Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Toulouse de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle à titre provisoire, d'annuler la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour et la décision implicite de refus de délivrance d'un récépissé, d'enjoindre au préfet du Tarn, sous astreinte de 200 euros par jour de retard à compter de l'expiration d'un délai de huit jours suivant la notification du jugement, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa situation et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail et de mettre à la charge de l'Etat le versement de la somme de 1 500 euros à son conseil au titre des dispositions combinées des articles L. 761 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 ou à lui verser sur le seul fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en cas de non admission à l'aide juridictionnelle.
Par une ordonnance n° 2401258 du 6 mai 2024, prise sur le fondement du 4° de l'article R.222-1 du code de justice administrative, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté ses demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des pièces complémentaires, enregistrées les 11 et 31 mai 2024, M. B... A..., représenté par Me Sangue, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du 6 mai 2024 ;
2°) d'annuler la décision implicite de rejet née du silence gardé par l'administration sur sa demande de titre de séjour ;
3°) d'annuler la décision portant refus de délivrance d'un récépissé en dépit de l'envoi d'un dossier complet aux services de la préfecture du Tarn qui en a accusé réception ;
4°) à titre principal, d'enjoindre au préfet du Tarn de lui délivrer un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5°) à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet du Tarn de procéder au réexamen de sa situation administrative dans un délai de huit jours suivant la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour avec autorisation de travail ;
6°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement d'une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- c'est à tort que le premier juge lui a opposé, sans soumettre au contradictoire, un moyen soulevé d'office, une irrégularité de procédure non soulevée en défense par le préfet auquel la requête n'avait pas été communiquée ;
- après lui avoir demandé, par courriel, de compléter son dossier par la production de la copie intégrale de son passeport, le préfet a, par courriel du 4 juillet 2023, accusé bonne réception de son entier dossier envoyé par la poste et des pièces complémentaires transmises par mail, de sorte qu'il était dans l'obligation d'instruire son dossier et de lui délivrer un récépissé d'enregistrement ;
- le préfet du Tarn, par son silence gardé pendant plus de quatre mois sur sa demande d'admission au séjour, a nécessairement fait naître une décision implicite de rejet, dont il était en droit de demander la communication des motifs, par son courriel du 7 janvier 2024 ;
- en refusant de lui délivrer un récépissé, alors même qu'il avait accusé réception de son dossier complet, le préfet a entaché sa décision d'un défaut d'examen de sa situation et d'un défaut de motivation ;
- le préfet a entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation et a violé l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 octobre 2024, le préfet du Tarn conclut au rejet de la requête comme irrecevable.
Il fait valoir que :
- la demande de certificat de résidence sur le fondement de l'article 6-2 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 doit obligatoirement être déposée au moyen d'un téléservice, de sorte que la demande de M. A... est irrecevable, à défaut d'apporter la preuve de l'existence de la régularité du dépôt de son dossier ;
- il n'était pas tenu d'instruire la demande d'admission au séjour en qualité de conjoint algérien d'une ressortissante française dès lors que l'intéressé s'est abstenu de respecter la procédure de saisine par voie numérisée ;
- il n'était pas davantage tenu de délivrer un récépissé, conformément à l'article R. 431-12 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- les autres moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 7 octobre 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 4 novembre 2024.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- l'arrêté du 31 mars 2023 pris en application de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatif aux titres de séjour dont la demande s'effectue au moyen d'un téléservice ;
- le code de justice administrative.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Armelle Geslan-Demaret, présidente rapporteure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant algérien, né le 10 septembre 1994, à Constantine (Algérie), est entré en France muni d'un titre de séjour italien d'un an expirant le 10 décembre 2022. Il s'est marié, le 12 novembre 2022, avec une ressortissante française à la mairie de Castres (Tarn). Par un courrier avec demande d'avis de réception, reçu le 24 mai 2023, il a déposé une demande de titre de séjour auprès des services de la préfecture du Tarn, qui en ont accusé réception par courriel du 19 juin 2023 l'invitant à compléter son dossier par la production d'une copie de son passeport, qu'il a adressée par courriel en réponse du 19 juin 2023 demandant à la préfecture de confirmer la complétude de son dossier. Par un courriel, du 4 juillet 2023, le préfet du Tarn a confirmé la réception de ces éléments complémentaires. Le 7 janvier 2024, estimant qu'en l'absence de toute réponse à sa démarche, une décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour était née, M. A... a demandé, sans qu'il lui soit répondu, la communication des motifs de cette décision. Il relève appel de l'ordonnance du 6 mai 2024 par laquelle la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté pour irrecevabilité sa demande d'annulation de la décision implicite de rejet de sa demande de titre de séjour.
Sur la régularité de l'ordonnance attaquée :
2. D'une part, aux termes de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La demande d'un titre de séjour figurant sur une liste fixée par arrêté du ministre chargé de l'immigration s'effectue au moyen d'un téléservice à compter de la date fixée par le même arrêté. Les catégories de titres de séjour désignées par arrêté figurent en annexe 9 du présent code. (...) ". L'arrêté du 31 mars 2023 pris pour application de l'article R.431-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droits d'asile dispose : " Sont effectuées au moyen du téléservice mentionné à l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile :/ 1° A compter du 5 avril 2023, les demandes (...) de certificats de résidence algériens délivrés en application des articles L. 411-1, L. 411-4, L. 423-1, L. 423-2, L. 423-6 du même code ainsi que des stipulations combinées des articles 6 2 (...) de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié (...). " Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit (...) 2) au ressortissant algérien, marié à un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française (...) ".
3. D'autre part, aux termes de l'article R. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Le silence gardé par l'autorité administrative sur les demandes de titres de séjour vaut décision implicite de rejet " et l'article R. 432-2 du même code dispose que : " La décision implicite de rejet mentionnée à l'article R. 432-1 naît au terme d'un délai de quatre mois ".
4. Par l'ordonnance contestée, la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a opposé au requérant les dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, alors que la demande de première instance n'avait pas été instruite et que, par conséquent, aucune irrecevabilité tirée de l'application de ces dispositions n'avait été soulevée.
5. M. A... produit en appel de nouvelles pièces, parmi lesquelles une copie d'un courriel de la préfecture du Tarn du 13 juin 2023, lui demandant de compléter son dossier du 24 mai 2023 par la production de la copie intégrale de son passeport, envoi dont l'autorité préfectorale a accusé réception, par courriel daté du 7 juillet 2023. Il s'ensuit que, compte tenu de la production de ce courriel du 7 juillet 2023, et par application des dispositions citées aux points 2 et 3, la demande de titre de séjour adressée par M. A..., conformément à la demande expresse des services préfectoraux, par courrier, le 22 mai 2023, et reçue par ces services le 24 mai suivant, a nécessairement fait courir le délai prévu à l'article R.432-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers, et fait naître une décision implicite de rejet. En appel, le préfet du Tarn, qui se prévaut des dispositions de l'article R. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, n'apporte aucun élément de nature à établir que le requérant aurait été informé de l'obligation de déposer son dossier uniquement par la voie dématérialisée.
6. Par suite, c'est à tort que la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse a rejeté comme irrecevable la demande dont elle était saisie, au motif de l'inexistence de décisions de refus de titre de séjour et de délivrance d'un récépissé faisant grief à M. A.... Son ordonnance du 6 mai 2024 doit, dès lors, être annulée.
7. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de renvoyer l'affaire au tribunal administratif de Toulouse pour qu'il statue à nouveau sur les demandes de M. A....
Sur les autres conclusions :
8. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions de M. A... tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : L'ordonnance n° 2401258 du 6 mai 2024 de la présidente de la 5ème chambre du tribunal administratif de Toulouse est annulée.
Article 2 : L'affaire est renvoyée devant le tribunal administratif de Toulouse.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A... est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet du Tarn.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La présidente rapporteure,
A. Geslan-DemaretLa présidente assesseure,
D. Teuly-Desportes
La greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
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N° 24TL01224