Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures :
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes d'une part, d'annuler la décision du 8 septembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Florac a refusé de faire droit à sa demande de reclassement, ainsi que la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Florac l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, à compter du 29 août 2018, d'enjoindre au centre hospitalier de Florac de le réintégrer dans le corps de la fonction publique hospitalière, dans un délai de quinze jours suivant la date de notification du jugement et de réexaminer sa demande de reclassement dans un délai d'un mois suivant sa date de réintégration, sous astreinte de cent euros par jour de retard et, d'autre part, de condamner le centre hospitalier de Florac à lui verser une indemnité compensatrice correspondant à la différence entre les indemnités maladie perçues et, actuellement, sa pension de retraite, et le traitement auquel il aurait pu prétendre après service fait à la suite de son reclassement, à lui verser une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral et à lui rembourser la somme de 120 euros toutes taxes comprises correspondant aux frais de contre-expertise médicale réalisée, et de mettre à la charge du centre hospitalier de Florac la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 1802008 du 11 juin 2020, le tribunal administratif de Nîmes a annulé la décision du 8 septembre 2017 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Florac a refusé de faire droit à la demande de reclassement de M. B..., ainsi que la décision du 28 novembre 2018 par laquelle le directeur du centre hospitalier de Florac l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, à compter du 29 août 2018, a enjoint au centre hospitalier de Florac de procéder au réexamen de l'aptitude de M. B... à la date du 8 septembre 2017, après saisine du comité médical départemental, mis à la charge du centre hospitalier de Florac une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de ses demandes.
Par un arrêt n° 20TL02989, rendu le 7 février 2023, la cour a rejeté la requête du centre hospitalier de Florac et a mis à la charge de l'établissement public de santé la somme de 1 500 euros à verser à Me Leturcq, avocat de M. B..., en application des dispositions combinées de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, sous réserve que cette avocate renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat.
Procédure devant la cour :
Par un courrier enregistré au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille le 5 octobre 2021, M. A... B..., représenté par Me Leturcq, a demandé l'ouverture d'une procédure en exécution du jugement du 11 juin 2020.
Par une ordonnance du 11 avril 2022, le président de la Section du contentieux du Conseil d'Etat a transmis la demande à la cour en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative.
Par une ordonnance du 2 décembre 2024, le président de la cour a décidé l'ouverture d'une procédure juridictionnelle en vue de prescrire, s'il y a lieu, les mesures qui seraient nécessaires à l'exécution du jugement du 11 juin 2020.
Par une demande, enregistrée le 5 octobre 2021, et communiquée au centre hospitalier de Florac, dans le cadre de la procédure juridictionnelle, M. A... B..., représenté par Me Leturcq, demande à la cour :
1°) d'ordonner au directeur du centre hospitalier de Florac d'annuler la décision du 8 septembre 2017 par laquelle il a refusé de faire droit à sa demande de reclassement et d'annuler la décision du 28 novembre 2018 par laquelle il l'a admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, à compter du 29 aout 2018 ;
2°) d'ordonner au centre hospitalier de Florac de procéder au réexamen de son aptitude à la date du 8 septembre 2017, après saisine du comité médical départemental ;
3°) d'ordonner le prononcé d'une astreinte fixée à 200 euros par jour de retard à compter de la notification de la décision à intervenir ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Florac la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article l. 761-1 du code justice administrative.
Il soutient que :
- alors même que, le 11 mai 2023, il a été reconnu apte à des fonctions avec certaines restrictions, le centre hospitalier de Florac l'a informé, par une lettre du 26 juin 2023, réitérée le 4 février 2025, qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement au sein de la structure ;
- en outre, l'établissement public de santé n'a pas justifié des diligences effectuées en interne en vue de son reclassement ;
- il est fondé à solliciter une astreinte pour obtenir l'exécution du jugement rendu le 11 juin 2020.
Par un mémoire en défense et des éléments produits, en réponse à la mesure d'instruction adressée par la cour, le 6 mars 2025, enregistrés le 12 mars 2025, le centre hospitalier de Florac, représenté par Me Gély, conclut au rejet de la demande d'exécution.
Il fait valoir que :
- si un processus de transaction avait été initié avec M. B..., il n'a pu aboutir ;
- s'il a conscience de l'obligation de reclassement pesant sur lui, il se trouve dans une impasse dans la mesure où si M. B... n'a pas été déclaré inapte à tout poste, il fait l'objet de restrictions tellement importantes qu'il n'est pas possible de lui proposer un poste à temps plein ou à temps partiel ;
- en outre, il est impossible de reclasser M. B... dans un autre établissement public de santé dès lors que les restrictions dont il fait l'objet s'opposent à un temps de trajet plus long ;
- par une lettre du 4 février 2025, la directrice déléguée aux ressources humaines a informé M. B... de l'impossibilité de le reclasser et de l'engagement à brève échéance d'une procédure de licenciement pour inaptitude.
Vu les autres pièces du dossier et notamment les observations et pièces de la phase administrative qui ont été communiquées aux parties dans le cadre de l'instance.
Par un avis du 8 avril 2025, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de soulever d'office un moyen d'ordre public tiré de ce que les conclusions tendant à ce qu'il soit ordonné au directeur du centre hospitalier de Florac de procéder au retrait de la décision du 8 septembre 2017 portant refus de reclassement et la décision du 28 novembre 2018 portant mise à la retraite, sont devenues sans objet, ces décisions ayant été annulées par l'article 1er du jugement dont il est demandé l'exécution et confirmé, en appel, par l'arrêt n°20TL02989, rendu le 7 février 2023.
Vu :
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n°88-386 du 19 avril 1988 ;
- le décret n° 89-376 du 8 juin 1989 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Delphine Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,
- les observations de Me Garnier-Coutild substituant Me Leturcq, représentant M. B...,
- et les observations de Me Gely, représentant le centre hospitalier Florac.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ouvrier professionnel qualifié de la fonction publique hospitalière, exerçant les fonctions de cuisinier au sein du centre hospitalier de Florac (Lozère), depuis le 1er mai 1995, a été placé en congé de maladie ordinaire à compter du 29 août 2015 en raison de douleurs dorsales. A la suite de la prolongation de ses arrêts de travail, le directeur de l'établissement public de santé a saisi le comité médical départemental de la Lozère qui a émis, le 8 septembre 2016, un avis défavorable à la demande de l'intéressé du 13 juin 2016 sollicitant le bénéfice d'un congé de longue maladie et préconisé une reprise à temps partiel thérapeutique de 50 % pour une durée de trois mois à compter du 29 août 2016. Puis, après avis favorable du comité médical, le 8 décembre 2016, M. B... a été placé en disponibilité d'office pour une durée d'un an à compter du 29 août 2016, par décision du 13 janvier 2017 du directeur du centre hospitalier. Le 2 février 2017, la commission de réforme de la fonction publique hospitalière a émis l'avis que l'intéressé était " inapte de manière définitive et absolue à son poste et à tout poste et qu'une mise à la retraite pour invalidité avec un taux de 30 % dont 5 % préexistant pouvait être initiée ". M. B..., a sollicité, le 14 juin 2017, un reclassement après y avoir été invité par lettre du 1er juin 2017. Par une décision du 8 septembre 2017, le directeur du centre hospitalier de Florac a toutefois informé l'agent qu'il ne pouvait donner une suite favorable à sa demande de reclassement et que son dossier serait transmis à la commission de réforme et la caisse nationale de retraite des agents des collectivités locales pour mise en œuvre d'une procédure de mise à la retraite pour invalidité. Le comité médical départemental a émis, le 14 septembre 2017, un avis favorable à la prolongation de la disponibilité d'office pour raison de santé de l'intéressé. Puis, par une décision du 28 novembre 2018, M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, à compter du 29 août 2018. M. B... a demandé au tribunal administratif de Nîmes l'annulation de la décision du 8 septembre 2017 et de la décision du 28 novembre 2018, ainsi que la condamnation du centre hospitalier de Florac à lui verser une indemnité compensatrice de la perte de traitement subie et une somme de 5 000 euros en réparation de son préjudice moral. Par un jugement, rendu le 11 juin 2020, confirmé en appel, par la cour, par un arrêt n°20TL02989, rendu le 7 février 2023, le tribunal administratif de Nîmes a annulé les décisions du 8 septembre 2017 et du 28 novembre 2018, enjoint au centre hospitalier de Florac de procéder au réexamen de l'aptitude de M. B... à la date du 8 septembre 2017 après saisine du comité médical départemental, mis à la charge du centre hospitalier de Florac une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L.761-1 du code de justice administrative et rejeté le surplus de ses demandes. M. B... demande l'annulation des décisions des 8 septembre 2017 et 28 novembre 2018 et l'exécution de ce jugement.
Sur la demande d'exécution :
2. Aux termes de l'article L. 911-4 du code de justice administrative : " En cas d'inexécution d'un jugement ou d'un arrêt, la partie intéressée peut demander au tribunal administratif ou à la cour administrative d'appel qui a rendu la décision d'en assurer l'exécution. (...) Si le jugement ou l'arrêt dont l'exécution est demandée n'a pas défini les mesures d'exécution, la juridiction saisie procède à cette définition. Elle peut fixer un délai d'exécution et prononcer une astreinte ". En application du premier alinéa de l'article R. 921-2 du code de justice administrative, la demande d'exécution d'un jugement frappé d'appel, même partiellement, est adressée à la juridiction d'appel.
3. Il résulte de ces dispositions qu'en l'absence de définition, par le jugement ou l'arrêt dont l'exécution lui est demandée, des mesures qu'implique nécessairement cette décision, il appartient au juge saisi sur le fondement de l'article L. 911-4 du code de justice administrative d'y procéder lui-même en tenant compte des situations de droit et de fait existant à la date de sa décision. Si la décision faisant l'objet de la demande d'exécution prescrit déjà de telles mesures en application de l'article L. 911-1 du même code, il peut, dans l'hypothèse où elles seraient entachées d'une obscurité ou d'une ambigüité, en préciser la portée. Le cas échéant, il lui appartient aussi d'en édicter de nouvelles en se plaçant, de même, à la date de sa décision, sans toutefois pouvoir remettre en cause celles qui ont précédemment été prescrites ni méconnaître l'autorité qui s'attache aux motifs qui sont le soutien nécessaire du dispositif de la décision juridictionnelle dont l'exécution lui est demandée.
4. D'une part, l'injonction prononcée par le tribunal, à la suite de l'annulation de la décision du 8 septembre 2017 rejetant sa demande de reclassement et de l'annulation, par voie de conséquence, de la décision du 28 novembre 2018 par laquelle M. B... a été admis à faire valoir ses droits à la retraite pour invalidité, figurant à l'article 3 du jugement rendu le 11 juin 2020, impliquait, selon ses termes mêmes, le réexamen de l'aptitude de M. B... à la date du 8 septembre 2017 après saisine du comité médical départemental.
5. D'autre part, ce n'est que dans l'hypothèse où l'agent est déclaré inapte totalement et définitivement à l'exercice de toutes fonctions, que l'administration n'est soumise à aucune obligation d'adaptation de poste ou de reclassement.
6. D'une part, il résulte de l'instruction que si le centre hospitalier de Florac a saisi le comité médical, devenu le conseil médical, pour se conformer à l'injonction prononcée par le tribunal administratif de Nîmes, après le rejet de sa requête d'appel, par la cour, le 7 février 2023, il n'a pas initié la procédure de reclassement alors que cette même instance, en formation restreinte, a émis, le 11 mai 2023, l'avis selon lequel M. B... n'était pas inapte à toutes fonctions mais était seulement définitivement inapte à ses fonctions de cuisinier, ainsi que l'avait déjà relevé l'expert, le 27 octobre 2022.
7. D'autre part, conformément au principe rappelé au point 5, l'exécution du jugement rendu le 11 juin 2020, impliquait également, au regard de l'aptitude ainsi retenue, le reclassement de l'agent en concertation avec le médecin du travail, le conseil médical ayant, à cet effet, rappelé les restrictions du médecin expert définies, le 27 octobre 2022, à savoir l'impossibilité pour M. B... d'exercer des activités telles que l'entretien, le jardinage et le ménage et la nécessité, pour lui, d'exercer une activité polyvalente.
8. Or, le centre hospitalier de Florac, en l'état de l'instruction, ne justifie d'aucune proposition de reclassement adressée à l'agent, en application du principe rappelé au point 5, mais se borne à invoquer l'impossibilité de reclasser M. B... au sein de l'établissement et indique qu'il s'apprête à engager une procédure de licenciement pour inaptitude. Dans ces conditions, l'établissement public de santé ne justifie pas des mesures que nécessite la reconnaissance de cet avis d'aptitude à certaines fonctions. Ainsi, M. B... est fondé à soutenir que le jugement n°1802008 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Nîmes n'a pas été complètement exécuté.
9. A défaut pour le centre hospitalier de Florac de justifier, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt, de l'exécution complète de l'article 3 du jugement rendu le 11 juin 2020, conformément à ce qui a été indiqué aux points 6 et 7, une astreinte de 100 euros par jour de retard est prononcée à l'encontre du centre hospitalier de Florac jusqu'à la date à laquelle le jugement aura reçu complète exécution.
Sur les autres conclusions :
10. Si M. B... a entendu solliciter, en exécution du jugement dont il est demandé l'exécution, le retrait de la décision du 8 septembre 2017 rejetant sa demande de reclassement et de la décision du 28 novembre 2018 prononçant sa mise à la retraite, ces conclusions sont devenues sans objet dès lors qu'ainsi qu'il a été dit au point 1, d'une part, ces deux décisions ont été annulées par l'article 1er du jugement du 11 juin 2020, et, d'autre part, ces annulations ont été confirmées par la cour, dans l'arrêt rendu le 7 février 2023.
Sur les frais liés au litige :
11. Il y a lieu, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge du centre hospitalier de Florac le versement à M. B... d'une somme de 1 200 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions portant sur le retrait des décisions du 8 septembre 2017 et 28 novembre 2018.
Article 2 : Il est enjoint au centre hospitalier de Florac de procéder à l'exécution complète de l'article 3 du jugement n°1802008 du 11 juin 2020 du tribunal administratif de Nîmes, selon les modalités définies par le présent arrêt, dans un délai de trois mois à compter de la notification de ce dernier arrêt, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Article 3 : Le centre hospitalier de Florac communiquera à la cour copie des actes justifiant des mesures prises pour parfaire l'exécution du jugement n°1802008 du tribunal administratif de Nîmes.
Article 4 : Le centre hospitalier de Florac versera à M. B... la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre hospitalier de Florac.
Délibéré après l'audience du 6 mai 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,
Mme Teuly-Desportes, présidente-assesseure,
Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 mai 2025.
La rapporteure,
D. Teuly-Desportes
La présidente,
A. Geslan-DemaretLa greffière,
M-M. Maillat
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles, en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.
N°24TL02969 2