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05/06/2025 | FRANCE | N°23TL00208

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 05 juin 2025, 23TL00208


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



La société à responsabilité limitée Eurotrades et M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été respectivement assujettis au titre de la période du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2015 et des années 2013 et 2014.



Par un jugement n° 20030

02 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.



Procédure devant...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société à responsabilité limitée Eurotrades et M. et Mme D... A... ont demandé au tribunal administratif de Nîmes de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été respectivement assujettis au titre de la période du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2015 et des années 2013 et 2014.

Par un jugement n° 2003002 du 9 novembre 2022, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une ordonnance n° 23MA00073 du 12 janvier 2023, la présidente de la cour administrative d'appel de Marseille a renvoyé à la cour administrative d'appel de Toulouse la requête de la société Eurotrades et des époux A....

Par une requête, enregistrée le 10 janvier 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Marseille puis le 12 janvier 2023 au greffe de la cour administrative d'appel de Toulouse sous le numéro n° 23TL00208, la société Eurotrades et M. et Mme A..., représentés par Me Hérisson, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 9 novembre 2022 du tribunal administrative de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été respectivement assujettis au titre de la période du 1er novembre 2012 au 31 octobre 2015 et des années 2013 et 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les factures des apporteurs d'affaires correspondent à des prestations réelles et constituent donc des charges justifiées et déductibles pour la société ;

- les sommes encaissées sur les comptes personnels de M. A... et de sa famille correspondent à des remboursements et non à des revenus distribués ;

- les pénalités seront déchargées par voie de conséquence.

Par un mémoire en défense, enregistré le 8 juin 2023, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- les conclusions relatives à la taxe sur les véhicules de société sont sans objet ;

- la demande de modération des amendes pour défaut de déclaration d'échanges des biens doit être rejetée comme irrecevable ;

- les moyens soulevés par la société Eurotrades ne sont pas fondés.

Une ordonnance du 20 juin 2024 a prononcé la clôture de l'instruction à la même date en application des articles R. 611-11-1 et R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. La société Eurotrades, dont M. A... est le gérant et associé majoritaire, exerce à titre principal une activité de recyclage et de commercialisation de matières plastiques. Elle a fait l'objet d'une vérification de comptabilité au titre de la période du 1er novembre 2012 au 31 mai 2016 et au cours de laquelle la vérificatrice a notamment remis en cause la déduction de charges correspondant à des commissions d'apporteurs d'affaires. Par une proposition de rectification du 7 décembre 2016, la société Eurotrades a été informée de cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés, de rappels de taxe sur la valeur ajoutée et de taxe sur les véhicules de société ainsi que d'amendes pour défaut de déclarations d'échanges de biens susceptibles d'être mis à sa charge au titre de la période précitée. Par des propositions de rectification du 7 décembre 2016 et du 14 mars 2017, les époux A... ont été informés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux susceptibles d'être mises à leur charge en matière de revenus distribués, au titre des années 2013 et 2014 en conséquence du contrôle de la société Eurotrades. La réclamation préalable présentée par la société Eurotrades a fait l'objet d'une décision d'acceptation partielle du 6 août 2020, la société ayant obtenu le dégrèvement de la taxe sur les véhicules de société. La réclamation présentée par les époux A... a en revanche été rejetée par une décision du 10 août 2020. Les impositions laissées à leur charge ont été contestées par la société Eurotrades et les époux A... devant le tribunal administratif de Nîmes qui a rejeté leur demande par un jugement du 9 novembre 2022, dont ils font appel devant la cour.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :

2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts, applicable en matière d'impôt sur les sociétés en vertu de l'article 209 du même code : " 1. Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient, dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions précitées du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.

3. En vertu de ces principes, lorsqu'une entreprise a déduit en charges une dépense réellement supportée, conformément à une facture régulière relative à un achat de prestations ou de biens dont la déductibilité par nature n'est pas contestée par l'administration, celle-ci peut demander à l'entreprise qu'elle lui fournisse tous éléments d'information en sa possession susceptibles de justifier la réalité et la valeur des prestations ou biens ainsi acquis. La seule circonstance que l'entreprise n'aurait pas suffisamment répondu à ces demandes d'explication ne saurait suffire à fonder en droit la réintégration de la dépense litigieuse, l'administration devant alors fournir devant le juge tous éléments de nature à étayer sa contestation du caractère déductible de la dépense. Le juge de l'impôt doit apprécier la valeur des explications qui lui sont respectivement fournies par le contribuable et par l'administration.

4. Il résulte de l'instruction que le service a remis en cause la réalité des charges déduites par la société Eurotrades et correspondant à des factures établies par M. B... et M. C..., pour des montants globaux respectifs de 45 715 et 2 000 euros, qui correspondraient à des prestations de portage d'affaires. Pour ce faire, il a tout d'abord relevé que les factures litigieuses sont entachées de diverses anomalies, dès lors qu'elles ne comportent aucun numéro du registre du commerce et des sociétés ou du répertoire des métiers, ni de numéro Siren. Les factures émises par l'apporteur C... ne sont en outre pas numérotées et ne comportent aucune indication de la valeur et de la nature de l'affaire à laquelle elles se rapportent. Celles émises par l'apporteur B... ne mentionnent pas l'identité de l'acheteur. L'existence même des apporteurs d'affaires figurant sur les factures n'a pas pu être vérifiée par l'administration fiscale, en dépit de ses recherches, M. C... et M. B... étant inconnus de ses registres, et aucune information complémentaire susceptible de permettre leur identification n'a été communiquée par la société Eurotrades au cours du contrôle. Il ressort d'ailleurs des termes de la requête en assignation devant le tribunal judiciaire de Perpignan, rédigée par la société Eurotrades à l'encontre de son ancien salarié, que les factures de M. B... auraient été rédigées par cet ancien salarié et que l'apporteur d'affaires en question n'existerait en réalité pas. L'administration relève également qu'aucun contrat de portage d'affaires n'a pu être présenté par la société Eurotrades, pas plus que tout autre document relatif à la nature et aux conditions de rémunération de la prestation convenue, et que les commissions prétendument versées aux apporteurs d'affaires n'ont pas été déclarées par la société Eurotrades ainsi que l'exige pourtant l'article 240 du code général des impôts. Enfin, l'administration a pu constater, dans l'exercice de son droit de communication, que les factures litigieuses avaient été réglées par le biais de chèques qui, s'agissant des factures de M. C..., n'ont pas été encaissés, et s'agissant des factures de M. B..., ont été encaissés par M. A... et ses enfants mineurs, ou encore par la société Eurotrades et un ancien salarié de cette dernière. L'administration rapporte ainsi des éléments de nature à remettre en cause la réalité même des prestations correspondant aux factures des apporteurs d'affaires C... et B....

5. Pour combattre ces éléments, la société appelante fait valoir, s'agissant en particulier des bénéficiaires réels des chèques révélés par l'administration fiscale, que M. B... exigeait d'être payé en espèces, ce qu'elle aurait été contrainte d'accepter dans son propre intérêt financier et compte tenu de la conjoncture économique. De telles explications sont toutefois dépourvues de toute crédibilité dès lors qu'elle n'est pas en mesure de produire les relevés bancaires de M. A... et de ses enfants susceptibles de faire apparaître les prétendus retraits d'espèces correspondants. Ses allégations selon lesquelles elle aurait été contrainte de procéder par avances faute de trésorerie sont également contredites par la circonstance que l'un des chèques a été encaissé par la société elle-même. La société Eurotrades ne peut davantage utilement se prévaloir de la circonstance que la réalité du recours à des apporteurs d'affaires aurait été admise, au vu des pièces présentées, au cours d'un précédent contrôle, ni qu'à cette même occasion la réalité de ses relations d'affaires avec l'apporteur C... n'aurait pas été remise en cause. Il en va de même des circonstances selon lesquelles la société ferait régulièrement l'objet de contrôles fiscaux et l'administration fiscale n'aurait tiré aucune conséquence pénale de ses constatations de fait.

6. Enfin, la société Eurotrades procède à un rapprochement entre les factures de portage d'affaires et des factures relatives à des opérations d'achat et de revente de matières plastiques auprès de ses partenaires économiques. Elle constate, s'agissant des factures de M. B..., un taux de commission approximatif de 30 %, dont elle impute, sans plus de précision, les variations, entre 26 et 32 %, aux taux de change, une telle explication ne trouvant qui plus est pas à s'appliquer à la facture n° 10, pour laquelle toutes les opérations s'y rattachant selon la société ont été réalisées en euros. Il résulte en outre de l'examen de ces pièces que pour trois factures (n° 12, n° 14 et n° 15), celles-ci ont été émises à une date antérieure à une partie au moins des factures de revente des matières plastiques, sur la base desquelles la commission de M. B... est pourtant supposée avoir été calculée. Au vu des éléments exposés au point 4, le rapprochement ainsi opéré par la société Eurotrades n'est pas susceptible d'établir la réalité des prestations figurant sur les factures litigieuses. Ces éléments ne sont pas davantage suffisamment combattus par l'attestation du président-directeur général de la société Maria Valorisation, qui fait état, en des termes peu circonstanciés, d'avoir été en relation d'affaires avec la société appelante par l'intermédiaire de M. B....

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à bon droit que l'administration fiscale a réintégré dans les bénéfices de la société Eurotrades les charges correspondant à des factures de portage d'affaires, faute de réalité des prestations correspondantes.

En ce qui concerne les revenus distribués :

8. Aux termes de l'article 109 du code général des impôts : " 1. Sont considérés comme revenus distribués : / (...) 2° Toutes les sommes ou valeurs mises à la disposition des associés (...) " et aux termes de l'article 111 du même code : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes (...) ".

9. Il résulte de ce qui précède que, contrairement à ce que soutiennent les époux A..., les chèques encaissés par M. A... et ses enfants mineurs ne correspondaient pas à des remboursements d'avances pour le règlement de l'apporteur d'affaires M. B.... Le moyen tiré de ce que l'administration fiscale aurait regardé à tort de telles sommes comme des revenus distribués doit donc être écarté.

En ce qui concerne les pénalités :

10. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur les sociétés et d'impôt sur le revenu étant bien fondées, la société Eurotrades et les époux A... ne sont pas fondés à demander la décharge, par voie de conséquence, des pénalités qui les ont assorties.

11. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir opposées en défense, que la société Eurotrades et les époux A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leurs demandes.

Sur les frais liés au litige :

12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de la société Eurotrades et des époux A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Eurotrades, à M. et Mme D... A... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00208


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00208
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Détermination du bénéfice net.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Revenus des capitaux mobiliers et assimilables - Revenus distribués.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : HERISSON

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23tl00208 ?
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