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27/05/2025 | FRANCE | N°23TL01310

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 3ème chambre, 27 mai 2025, 23TL01310


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Carcassonne a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société F.E.A International à lui verser la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution du marché de fourniture de gants, passé avec cette société, pour un montant de 143 195 euros hors taxes.

Par un jugement n° 2105344 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société F.E.A International à verser au centre hospitalier de Carcassonne,

agissant en qualité d'établissement coordonnateur du groupement de coopération sanitaire...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

Le centre hospitalier de Carcassonne a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société F.E.A International à lui verser la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution du marché de fourniture de gants, passé avec cette société, pour un montant de 143 195 euros hors taxes.

Par un jugement n° 2105344 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société F.E.A International à verser au centre hospitalier de Carcassonne, agissant en qualité d'établissement coordonnateur du groupement de coopération sanitaire " achats en Occitanie ", la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution du marché de fourniture de gants.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 2 juin 2023, et un mémoire du 3 avril 2025 non communiqué, la société F.E.A International, représentée par Me Deschryver, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2105344 du 6 avril 2023 ;

2°) de rejeter les demandes du centre hospitalier de Carcassonne ;

3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Carcassonne la somme de 3 000 euros au titre de l'article L.761-1 du code de justice administrative.

La société F.E.A International soutient que :

-c'est à tort que les premiers juges ont écarté la fin de non-recevoir qu'elle avait opposée, tirée du défaut de qualité pour agir du centre hospitalier de Carcassonne, établissement coordonnateur du groupement de coopération sanitaire " achats en Occitanie ", pour présenter la demande devant le tribunal administratif ; cette demande devait être présentée par l'administrateur du groupement de coopération sanitaire " achats en Occitanie " ; en effet, si le groupement, par une décision du 18 juillet 2020, a chargé le centre hospitalier de réaliser les commandes d'équipement, de signer les commandes et de refacturer les produits achetés aux établissements concernés, il ne lui a pas donné mandat pour ester en justice, la convention constitutive du groupement stipulant que " l'administrateur du groupe est compétent pour ester en justice " ; par ailleurs, l'article 11 du règlement intérieur du groupement ne charge l'établissement coordonnateur que de " gérer les procédures précontentieuses et contentieuses ", ce qui n'implique pas un mandat en vue d'ester en justice ; l'article 14 du même règlement se borne, quant à lui, à indiquer que le coordonnateur peut être chargé de la défense des intérêts du groupement, ce qui ne vaut pas non plus mandat pour ester en justice ; le fait, par ailleurs, que les factures et bons de commande aient été adressés au centre hospitalier en qualité d'établissement coordonnateur du groupement de coopération sanitaire " achats en Occitanie, est sans incidence à cet égard ;

-subsidiairement, sur le fond, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, l'ensemble des boîtes de gants en nitrile commandées ont bien été livrées, les parties ayant d'un commun accord modifié les quantités demandées ; aucune faute contractuelle ne peut dès lors être opposée à la société appelante ; en effet, par un courrier du 2 novembre 2020, la société F.E.A International a informé le centre hospitalier de l'augmentation de l'approvisionnement en gants en nitrile du fait de la crise sanitaire et notamment de l'augmentation du prix du caoutchouc et du fret maritime, et qu'elle était ainsi contrainte d'augmenter ses prix de vente ; les problèmes d'approvisionnement ont par ailleurs affecté l'ensemble des opérateurs, et même les grandes centrales d'achat hospitalières ; dès lors que la société F.E.A International lui a indiqué que le prix d'une boîte de 100 gants en nitrile devait s'élever désormais à 11,71 euros, le 3 novembre 2020, le centre hospitalier a choisi de recevoir une livraison de boîtes de 100 gants en nitrile au nouveau prix, mais dans des quantités inférieures ; ainsi, au vu des nouvelles conditions prévues entre les parties, il restait non plus 8 150 boîtes à livrer, mais 5 531 boîtes au prix unitaire de 11,71 euros représentant le même total de 64 768 euros hors taxes ; le centre hospitalier de Carcassonne était informé des risques d'augmentation des tarifs, ainsi qu'il est mentionné dans l'acte le désignant coordonnateur du groupement ; si le centre hospitalier soutient que 3 225 boîtes restaient à livrer, compte tenu de l'augmentation du prix de la boîte de 100 gants en nitrile, cette quantité de boîtes restant à livrer ne peut être retenue ; par ailleurs, par un courriel du 23 novembre 2021, l'administrateur du groupement a reconnu que la livraison des gants en nitrile était bien intervenue ; le centre hospitalier reconnaît donc la livraison de l'ensemble des boîtes de gants en nitrile au nouveau tarif convenu ; si le centre hospitalier a soutenu qu'il resterait à livrer 1 007 boîtes, représentant un prix de 11 791, 97 euros, il n'en justifie pas ; les bons de livraison étaient, quant à eux, réguliers ; le centre hospitalier, après que la société FEA a produit tous les bons de livraison, a admis la livraison de 630 boîtes supplémentaires ;

- en outre, contrairement à ce qu'ont estimé les premiers juges, un avoir de 3 116 euros a bien été accordé au centre hospitalier par la société FEA ; selon le nouveau décompte, 5 531 boîtes devaient être livrées, et selon les bons de commande et les factures, il a été livré 5 401 boîtes ; il apparaît donc que FEA International a livré des boîtes de gants en nitrile au centre hospitalier à hauteur d'une somme supérieure à celle de 64 773, 70 euros à laquelle elle était tenue ;

- par ailleurs, la société appelante reconnaît l'existence d'un retard dans les livraisons de gants en nitrile, lequel est indépendant de sa volonté dès lors qu'il résulte du retard des livraisons en provenance de Chine ;

- la commande a été passée le 16 juillet 2020, pendant la crise sanitaire laquelle doit être regardée, compte tenu des retards d'approvisionnement avec la Chine, comme constituant un cas de force majeure faisant obstacle à l'engagement de sa responsabilité contractuelle à l'égard du centre hospitalier.

Par un mémoire en défense enregistré le 7 mars 2025, le centre hospitalier de Carcassonne, représenté par Me Rayssac, conclut au rejet de la requête de la société F.E.A International et à ce qu'il soit mis à sa charge la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Le centre hospitalier de Carcassonne soutient que la requête ne satisfait pas à l'exigence de motivation posée par l'article R. 411-1 du code de justice administrative, subsidiairement, qu'aucun des moyens de la requête n'est fondé.

Par une ordonnance du 10 mars 2025, la clôture d'instruction a été fixée en dernier lieu au 8 avril 2025 à 12 h 00.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ;

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique,

- et les observations de Me Piazza pour le centre hospitalier de Carcassonne.

Une note en délibéré a été présentée pour le centre hospitalier de Carcassonne le 13 mai 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Le centre hospitalier de Carcassonne (Aude), agissant en qualité de coordonnateur du groupement de coopération sanitaire " achats en Occitanie ", a conclu avec la société F.E.A International un marché de livraison de fournitures médicales, dont des gants en nitrile. Le 16 juillet 2020, le centre hospitalier a émis un bon de commande pour, notamment, la livraison de 8 150 boîtes de gants en nitrile au prix unitaire de 8,33 euros hors taxes, représentant la somme de 67 889, 5 euros hors taxes. Une facture du 10 juillet 2020 a été émise par la société F.E.A International pour un montant total de 143 195, 90 euros hors taxes, cette somme lui ayant été versée par le centre hospitalier de Carcassonne en exécution d'un mandat du 21 juillet 2020.

2. Le centre hospitalier de Carcassonne, estimant que 3 225 boîtes de gants en nitrile n'avaient pas été livrées dans les différents établissements qu'il représentait en sa qualité de coordonnateur du groupement de coopération sanitaire " achats en Occitanie ", a demandé au tribunal administratif de Montpellier de condamner la société F.E.A International à lui verser la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution complète du marché.

3. Par un jugement du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a condamné la société F.E.A International à verser au centre hospitalier de Carcassonne la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution du marché de fourniture de gants.

4. La société F.E.A International relève appel de ce jugement du 6 avril 2023.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la requête d'appel par le centre hospitalier de Carcassonne :

5. La requête d'appel, si elle reprend plusieurs moyens invoqués devant le tribunal administratif, rappelle les motifs du jugement de première instance qu'elle critique. Elle ne peut donc être regardée comme se bornant à reproduire intégralement et exclusivement le contenu de la demande de première instance. En conséquence, la fin de non-recevoir, opposée en défense, tirée de ce que la requête d'appel ne satisferait pas à l'exigence de motivation prévue à l'article R. 411-1 du code de justice administrative doit être écartée.

Sur la fin de non-recevoir opposée à la demande de première instance du centre hospitalier de Carcassonne par la société F.E.A International :

6. Aux termes de l'article L. 6133-1 du code de la santé publique : " Le groupement de coopération sanitaire de moyens a pour objet de faciliter, de développer ou d'améliorer l'activité de ses membres. / Un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué pour : / 1° Organiser ou gérer des activités administratives, logistiques, techniques, médico-techniques, d'enseignement ou de recherche pour le compte de ses membres ; (...) / Ce groupement poursuit un but non lucratif ". Aux termes du I de l'article L. 6133-2 du même code : " (...) un groupement de coopération sanitaire de moyens peut être constitué par des établissements de santé publics ou privés, des établissements médico-sociaux mentionnés à l'article L. 312-1 du code de l'action sociale et des familles, des centres de santé et des maisons de santé, des personnes physiques ou morales exerçant une profession médicale à titre libéral. Il doit comprendre au moins un établissement de santé (...) ". Le 1 du I de l'article L. 6133-3 du même code dispose que : " (...) le groupement de coopération sanitaire de moyens est une personne morale de droit public lorsqu'il est constitué exclusivement par des personnes de droit public (...) ". En vertu de l'article R. 6133-29 du même code : " (...) Le groupement est administré par un administrateur élu en son sein par l'assemblée générale parmi les personnes physiques ou les représentants des personnes morales, membres du groupement (...) L'administrateur prépare et exécute les délibérations de l'assemblée générale et le cas échéant du comité restreint. Il représente le groupement dans tous les actes de la vie civile et peut ester en justice (...) ".

7. Par une délibération du 25 janvier 2019, prise en application des dispositions précitées du code de la santé publique, il a été créé un groupement de coopération sanitaire dénommé " Achats en santé d'Occitanie ". Cette même délibération a approuvé la convention constitutive de ce groupement et désigné son administrateur, qui exerce par ailleurs la fonction de directeur du centre hospitalier de Carcassonne. Selon l'article 19 de la convention : " (...) L'administrateur est compétent pour ester en justice (...) ", comme le prévoient les dispositions précitées de l'article R. 6133-29 du code de la santé publique. Quant au centre hospitalier de Carcassonne, il a été désigné le 16 juillet 2020 par l'administrateur du groupement pour " (...) réaliser des commandes de protection individuelle auprès des entreprises suivantes : F.E.A. International pour l'achat de gants " et " pour signer les commandes pour les montants suivants : SAS F.E.A. International n° 200711360, pour un montant total de 143.195, 90 euros hors taxes ".

8. Il résulte des dispositions règlementaires du code de la santé publique et des stipulations de la convention constitutive du groupement, citées aux points 6 et 7, que le groupement de coopération sanitaire " Achats en santé d'Occitanie ", personne morale de droit public, est administré par son administrateur qui a notamment, à ce titre, qualité pour ester en justice au nom de celui-ci. Si l'article 11 du règlement intérieur du groupement charge l'établissement coordonnateur du groupement, soit le centre hospitalier de Carcassonne, de " gérer les procédures précontentieuses et contentieuses ", de telles dispositions, eu égard aux termes dans lesquelles elles sont rédigées, ne sauraient être interprétées comme conférant à ce centre, représenté par son directeur, qualité pour ester en justice au nom du groupement, une telle attribution ayant été explicitement confiée à l'administrateur du groupement par l'article 19 de la convention constitutive de celui-ci, conformément à l'article R. 6133-29 du code de la santé publique, ainsi qu'il a été dit. Quant à l'article 14 du règlement intérieur, il se borne à indiquer que le coordonnateur " Conformément à l'article 11 du présent règlement intérieur, et dans le respect des prérogatives de l'administrateur, le coordonnateur de filière, en lien avec le directeur des opérations, peut être chargé de la défense des intérêts du groupement en cas de contentieux ... ", et n'a, dès lors, pas pour objet de confier au directeur du centre hospitalier de Carcassonne le pouvoir d'ester en justice au nom du groupement.

9. Il résulte de ce qui précède que le centre hospitalier de Carcassonne, qui a seulement été désigné le 16 juillet 2020 par l'administrateur du groupement pour procéder à des commandes et signer les bons afférents au contrat en litige, n'avait pas qualité pour saisir, par l'intermédiaire de son directeur, le tribunal administratif de Montpellier d'une demande tendant à la condamnation de la société F.E.A. International à l'indemniser à hauteur de la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution du marché de fourniture de gants.

10. La société F.E.A. International est, dès lors, fondée à soutenir que c'est à tort que par son jugement du 6 avril 2023 le tribunal administratif de Montpellier, après avoir écarté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir du centre hospitalier de Carcassonne, l'a condamnée à verser audit centre la somme de 37 748 euros au titre de l'exécution du marché en litige. En conséquence, ce jugement doit être annulé et la demande présentée en première instance par le centre hospitalier de Carcassonne doit être rejetée.

Sur les frais liés au litige :

11. Les conclusions présentées par le centre hospitalier de Carcassonne au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu à faire application des mêmes dispositions au bénéfice de la société requérante.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2105344 du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier est annulé.

Article 2 : La demande de première instance du centre hospitalier de Carcassonne est rejetée.

Article 3 : Les conclusions des parties présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société F.E.A International et au centre hospitalier de Carcassonne.

Délibéré après l'audience du 13 mai 2025 à laquelle siégeaient :

M. Faïck, président,

M. Bentolila, président-assesseur,

Mme El Gani-Laclautre, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 mai 2025

Le rapporteur

P. Bentolila

Le président,

F.Faïck

La greffière,

C. Lanoux

La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

N°23TL01310 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01310
Date de la décision : 27/05/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

39-05 Marchés et contrats administratifs. - Exécution financière du contrat.


Composition du Tribunal
Président : M. Faïck
Rapporteur ?: M. Pierre Bentolila
Rapporteur public ?: Mme Perrin
Avocat(s) : CORNET VINCENT SEGUREL

Origine de la décision
Date de l'import : 01/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-05-27;23tl01310 ?
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