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15/04/2025 | FRANCE | N°23TL02991

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 15 avril 2025, 23TL02991


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 4 février 2022 par laquelle le maire de la commune de Brouilla a rejeté sa demande tendant à la remise dans son état initial de la concession funéraire accordée à sa famille le 30 janvier 2018, d'enjoindre à la commune de procéder à cette remise en état, et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.



Par un jugement

n° 2202148 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Mme A... C... a demandé au tribunal administratif de Montpellier d'annuler la décision du 4 février 2022 par laquelle le maire de la commune de Brouilla a rejeté sa demande tendant à la remise dans son état initial de la concession funéraire accordée à sa famille le 30 janvier 2018, d'enjoindre à la commune de procéder à cette remise en état, et de la condamner à lui verser la somme de 2 000 euros en réparation de son préjudice moral.

Par un jugement n° 2202148 du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de Brouilla du 4 février 2022, lui a enjoint de restituer à Mme C... l'emplacement concédé, et condamné la commune de Brouilla à verser à cette dernière une somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral. Le tribunal a, par ailleurs, condamné la société Siutat Marbrerie Pompes Funèbres à garantir la commune de Brouilla à hauteur de la somme précitée de 500 euros.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 21 décembre 2023, Mme A... C..., représentée par Me Nivet, demande à la cour :

1°) de réformer le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 décembre 2023 en tant qu'il a limité, d'une part, à 500 euros le montant des dommages et intérêts octroyés au titre de son préjudice moral et, d'autre part, à 1 500 euros la somme mise à la charge de la commune de Brouilla au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;

2°) de condamner la commune de Brouilla à lui verser la somme de 2 500 euros au titre de son préjudice moral ;

3°) de mettre à la charge de la commune la somme de 3 120 euros sur le fondement des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative en ce qui concerne les procédures de première instance et d'appel ;

4°) de confirmer le jugement en toutes ses autres dispositions.

Elle soutient que :

- le déplacement d'une urne funéraire contenant les cendres de ses parents, en méconnaissance des droits acquis d'une concession, et sans l'accord des bénéficiaires de cette concession, engage la responsabilité de la collectivité publique ; les ayants-droits concernés subissent, dans cette hypothèse, un préjudice moral dont ils sont fondés à demander réparation ;

- au cas d'espèce, le casier contenant les urnes funéraires de ses parents a été déplacé, sans son autorisation ni sa présence, par l'entreprise que la commune avait chargée des travaux d'agrandissement du colombarium ;

- c'est à bon droit que le tribunal a jugé que la commune avait commis une illégalité fautive en rejetant sa demande tendant à ce que l'emplacement de la concession accordée à sa famille lui soit restitué ; c'est également à bon droit que le tribunal en a déduit que la responsabilité de la commune était engagée sur le terrain de la faute ;

- toutefois, en accordant une indemnisation s'élevant à 500 euros, les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante du préjudice moral subi ; celui-ci doit être évalué à la somme de 2 500 euros ;

- en mettant la somme de 1 500 euros à la charge de la commune au titre des frais non compris dans les dépens, les premiers juges ont procédé à une évaluation insuffisante de ces frais eu égard aux justificatifs produits.

Par une ordonnance du 21 janvier 2025, la clôture d'instruction a été fixée au 11 février 2025 à 12h00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport B... Faïck, président-rapporteur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique.

- et les observations de Me Nivet, représentant Mme C....

Considérant ce qui suit :

1. Le 30 janvier 2018, maire de Brouilla (Pyrénées-Orientales) a accordé à Mme E... une concession funéraire perpétuelle dans le columbarium du cimetière communal destinée à accueillir l'urne funéraire de son époux. Le 8 janvier 2022, Mme C..., fille B... et Mme E..., entre-temps décédée, a constaté sur place que les urnes dans lesquelles étaient conservées les cendres de ses parents avaient été posées dans un nouvel emplacement du colombarium à la suite de travaux d'agrandissement de celui-ci confiés par la commune à l'entreprise Siutat Marbrerie Pompes Funèbres. Mme C... a, le 2 février 2022, demandé au maire de Brouilla de faire déposer à leur endroit initial les urnes funéraires, conformément à la concession. Le maire a rejeté cette demande par une décision du 4 février 2022. Après quoi, Mme C... a saisi le tribunal administratif de Montpellier de demandes tendant à l'annulation de cette décision du 4 février 2022, à qu'il soit enjoint au maire de Brouilla de faire replacer les urnes dans l'emplacement concédé, ainsi qu'à la condamnation de la commune lui verser la somme de 2 000 euros au titre de son préjudice moral.

2. Par un jugement du 5 décembre 2023, le tribunal administratif de Montpellier a annulé la décision du maire de Brouilla du 4 février 2022 et lui a enjoint de restituer à Mme C... l'emplacement concédé au sein du colombarium. Par ailleurs, le tribunal a condamné la commune de Brouilla à verser à Mme C... une somme de 500 euros en réparation de son préjudice moral ainsi qu'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Enfin, le tribunal a condamné la société Siutat Marbrerie Pompes Funèbres, qui avait déplacé les urnes funéraires sans en aviser Mme C..., à garantir la commune de Brouilla de l'intégralité de la condamnation prononcée à son encontre. Mme C... relève appel de ce jugement en tant qu'il n'a pas entièrement fait droit à ses conclusions indemnitaires et à ses conclusions présentées au titre de ses frais exposés et non compris dans les dépens.

Sur le préjudice :

3. Aux termes de l'article L. 2213-8 du code général des collectivités territoriales : " Le maire assure la police des funérailles et des cimetières. ". Aux termes de l'article L. 2223-13 du même code : " Lorsque l'étendue des cimetières le permet, il peut être concédé des terrains aux personnes qui désirent y fonder leur sépulture et celle de leurs enfants ou successeurs. (...) Il peut être également concédé des espaces pour le dépôt ou l'inhumation des urnes dans le cimetière. "

4. Ainsi qu'il a été dit, le maire de Brouilla a, par décision du 4 février 2022, rejeté la demande de Mme C... tendant à ce que les urnes funéraires de ses parents soient remises dans l'emplacement concédé à sa famille en 2018. Il est constant que le déplacement des urnes a été effectué par la société Suitat Marbrerie Pompes Funèbres à l'occasion de travaux d'agrandissement du colombarium que la commune lui avait confiés. Il est tout aussi constant que ce déplacement a été effectué sans que Mme C... en soit informée et a fortiori sans que son autorisation soit sollicitée. Par suite, c'est à bon droit que le tribunal a jugé, par des motifs qui ne sont d'ailleurs pas contestés, que le maire de Brouilla a commis une faute engageant la responsabilité de la commune en prenant la décision précitée du 4 février 2022.

5. Il résulte de l'instruction que Mme C..., qui demeure dans la commune de Lavaur (Tarn), se rend à Brouilla environ une fois tous les deux mois pour se recueillir devant la sépulture de ses parents. Alors qu'initialement, les urnes funéraires se trouvaient dans un casier situé au milieu de la dernière rangée du colombarium, elles ont été placées, après les travaux, à droite de cette rangée à laquelle deux casiers avaient été ajoutés. Cette situation, que Mme C... a subitement découverte lorsqu'elle est venue se recueillir devant le colombarium, a été de nature à lui causer un préjudice moral lui ouvrant droit à réparation. Compte tenu des circonstances de l'espèce, l'appelante est fondée à soutenir qu'en lui allouant la somme de 500 euros, les premiers juges ont procédé à une estimation insuffisante de ce préjudice. Il en sera fait une juste appréciation en l'évaluant, compte tenu des circonstances de l'espèce, à la somme de 1 500 euros. Le jugement attaqué doit ainsi être réformé dans cette mesure.

Sur les frais de première instance et d'appel :

6. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

6. Mme C... produit deux notes d'honoraires de son conseil dont il ressort que ses frais, non compris dans les dépens, exposés en première instance se sont élevés à la somme totale de 1 920 euros. Par suite, et eu égard aux caractéristiques du litige, Mme C... a droit au remboursement de la somme précitée de 1920 euros. Il y a lieu, dès lors, de réformer le jugement attaqué en ce qu'il a limité à 1 500 euros la somme qu'il a mise à la charge de la commune de Brouilla au titre des frais exposés par Mme C... et non compris dans les dépens.

7. Enfin, il y a lieu de faire application des mêmes dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de la commune de Brouilla, partie perdante, la somme de 1 200 euros dont Mme C... s'est acquittée au titre de l'instance d'appel.

DÉCIDE:

Article 1er : L'indemnité de 500 euros que la commune de Brouilla a été condamnée à verser à Mme C... en réparation de son préjudice est portée à 1 500 euros.

Article 2 : La somme que le tribunal administratif de Montpellier a mise à la charge de la commune de Brouilla au titre des frais exposés en première instance et non compris dans les dépens est portée de 1 500 euros à 1 920 euros.

Article 3 : La commune de Brouilla versera à Mme C... une somme de 1 200 euros au titre de l'instance d'appel en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le jugement du tribunal administratif de Montpellier du 5 décembre 2023 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.

Article 5 : Le surplus des conclusions de Mme C... est rejeté.

Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... C..., à la commune de Brouilla et à la société Siutat Marbrerie Pompes Funèbres.

Délibéré après l'audience du 1er avril 2025, à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme. El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 15 avril 2025.

Le président-assesseur,

P. BentolilaLe président-rapporteur,

F. Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne au préfet des Pyrénées-Orientales en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

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N°23TL02991


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02991
Date de la décision : 15/04/2025
Type de recours : Plein contentieux

Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Frédéric Faïck
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : NIVET GUILLEM

Origine de la décision
Date de l'import : 20/04/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-04-15;23tl02991 ?
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