Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de condamner l'école nationale de l'aviation civile à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de ses préjudices, d'ordonner, le cas échéant, une expertise afin de de chiffrer précisément son préjudice et de mettre à la charge de l'école nationale de l'aviation civile une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n°1903459 du 11 octobre 2022, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté la demande de Mme A....
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 5 décembre 2022, Mme B... A..., représentée par Me Cohen-Tapia, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement rendu le 11 octobre 2022 ;
2°) de condamner l'école nationale de l'aviation civile à lui verser la somme de 25 000 euros en réparation de l'intégralité de son préjudice du fait de l'accident de service du 2 septembre 2014 et du harcèlement moral dont elle a été victime ;
3°) d'ordonner une expertise, dans l'hypothèse où la cour ne s'estimerait pas suffisamment éclairée, et de désigner tel expert qu'il plaira à la cour, afin de pouvoir chiffrer précisément le préjudice qu'elle a subi ;
4°) de mettre à la charge de l'école nationale de l'aviation civile la somme de 1 500 euros en application de l'article 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête, introduite après l'envoi d'une réclamation préalable d'indemnisation, reçue le 27 février 2019 par son employeur, est recevable ;
- l'établissement public administratif que constitue l'école nationale d'aviation civile ne saurait légalement lui opposer l'exception de prescription quadriennale dans la mesure où, le 2 septembre 2014, date de son accident de service, elle n'avait pas connaissance de son entier préjudice ;
Sur la responsabilité :
- elle apporte la preuve qu'elle a subi des faits relevant d'une situation de harcèlement moral au sens de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 relative aux droits et obligations des fonctionnaires ;
- son accident de service, subi après la réunion de service du 2 septembre 2014, témoigne d'une telle situation ;
- elle a également subi une rechute, le 20 mars 2017, de cet accident de service, que l'établissement public administratif qui l'emploie a refusé de reconnaître, décision qu'elle a contestée devant le tribunal administratif de Toulouse et en appel ;
Sur le préjudice :
- outre, le malaise soudain, elle a présenté un syndrome anxio-dépressif pour la période du 29 septembre au 24 octobre 2014 et a subi une rechute le 20 mars 2017 de sorte qu'elle est fondée à solliciter une somme forfaitaire de 25 000 euros au titre de l'intégralité de son préjudice.
Par un mémoire en défense, enregistré le 11 mars 2024, l'école nationale de l'aviation civile, représentée par Me Herrmann, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de Mme A... la somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête, faute de critiquer la motivation adoptée par le tribunal administratif de Toulouse, est irrecevable ;
- sa demande de première instance, liée à un fait générateur survenu en 2014, est prescrite en application des dispositions de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat ;
- la demande d'expertise, identique à celle de première instance, n'est pas utile et n'aura pas à être ordonnée ;
- au surplus, aucune faute n'a été commise ;
- à titre infiniment subsidiaire, le préjudice n'est pas détaillé et ne saurait, par là même, être regardé comme établi.
Par une ordonnance du 10 septembre 2024, la date de clôture d'instruction a été fixée au 10 octobre 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la loi n° 68-1250 du 31 décembre 1968 ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- et les observations de Me Herrmann, représentant l'école nationale de l'aviation civile.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., adjointe administrative au sein de la direction générale de l'aviation civile, a été victime le 2 septembre 2014 d'un malaise sur son lieu de travail. Cet accident a été reconnu imputable au service, la date de consolidation étant fixée au 15 novembre 2016, sans incapacité permanente partielle, et Mme A... étant déclarée apte à une reprise de travail à mi-temps thérapeutique pour une durée de trois mois. Après sa reprise de fonctions à temps partiel le 15 février 2017, elle a été placée en congé de maladie à partir du 20 mars 2017. La demande d'imputabilité au service de l'aggravation de son état de santé a été rejetée par une décision du 13 février 2018, dont la légalité a été confirmée par un jugement du tribunal administratif de Toulouse, rendu le 16 mars 2020, puis, le 25 octobre 2022, par un arrêt n° 20TL21869 de la cour. Le ministre de la transition écologique et solidaire a, par une décision du 28 mai 2019, rejeté sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, décision dont la légalité a été confirmée par jugement rendu, le 12 juillet 2022, par le tribunal administratif de Nîmes auquel la requête avait été transmise. Mme A... relève appel du jugement, rendu le 11 octobre 2022, par lequel le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande tendant à obtenir l'indemnisation des préjudices résultant d'une situation de harcèlement moral qu'elle estime avoir subie.
Sur le bien-fondé du jugement :
2. Aux termes de l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983 alors en vigueur : " Aucun fonctionnaire ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel (...) ". Lorsqu'un agent est victime dans l'exercice de ses fonctions, d'agissements répétés de harcèlement moral visés à l'article 6 quinquies de la loi du 13 juillet 1983, il peut demander à être indemnisé par l'administration de la totalité du préjudice subi, alors même que ces agissements ne résulteraient pas d'une faute qui serait imputable à celle-ci.
3. Il appartient à un agent public qui soutient avoir été victime d'agissements constitutifs de harcèlement moral de soumettre au juge des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence d'un tel harcèlement. Il incombe à l'administration de produire, en sens contraire, une argumentation de nature à démontrer que les agissements en cause sont justifiés par des considérations étrangères à tout harcèlement. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si les agissements de harcèlement sont ou non établis, se détermine au vu de ces échanges contradictoires, qu'il peut compléter, en cas de doute, en ordonnant toute mesure d'instruction utile. Pour apprécier si des agissements dont il est allégué qu'ils sont constitutifs d'un harcèlement moral revêtent un tel caractère, le juge administratif doit tenir compte des comportements respectifs de l'agent auquel il est reproché d'avoir exercé de tels agissements et de l'agent qui estime avoir été victime d'un harcèlement moral.
4. En premier lieu, si Mme A... invoque l'existence d'une surcharge de travail à compter du mois d'octobre 2012, il ressort toutefois des pièces du dossier et il n'est, au demeurant, pas contesté que ce surcroît de tâches lié au départ de son supérieur hiérarchique, avant l'arrivée, en juillet 2013, de sa remplaçante, a été ponctuel et pallié, dans une certaine mesure, par le recrutement de vacataires, ainsi qu'elle l'admet elle-même, dans ses écritures. En outre, l'appelante n'apporte pas davantage devant la cour que devant le tribunal administratif de Toulouse les éléments de nature à établir que sa charge de travail aurait été excessive.
5. En deuxième lieu, Mme A... invoque également les relations difficiles avec la nouvelle cheffe de la subdivision, qui, selon l'intéressée, n'aurait pas disposé de la connaissance nécessaire du système de paie et aurait exercé des pressions à son endroit. Toutefois, elle n'apporte aucun élément susceptible de faire présumer que le comportement allégué aurait excédé les limites du pouvoir hiérarchique. Si Mme A... soutient également qu'elle a subi une dégradation de ses conditions de travail en juillet 2013, dans le cadre de la restructuration du service et l'extension des missions de la subdivision, qui s'est vu attribuer, outre la paie des agents contractuels et des vacataires, la gestion de ces personnels, il ne résulte cependant pas de l'instruction que les décisions de rejet qui auraient été opposées à plusieurs de ses demandes de congés annuels, n'aurait pas été fondées sur les nécessités du service. Il en va de même du refus qui aurait été opposé à sa demande de mutation, et ce, dès lors notamment qu'avant son accident de service, qui a eu lieu le 2 septembre 2014, il avait été prévu qu'elle serait affectée à compter du 1er octobre 2014 au bureau des programmes du centre d'appui aux enseignements avec attribution de 10 points de nouvelle bonification indiciaire, ce que l'intéressée, qui souhaitait quitter le service, ne peut qualifier de mutation d'office. Enfin, en se bornant à alléguer qu'elle est bloquée depuis plusieurs années, alors qu'une de ses collègues avec une ancienneté moindre par rapport à la sienne, a obtenu un avancement, elle ne saurait apporter les éléments suffisants à l'appui de l'allégation tirée d'une situation de harcèlement moral ou d'une discrimination à son endroit.
6. En troisième lieu, la circonstance que le malaise dont elle a été victime à l'issue de la réunion de service du 2 septembre 2014 et l'arrêt de travail qui s'y rapporte ont été regardés comme relevant d'un accident de service ne suffit pas, par elle-même, à établir que son état de santé découlerait d'un harcèlement moral subi dans le service.
7. En quatrième lieu, en admettant que Mme A... ait entendu, à l'appui de ses conclusions à fin d'indemnisation, contester le refus opposé, le 13 février 2018, à sa demande de prise en compte de l'aggravation de son état de santé dans le cadre d'une situation de rechute de l'accident de service, la légalité d'un tel refus a été confirmée, par un jugement rendu le 16 mars 2020, par le tribunal administratif de Toulouse confirmé en appel, par un arrêt de la cour du 25 octobre 2022.
8. En cinquième lieu, Mme A... ne peut davantage exciper de l'illégalité de la décision du 28 mai 2019 rejetant sa demande de reconnaissance d'une maladie professionnelle, décision dont la légalité a été confirmée par jugement rendu, le 12 juillet 2022, par le tribunal administratif de Nîmes et devenu définitif.
9. Ainsi, les faits que l'appelante invoque, pris isolément ou dans leur ensemble, ne sont pas de nature à faire présumer l'existence d'un harcèlement moral et ne révèlent, par ailleurs, aucune faute de la part de l'établissement public administratif dans ses relations avec son agent. En conséquence, les conclusions à fin d'indemnisation qu'elle présente à l'encontre de l'école nationale de l'aviation civile doivent être rejetées.
10. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir tirée du défaut de motivation de la requête ou l'exception de prescription opposée en défense, ni d'ordonner une expertise complémentaire, que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'école nationale de l'aviation civile, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, la somme demandée par Mme A..., au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de Mme A..., sur ce même fondement, le versement d'une somme de 1 000 euros à l'école nationale de l'aviation civile au titre des frais exposés par cette dernière et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Mme A... versera la somme de 1 000 euros à l'école nationale de l'aviation civile en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et à l'école nationale de l'aviation civile.
Délibéré après l'audience du 25 mars 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 8 avril 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'aménagement du territoire et de la décentralisation en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°22TL22419 2