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03/06/2025 | FRANCE | N°23TL01928

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 2ème chambre, 03 juin 2025, 23TL01928


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



I. Sous le n°2003539, Mme H... K..., M. L... E..., M. A... E... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique la création d'une réserve foncière sur le territoire de la commune de Pertuis, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés les 16 et 20 juillet 2020, et la décision explicite du 12 novembre 2020 portant rejet du recours g

racieux formé le 20 juillet 2020, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

I. Sous le n°2003539, Mme H... K..., M. L... E..., M. A... E... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique la création d'une réserve foncière sur le territoire de la commune de Pertuis, ainsi que les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés les 16 et 20 juillet 2020, et la décision explicite du 12 novembre 2020 portant rejet du recours gracieux formé le 20 juillet 2020, et de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003539 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.

II. Sous le n°2003936, l'association Terres Vives Pertuis, la confédération paysanne de Vaucluse, l'association Foll'Avoine, l'association SOS Durance Vivante, l'association L'Etang Nouveau, l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur, Mme S... R... épouse P..., Mme O... G... épouse F..., M. C... Q..., Mme M... Q..., M. T... J... et Mme V... I... épouse N... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique la création d'une réserve foncière sur le territoire de la commune de Pertuis, ainsi que les décisions du 27 octobre 2020 de rejet tacite et du 2 novembre 2020 de rejet exprès du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté, et de mettre à la charge de l'Etat, de la métropole Aix-Marseille-Provence et de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Par un jugement n° 2003936 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.

Procédures devant la cour :

I. Par une requête enregistrée le 23 juillet 2023 sous le n° 23TL01867, et des pièces et un mémoire, enregistrés le 8 août 2023 et le 3 octobre 2024, M. L... E... et M. A... E..., représentés par Me Mazel, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2003539 du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique la création d'une réserve foncière sur le territoire de la commune de Pertuis, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux formé contre cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur et de la métropole d'Aix-Marseille-Provence une somme respective de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le jugement est entaché d'erreur de droit et de fait quant à l'utilité publique de l'opération ;

- la réserve foncière envisagée ne répond pas à une finalité d'intérêt général ;

- il n'est pas justifié que l'opération ne pourrait être réalisée ailleurs sur le territoire de la métropole d'Aix-Marseille-Provence dans des conditions équivalentes ;

- le bilan de l'opération entre les avantages et les inconvénients est défavorable, compte tenu du caractère disproportionné de l'opération, de l'atteinte aux espaces agricoles et de son implantation en zone inondable ;

- l'arrêté attaqué méconnaît le plan de prévention du risque inondation Durance-Pertuis ;

- il a été régularisé tardivement concernant la méconnaissance de l'article L. 122-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique au regard de l'article L.121-2 du code de l'expropriation et de l'article L. 123-24 du code rural ;

- il n'a pas été précédé d'une étude d'impact, en méconnaissance de l'article L. 122-1-1 III du code de l'environnement dans sa version issue de l'ordonnance du 3 août 2016 ;

- il est illégal par voie d'exception de l'illégalité, au regard de la délibération du conseil communautaire de la communauté du Pays d'Aix du 10 décembre 2010 soutenant la demande de la commune de Pertuis d'étendre sa zone d'activités économiques, de la délibération du conseil municipal de la commune de Pertuis du 18 décembre 2013 approuvant la convention d'intervention foncière avec l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, des délibérations du conseil communautaire de la communauté du Pays d'Aix du 19 décembre 2013 déclarant d'intérêt communautaire l'extension de la zone d'activités économiques de Pertuis et approuvant les conditions d'intervention foncière avec l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, de la délibération du conseil communautaire de la communauté du Pays d'Aix du 17 décembre 2015 approuvant le lancement de la déclaration d'utilité publique et de la délibération du conseil communautaire de la métropole d'Aix-Marseille-Provence du 15 février 2018 approuvant le périmètre de la déclaration d'utilité publique, ces délibérations ayant été adoptées en méconnaissance de l'article L. 2131-11 du code général des collectivités territoriales, compte tenu de l'intérêt personnel et financier de M. U..., conseiller municipal et conseiller communautaire, et de son rôle dans l'adoption de ces délibérations.

Par un mémoire en défense enregistrés le 9 février 2024, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, représenté par Me Charbonnel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense, enregistrés le 5 mars 2024, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 mars 2024 et un mémoire enregistré le 5 novembre 2024 qui n'a pas été communiqué, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Mialot et Me Poulard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 7 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 novembre 2024.

II. Par une requête enregistrée le 27 juillet 2023 sous le n°23TL01928 et un mémoire, enregistré le 5 novembre 2024, l'association Terres Vives Pertuis, la confédération paysanne de Vaucluse, l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur, Mme S... R..., Mme O... G... et M. T... J..., représentés par Me Victoria, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n°2003936 du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 25 juin 2020 par lequel le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique la création d'une réserve foncière sur le territoire de la commune de Pertuis, ainsi que les décisions du 27 octobre 2020 de rejet tacite et du 2 novembre 2020 de rejet exprès du recours gracieux formé à l'encontre de cet arrêté ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat, de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur une somme de 3 600 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a à tort retenu que le vice de procédure tenant à la méconnaissance de l'article L. 122-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique était régularisable ;

- le jugement est entaché d'erreur de fait quant à la justification par les requérants de la soumission de parcelles situées dans le périmètre au régime des appellations d'origine ;

- le tribunal a commis une erreur d'appréciation quant à la complétude du dossier de déclaration d'utilité publique et à l'utilité publique du projet ;

- le dossier de déclaration d'utilité publique est incomplet et irrégulier dès lors que le régime simplifié prévu par l'article R. 112-5 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique n'est pas applicable au cas d'espèce, et que le dossier est incomplet au regard de l'article R. 112-4 du même code ;

- le dossier de déclaration d'utilité publique ne contient pas l'étude agricole préalable prévue par l'article L. 112-1-3 du code rural ;

- les décisions litigieuses méconnaissent l'article R. 122-3 du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le projet est dépourvu d'utilité publique, la constitution de réserve foncière ne présentant pas un intérêt suffisamment justifié et ne répondant pas de façon appropriée aux objectifs recherchés ;

- les inconvénients du projet sont excessifs par rapport aux avantages dès lors que le projet faisant l'objet de la déclaration d'utilité publique présente un périmètre surdimensionné par rapport aux besoins de foncier économiques identifiés, porte une atteinte excessive au droit de propriété, représente un coût financier important pour la collectivité, se situe dans un secteur à fort risque d'inondation et implique la perte d'espaces agricoles ;

- il contrevient au principe de zéro artificialisation nette du territoire et à l'objectif de lutte contre l'artificialisation des sols ;

- les impacts environnementaux n'ont pas été étudiés alors qu'ils ne sont pas négligeables et que la prise en compte des enjeux environnementaux faisait partie des conditions fixées par le préfet pour délivrer un avis favorable à l'extension de la zone d'activités économiques en dérogation de la doctrine Rhône ;

- les décisions sont entachées d'un détournement de pouvoir dès lors qu'elles ont essentiellement pour objet de satisfaire les intérêts privés d'un groupe d'entreprises liées au maire de la commune de Pertuis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 18 décembre 2023, le ministre de l'intérieur et des outre-mer conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 février 2024, l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, représenté par Me Charbonnel, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 octobre 2024 et un mémoire enregistré le 5 décembre 2024 qui n'a pas été communiqué, la métropole d'Aix-Marseille-Provence, représentée par Me Mialot et Me Poulard, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge des appelants une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 6 novembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 6 décembre 2024.

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'environnement ;

- code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code rural et de la pêche maritime ;

- le code de l'urbanisme ;

- le décret n°2016-1190 du 31 août 2016 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Virginie Dumez-Fauchille, première conseillère,

- les conclusions de Mme Michèle Torelli, rapporteure publique,

- et les observations de Me Mazel, représentant MM. E..., de Me Victoria, représentant l'association Terres vives Pertuis et autres, de Me Garrigue, représentant la métropole d'Aix-Marseille-Provence.

Deux notes en délibéré présentées, d'une part, pour l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, d'autre part, pour la métropole d'Aix-Marseille-Provence, ont été enregistrées le 26 mai 2025 et n'ont pas été communiquées.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 25 juin 2020, le préfet de Vaucluse a déclaré d'utilité publique, à la demande de la métropole d'Aix-Marseille-Provence et pour le compte de l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur, la constitution d'une réserve foncière dans le secteur de la zone d'activités économiques sur le territoire de la commune de Pertuis (Vaucluse).

2. D'une part, le 13 juillet 2020, MM. E... ont présenté un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Par jugement n° 2003539 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a notamment rejeté la demande de MM. E... tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 25 juin 2020 et de la décision implicite de rejet de leur recours gracieux. MM. E... relèvent appel de ce jugement.

3. D'autre part, le 24 août 2020, l'association Terres vives Pertuis et autres ont présenté un recours gracieux à l'encontre de cet arrêté. Par jugement n° 2003936 du 23 mai 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté la demande de l'association Terres vives Pertuis et autres tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 25 juin 2020, de la décision implicite, née le 27 octobre 2020 et de la décision expresse du 2 novembre 2020 par lesquelles le préfet de Vaucluse a rejeté ce recours gracieux. L'association Terres vives Pertuis et autres relèvent appel de ce jugement.

4. Les requêtes n°23TL01867 et n°23TL01928 sont dirigées contre le même arrêté du préfet de Vaucluse du 25 juin 2020. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.

Sur le bien-fondé des jugements :

5. Aux termes de l'article L. 221-1 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable au litige : " L'Etat, les collectivités locales, ou leurs groupements y ayant vocation, les syndicats mixtes, les établissements publics mentionnés aux articles L. 321-1 et L. 324-1, les bénéficiaires des concessions d'aménagement mentionnées à l'article L. 300-4, les sociétés publiques définies à l'article L. 327-1 et les grands ports maritimes sont habilités à acquérir des immeubles, au besoin par voie d'expropriation, pour constituer des réserves foncières en vue de permettre la réalisation d'une action ou d'une opération d'aménagement répondant aux objets définis à l'article L. 300-1 ". Aux termes du premier alinéa de l'article L. 300-1 du même code, dans sa version applicable au litige : " Les actions ou opérations d'aménagement ont pour objets de mettre en œuvre un projet urbain, une politique locale de l'habitat, d'organiser le maintien, l'extension ou l'accueil des activités économiques, de favoriser le développement des loisirs et du tourisme, de réaliser des équipements collectifs ou des locaux de recherche ou d'enseignement supérieur, de lutter contre l'insalubrité et l'habitat indigne ou dangereux, de permettre le renouvellement urbain, de sauvegarder ou de mettre en valeur le patrimoine bâti ou non bâti et les espaces naturels. ".

6. Il appartient au juge administratif, lorsqu'il doit se prononcer sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.

7. Il ressort des pièces du dossier que la réserve foncière déclarée d'utilité publique par l'arrêté litigieux porte sur une surface de 86 hectares, devant permettre la création de 65 à 70 hectares de surface cessible en vue de l'implantation d'activités économiques, déduction faite de l'emprise des installations et infrastructures nécessitées par l'aménagement de la zone. Cette zone se situe dans le val de Durance, à l'égard duquel la notice explicative du dossier d'enquête publique évoque l'émergence d'une " vallée des énergies nouvelles ", dans laquelle sont notamment implantés le commissariat à l'énergie atomique et aux énergies alternatives de Caradarache et le projet International Thermonuclear Experimental Reactor (ITER), situés à Saint-Paul-lez-Durance, à 20 kilomètres de Pertuis, la cité des énergies de Cadarache et le pôle de compétitivité CapEnergies. Par ailleurs, l'analyse du marché foncier économique réalisée alors que la métropole d'Aix-Marseille-Provence était en cours de formation, sur les résultats de laquelle s'appuie la notice explicative jointe au dossier d'enquête publique, recensait à l'échelle de la future métropole, un besoin global de 1 650 hectares de foncier brut supplémentaires à l'horizon 2030, dont 65 hectares pour ce secteur Nord-Val de Durance, dans lequel s'inscrivent, notamment, la commune de Pertuis, ainsi que la commune de Saint-Paul-lez-Durance. L'étude identifie en outre 43 hectares déjà en stock ou en projet à l'horizon 2-5 ans, soit un déficit foncier global de 22 hectares dans ce secteur Nord-Val de Durance. Certes, ce foncier en stock ou en projet compte des parcelles modestes, ou des tènements importants mais isolés qui ne correspondent pas nécessairement, par leurs caractéristiques, aux besoins des entreprises désireuses de s'implanter dans le secteur. Toutefois, les besoins exprimés par les entreprises intéressées par une implantation dans la zone d'activités, que recense l'étude de prospective économique pour l'extension de la zone d'activités économique de Pertuis, datée de septembre 2016, d'une part, s'élèvent à une fourchette estimée entre 20 et 25 hectares. D'autre part, ces besoins portent sur des emprises foncières de tailles variées, majoritairement des emprises comprises entre 1 000 et 4 000 m² pour les entreprises recherchant une implantation à l'horizon de 1 à 3 ans et, des emprises plus importantes pour les entreprises recherchant une implantation au-delà de trois ans, dont il n'est pas établi qu'ils ne pourraient être satisfaits par le foncier déjà disponible dans le secteur Nord-Val de Durance. Si l'étude de prospective économique de septembre 2016 relève l'intérêt d'une réserve capacitaire, estimée à 25 hectares, pour l'accueil d'activités à plus long terme, à l'horizon 2030, en particulier compte tenu de la proximité du site de la mission ITER, du développement à venir de l' " hinterland " du port de Marseille, et d'activités dans le secteur de l'énergie, cette réserve n'est pas cohérente avec le déficit foncier identifié à l'échelle de l'ensemble du secteur Nord-Val de Durance à l'horizon 2030. Ensuite, alors que les défendeurs font état de l'existence d'un besoin à court terme de 30 hectares nécessités par la mission ITER, située à proximité de la zone d'activités concernée, il ressort de son courrier du 13 décembre 2019 que le directeur de la mission ITER manifeste un intérêt pour le pôle d'activités de Pertuis en ce qu'il " pourrait " accueillir des entreprises autour du projet ITER, mobilisant " jusqu'à 30 hectares de foncier ", et ce si ce foncier est disponible au plus tard à l'horizon 2022. Ce courrier fixe ainsi seulement une limite haute du foncier qui pourrait être utilisé par des entreprises liées au projet ITER, et conditionne en outre l'intérêt porté à la zone d'activités de Pertuis à un délai court de mise à disposition, qui n'est pas compatible avec la procédure en cause de constitution d'une réserve foncière. Enfin, et bien que le document d'orientation et d'objectifs du schéma de cohérence territoriale identifie la zone de Pertuis parmi les sites de développement économique prioritaire, les besoins locaux de 37 hectares de foncier, dont les défendeurs se prévalent, et qui ont été mentionnés par le pétitionnaire dans sa réponse aux observations du public, ne sont pas établis ni cohérents avec les résultats des études évoquées ci-dessus. Dans ces conditions, alors par ailleurs que l'emprise de l'extension envisagée de la zone d'activités de Pertuis porte majoritairement sur des terrains agricoles exploités et comporte plusieurs parcelles bâties supportant des habitations ou des locaux d'activités, la réserve foncière déclarée d'utilité publique par l'arrêté litigieux présente, eu égard au périmètre retenu, un caractère disproportionné, et des inconvénients excessifs par rapport à l'objectif d'intérêt général poursuivi.

8. Il résulte de toute ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur les autres moyens des requêtes, les appelants sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par les jugements attaqués, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes d'annulation de l'arrêté du préfet de Vaucluse du 25 juin 2020.

Sur les frais exposés à l'occasion du litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge des consorts E..., d'une part, et de l'association Terres Vives Pertuis et autres, d'autre part, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, la somme demandée par l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur et la métropole d'Aix-Marseille-Provence au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme respective de 1 500 euros à verser, d'une part, aux consorts E..., d'autre part, à l'association Terres vives Pertuis et autres, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D E C I D E :

Article 1er : Les jugements n°2003539 et n°2003936 du tribunal administratif de Nîmes du 23 mai 2023, l'arrêté du préfet de Vaucluse du 25 juin 2020 ainsi que la décision implicite de rejet du recours gracieux des consorts E... et les décisions du 27 octobre 2020 de rejet tacite et du 2 novembre 2020 de rejet exprès du recours gracieux formé par l'association Terres Vives Pertuis et autres sont annulés.

Article 2 : L'Etat versera aux consorts E..., d'une part, à l'association Terres Vives Pertuis et autres, d'autre part, une somme respective de 1 500 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Les conclusions présentées par l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur et par la métropole Aix-Marseille-Provence sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. L... E..., à M. A... E..., à l'association Terres vives Pertuis, à la confédération paysanne de Vaucluse, à l'association France Nature Environnement Provence-Alpes-Côte d'Azur, à Mme S... R..., à Mme O... G..., à M. T... J..., au ministre de l'intérieur, à l'établissement public foncier Provence-Alpes-Côte d'Azur et à la métropole Aix-Marseille-Provence.

Copie en sera adressée au préfet de Vaucluse.

Délibéré après l'audience du 20 mai 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Geslan-Demaret, présidente de chambre,

Mme Dumez-Fauchille, première conseillère.

Mme Bentolila, conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 3 juin 2025.

La rapporteure,

V. Dumez-Fauchille

La présidente,

A. Geslan-DemaretLa greffière,

M-M. Maillat

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution du présent arrêt.

2

N° 23TL01867, 23TL01928


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 23TL01928
Date de la décision : 03/06/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-02-02 Expropriation pour cause d'utilité publique. - Règles générales de la procédure normale. - Acte déclaratif d'utilité publique.


Composition du Tribunal
Président : Mme Geslan-Demaret
Rapporteur ?: Mme Virginie Dumez-Fauchille
Rapporteur public ?: Mme Torelli
Avocat(s) : VICTORIA

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-03;23tl01928 ?
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