteur pédagogique régional d'anglais, que ce dernier a relevé a, au sujet de l'entretien ayant lieu à la suite de sa visite, mentionné qu'il " conviendrait autant que faire se peut que Monsieur C... garde son sang-froid en situation professionnelle " et d' " éviter certaines expressions peu appropriées telles que I've had enough of this bullshit ".
17. Il résulte de ce qui précède que les faits se rapportant aux premier et deuxième griefs retenus par le recteur d'académie, mentionnés aux points 9, 15 et 16 du présent arrêt, sont matériellement établis et présentent un caractère fautif. Si, ainsi qu'il a été dit au point 11, la décision litigieuse se fonde également sur un troisième grief constitué par les propos tenus par M. C... le 22 janvier 2019 lors de la consultation de son dossier, en méconnaissance de l'obligation d'information de son droit de se taire, il résulte de l'instruction que le recteur de l'académie de Toulouse aurait pris la même décision de sanction d'abaissement d'échelon s'il n'avait retenu que les fautes disciplinaires se rapportant aux premier et deuxième grief précités, cette sanction du deuxième groupe ne présentant pas de caractère disproportionné à ces deux séries de comportements fautifs. Dès lors, le moyen tiré de ce que la décision litigieuse est entachée d'une erreur d'appréciation doit être écarté et l'irrégularité procédurale mentionnée au point 11 n'est pas susceptible d'entraîner l'annulation de cette décision.
18. Il résulte de tout ce qui précède que M. C... n'est pas fondé à se plaindre de ce que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
19. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'Etat, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement des sommes que M. C... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C... et à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche.
Copie en sera adressée au recteur de l'académie de Toulouse.
Délibéré après l'audience du 11 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère,
Mme Bentolila, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 25 mars 2025.
La rapporteure,
H. Bentolila
La présidente,
A. Geslan-Demaret La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N°22TL21975