Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 par lequel la préfète du Gard a procédé au retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
Par un jugement n° 2300810 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 8 juin 2023, M. A..., représenté par Me Laurent-Neyrat, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 février 2023 de la préfète du Gard ;
3°) d'enjoindre au préfet du Gard de produire l'intégralité de son dossier ;
4°) d'enjoindre, sous astreinte de 100 euros par jour de retard, au préfet du Gard de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou de réexaminer sa situation et de le munir, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour portant autorisation de travail ;
5°) de mettre à la charge de l'État une somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
- en s'abstenant de prendre connaissance de l'intégralité des pièces de son dossier administratif, les premiers juges ont dénaturé la portée de celles qu'ils ont examinées ;
- la décision de retrait du titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de fait et d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- elle méconnaît les dispositions des articles L. 423-22 et R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est privée de base légale ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire n'est pas suffisamment motivée ;
- elle s'appuie sur la qualification abusive de menace pour l'ordre public ;
- elle tendait à l'empêcher de rassembler des éléments de preuve pour expliquer sa situation avant de saisir le tribunal administratif ;
- la décision fixant le pays de renvoi est privée de base légale ;
- elle méconnaît les articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour n'est pas motivée.
Par un mémoire en défense, enregistré le 19 août 2024, le préfet du Gard conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par M. A... sont inopérants ou ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 26 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 12 janvier 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant guinéen né le 2 octobre 2001, déclare être entré en France en 2017. Il a été pris en charge par les services de l'aide sociale à l'enfance dès le 28 septembre 2017. Le 15 septembre 2022, la préfète du Gard a décidé de faire droit à sa demande tendant à la délivrance d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale ". M. A... fait appel du jugement du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 février 2023 par lequel la préfète du Gard a procédé au retrait de son titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de renvoi et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée de deux ans.
2. M. A... ne peut utilement se prévaloir, pour contester le jugement attaqué, de ce que les premiers juges, en s'abstenant de prendre connaissance de l'intégralité des pièces de son dossier administratif, auraient entaché leur jugement d'une dénaturation des pièces qu'ils ont examinées. En tout état de cause, l'appelant n'apporte aucune précision sur les conséquences à tirer des pièces prétendument manquantes, alors que le dossier contentieux contenait tous les éléments d'information nécessaires pour que les premiers juges statuent en toute connaissance de cause.
Sur la décision de retrait du titre de séjour :
3. Aux termes de l'article L. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction applicable à la date de l'arrêté attaqué : " Une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle peut, par une décision motivée, être retirée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public ". L'article R. 432-4 du même code dispose que : " Sans préjudice des dispositions des articles R. 421-41, R. 422-7, R. 423-2 et R. 426-1, le titre de séjour peut être retiré dans les cas suivants : / (...) / 6° L'étranger titulaire d'une carte de séjour temporaire ou d'une carte de séjour pluriannuelle constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
4. En premier lieu, la décision attaquée, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... a agressé, le 21 décembre 2022, dans un bus de ville à Nîmes, une femme et un homme âgé de 86 ans, en frappant volontairement ce dernier, notamment à la tête. Il a ensuite opposé une vive résistance lors de son interpellation par trois agents de la police municipale, en donnant des coups et en tentant de leur subtiliser un pistolet à impulsion électrique. Il s'est également rebellé à deux reprises en garde à vue, en blessant deux fonctionnaires de police, occasionnant respectivement deux et trois jours d'incapacité. Compte tenu du caractère récent de ces faits, de leur nature et de leur gravité, ainsi que des éléments relatifs aux attaches de M. A... en France, la préfète du Gard n'a pas fait une inexacte appréciation des circonstances de l'espèce en estimant que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public. À ce titre, la circonstance que M. A... a été hospitalisé sous contrainte du 22 décembre 2022 au 30 janvier 2023 ne suffit pas à considérer, alors même qu'il affirme avoir été victime d'un épisode de décompensation psychotique qu'il n'avait jamais connu auparavant et que son discernement était aboli, qu'il ne présenterait plus une menace pour l'ordre public. Il en est de même de la circonstance que cet épisode serait en lien avec l'absence de remise effective du titre de séjour accordé, sur une demande présentée le 2 octobre 2019. Enfin, la mention, dans l'arrêté attaqué, selon laquelle les faits survenus le 21 décembre 2022 " peuvent être considérés comme une grave atteinte à l'ordre public " ne révèle aucune erreur dans la qualification juridique entachant la décision contestée. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article R. 432-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
6. En troisième lieu, l'arrêté attaqué, qui mentionne que M. A... est " actuellement sans emploi " et qu'il a " agressé violemment une personne âgée ", n'est pas entaché, sur ces points, d'une erreur dans l'exactitude matérielle des faits.
7. En quatrième lieu, M. A... est célibataire et sans charge de famille et ne justifie pas être dépourvu d'attaches dans son pays d'origine. Ainsi qu'il a été dit au point 5, sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Dans ces conditions, les seules circonstances qu'il réside en France depuis 2017, qu'il a travaillé, entend poursuivre son parcours de formation et aurait noué des liens forts sur le territoire national sont insuffisantes pour admettre que la décision de retrait de son titre de séjour a porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
8. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision portant obligation de quitter le territoire français, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de retrait du titre de séjour doit être écarté.
10. En deuxième lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. La motivation du retrait du titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 4, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
11. En troisième lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 7 et 8 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de M. A... doivent être écartés.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
12. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : / 1° Le comportement de l'étranger constitue une menace pour l'ordre public (...) ".
13. En premier lieu, la décision portant refus de délai de départ volontaire, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, est suffisamment motivée.
14. En deuxième lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 5 du présent arrêt, le moyen tiré de ce que le comportement de M. A... ne constitue pas une menace pour l'ordre public doit être écarté.
15. En dernier lieu, il n'est pas démontré que la décision portant refus de délai de départ volontaire avait pour but d'empêcher M. A... de rassembler des éléments de preuve permettant d'expliquer sa situation avant de saisir le tribunal administratif.
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
16. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment que le moyen, dirigé contre la décision fixant le pays de renvoi, tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
17. En deuxième lieu, aux termes de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ". M. A... n'établit aucun risque de subir personnellement de tels traitements en cas de retour dans son pays d'origine. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de ces stipulations doit être écarté.
18. En dernier lieu, compte tenu de ce qui a été dit au point 7, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur a décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
19. La décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, qui comporte l'énoncé des considérations de fait et de droit qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
20. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'ordonner la communication de l'intégralité du dossier administratif de M. A..., que ce dernier n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Gard.
Délibéré après l'audience du 10 avril 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mai 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01343