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05/06/2025 | FRANCE | N°23TL00572

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 05 juin 2025, 23TL00572


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



M. et Mme D... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.



Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis, en application de l'article R. 351-8 du

code de justice administrative, leur demande au tribunal administratif de Nîmes.



Par un ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. et Mme D... et C... B... ont demandé au tribunal administratif de Toulouse de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014.

Par une ordonnance n° 462171 du 4 avril 2022, le président de la section du contentieux du Conseil d'État a transmis, en application de l'article R. 351-8 du code de justice administrative, leur demande au tribunal administratif de Nîmes.

Par un jugement n° 2023583 du 20 janvier 2023, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête et un mémoire, enregistrés les 8 mars et 3 août 2023, M. et Mme B..., représentés par Me Marouby, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 20 janvier 2023 du tribunal administratif de Nîmes ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2014 ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 4 800 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- les rehaussements litigieux méconnaissent le renvoi " (1) " de l'exemple chiffré illustrant le paragraphe n° 160 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-20-10-20-60 publiée le 14 octobre 2014, opposable en vertu de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, dont il résulte que la quotité de la valeur de la nue-propriété au jour de la transmission à titre gratuit, retenue pour apprécier l'accroissement de la valeur de la nue-propriété entre l'acquisition initiale des titres en pleine propriété et la transmission à titre gratuit de la nue-propriété, doit être déterminée en fonction du barème de l'article 669 du code général des impôts compte tenu de l'âge de l'usufruitier au moment de la cession ultérieure des titres en pleine propriété ;

- ils méconnaissent également le paragraphe 6409 de l'ouvrage " Plus-values des particuliers ", aux éditions Francis Lefebvre (2014) ;

- ils méconnaissent, enfin, la position retenue par le pôle de contrôle des revenus du patrimoine de Toulouse-Rangueil dans un dossier identique intéressant leur sœur et belle-sœur, et portent dès lors atteinte au principe de l'égalité devant les charges publiques.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 11 juillet et 18 septembre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il soutient que les moyens soulevés par M. et Mme B... ne sont pas fondés.

Par ordonnance du 21 août 2023, la clôture d'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,

- et les observations de Me Sewel, représentant les époux B....

Considérant ce qui suit :

1. Le 28 mai 2015, M. et Mme B... ont déclaré une plus-value de 906 093 euros correspondant notamment à la cession de 1 648 parts sociales détenues en nue-propriété. À l'issue d'un contrôle sur pièces de leur dossier fiscal en matière d'impôt sur le revenu au titre de l'année 2014, l'administration fiscale a remis en cause le montant de la plus-value afférente à cette opération. Les époux B... ont été informés des suppléments d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus susceptibles d'être mis à leur charge à l'issue de ce contrôle, par des propositions de rectification des 19 avril 2016 et 18 décembre 2017, la seconde s'étant substituée à la première. Les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de prélèvements sociaux et de contribution exceptionnelle sur les hauts revenus, mises en recouvrement le 24 septembre 2019, ont été contestées en vain par les époux B.... Ces derniers font appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Nîmes a refusé de faire droit à leur demande de décharge des impositions litigieuses.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 150-0 A du code général des impôts : " I. - 1. (...) les gains nets retirés des cessions à titre onéreux, effectuées directement, par personne interposée ou par l'intermédiaire d'une fiducie, de valeurs mobilières, de droits sociaux, (...) sont soumis à l'impôt sur le revenu (...) ". L'imposition de la plus-value constatée à la suite des opérations par lesquelles l'usufruitier et le nu-propriétaire de parts sociales dont la propriété est démembrée procèdent ensemble à la cession de ces parts sociales, se répartit en principe entre l'usufruit et la nue-propriété selon la valeur respective de chacun de ces droits. Toutefois, lorsque les parties ont décidé que le prix de cession sera nécessairement remployé dans l'acquisition d'autres titres dont les revenus reviennent à l'usufruitier, la plus-value réalisée n'est imposable qu'au nom du nu-propriétaire.

3. Aux termes de l'article 150-0 D du code général des impôts : " 1. Les gains nets mentionnés au I de l'article 150-0 A sont constitués par la différence entre le prix effectif de cession des titres ou droits, net des frais et taxes acquittés par le cédant, et leur prix effectif d'acquisition par celui-ci diminué, le cas échéant, des réductions d'impôt effectivement obtenues dans les conditions prévues à l'article 199 terdecies-0 A, ou, en cas d'acquisition à titre gratuit, leur valeur retenue pour la détermination des droits de mutation (...) ". Il résulte de ces dispositions que, pour le calcul du montant de la plus-value taxable en cas de cession de titres, le prix d'acquisition des titres obtenus à titre gratuit doit être fixé à la valeur retenue pour le calcul des droits de mutation. Cette valeur doit en principe être prise en compte, qu'elle procède d'une déclaration du contribuable au titre des droits d'enregistrement ou, le cas échéant, d'une rectification définitive de cette déclaration par l'administration fiscale.

4. En vertu des dispositions de l'article 669 du code général des impôts, applicable pour la liquidation des droits d'enregistrement et de la taxe sur la publicité foncière en cas de démembrement de propriété, la valeur de l'usufruit et de la nue-propriété est déterminée par une quotité de la valeur de la propriété entière conformément à un barème établi en fonction de l'âge de l'usufruitier, lequel prévoit notamment que la valeur de la nue-propriété représente 60 % de celle de la pleine propriété lorsque l'usufruitier est âgé de moins de 71 ans révolus, et s'élève à 70 % de la valeur de la pleine propriété lorsque l'usufruitier est âgé de moins de 81 ans révolus. Le deuxième alinéa du I de cet article précise que : " Pour déterminer la valeur de la nue-propriété, il n'est tenu compte que des usufruits ouverts au jour de la mutation de cette nue-propriété ".

5. Il résulte de l'instruction que, par acte de donation du 8 juin 2008, enregistré le 24 juin 2008, M. D... B... a reçu de son père, M. A... B..., alors âgé de 66 ans, la donation de la nue-propriété de 1 648 titres de la société Onyx et Marbres Granules, ce dernier s'étant réservé l'usufruit de ces titres. Le 23 juillet 2014, M. D... B... et son père, alors âgé de 73 ans, ont cédé ces titres en pleine propriété au profit de la société Omya, après s'être engagés à remployer les fonds issus de la cession pour l'acquisition d'autres titres, sur lequel l'usufruit détenu par M. A... B... pourrait se reporter. M. D... B... a été imposé à raison de la plus-value réalisée à l'occasion de la cession des 1 648 titres en pleine propriété.

6. Afin de corriger la plus-value de cession déclarée par M. B... à raison de cette opération, le service, conformément aux dispositions et principes précédemment rappelés, a calculé un prix global d'acquisition de la pleine propriété, correspondant au prix d'acquisition de la pleine propriété augmenté de la variation de la valeur de la nue-propriété entre cette acquisition initiale et la transmission à titre gratuit. Il a, pour ce faire, déterminé la valeur de la nue-propriété des 1 648 titres lors de sa transmission à titre gratuit en retenant une quotité de 60 % de la valeur de la pleine propriété, conformément au barème prévu à l'article 669 du code général des impôts compte tenu de l'âge de l'usufruitier au jour de la donation, à la place de la quotité de 70 % correspondant à l'âge de l'usufruitier au jour de la cession des titres à la société Omya, retenue par les époux B... dans leur déclaration. La quotité retenue par le service correspond ainsi à celle appliquée pour la liquidation des droits de mutation à titre gratuit lors de la transmission de la nue-propriété des titres à M. B.... Les suppléments d'imposition litigieux sont ainsi fondés sur le terrain de la loi fiscale.

En ce qui concerne l'interprétation de la loi fiscale :

7. En premier lieu, aux termes de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales : " Il ne sera procédé à aucun rehaussement d'impositions antérieures si la cause du rehaussement poursuivi par l'administration est un différend sur l'interprétation par le redevable de bonne foi du texte fiscal et s'il est démontré que l'interprétation sur laquelle est fondée la première décision a été, à l'époque, formellement admise par l'administration (...) ".

8. Selon le paragraphe n° 150 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 dans sa version publiée le 14 octobre 2014, relative aux plus-values de cession de valeurs mobilières ou de droits sociaux dont la propriété a été démembrée à compter du 3 juillet 2001 et qui concerne plus précisément les cessions en pleine propriété de titres dont la propriété est démembrée sans répartition du prix de vente, dans le cas où le nu-propriétaire ou l'usufruitier a disposé de la pleine propriété des titres avant leur démembrement : " Le prix ou la valeur d'acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est constitué, en tout état de cause, par le prix ou la valeur d'acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l'accroissement de valeur du droit transmis constaté entre la date de l'acquisition initiale de la pleine propriété et la date de transmission à titre gratuit (...) ". Le paragraphe n° 160 de cette même doctrine administrative, qui concerne le cas où la nue-propriété a été transmise lors du démembrement, indique que : " Cette situation très courante en pratique se présente lorsque, lors de la mutation à titre gratuit qui a donné lieu à démembrement, le donateur s'est réservé l'usufruit des titres cédés et a transmis la nue-propriété. / Dans ce cas, le prix d'acquisition à retenir pour la détermination de la plus-value imposable est constitué par le prix ou la valeur d'acquisition initiale de la pleine propriété des titres majoré de l'accroissement de valeur de la nue-propriété constaté entre la date de l'acquisition initiale de la pleine propriété et la date de transmission de la nue-propriété ". Ce dernier paragraphe est accompagné d'un schéma explicatif qui spécifie dans un renvoi " (1) " adossé uniquement aux valeurs de la nue-propriété et de l'usufruit relatives à l'acquisition initiale des titres par le cédant : " valeurs déterminées par application du barème de l'article 669 du code général des impôts en fonction de l'âge de l'usufruitier au moment de la cession ".

9. Les époux B... soutiennent qu'il résulte du renvoi " (1) " du schéma explicatif évoqué au point précédent que la valeur de la nue-propriété à la date de la transmission à titre gratuit doit être déterminée, pour apprécier son accroissement depuis l'acquisition initiale, en tenant compte du barème de l'article 669 du code général des impôts en fonction de l'âge de l'usufruitier à la date de la cession finale à titre onéreux occasionnant la plus-value imposable. À supposer même que tel soit le sens de ce renvoi, celui-ci ne comporterait aucune interprétation formelle de la loi opposable au service, compte tenu de sa contrariété avec le commentaire qu'il accompagne et dont il est indissociable, lequel exprime clairement qu'il convient, pour apprécier l'accroissement de la valeur de la nue-propriété depuis l'acquisition initiale des titres, de se situer à la date de transmission de la nue-propriété, ce qui du reste est conforme au paragraphe 150, que le paragraphe 160 a pour objet de préciser, ainsi qu'aux dispositions législatives rappelées au point 3.

10. Au demeurant, il résulte des énonciations du schéma explicatif que le renvoi au barème de l'article 669 du code général des impôts en fonction de l'âge de l'usufruitier au moment de la cession n'a de portée qu'en ce qui concerne la détermination de la valeur de la nue-propriété lors de l'acquisition initiale des titres en pleine propriété, ce qui d'ailleurs correspond à la méthode retenue par le service. Ce renvoi ne vise en revanche pas la valeur de la nue-propriété à la date de la transmission à titre gratuit, figurant dans la colonne " Donation de la nue-propriété " du schéma, lequel retient clairement, comme valeur de nue-propriété à la date de la donation, prise en compte pour le calcul de l'accroissement de valeur de la nue-propriété, l'assiette des droits de mutation à titre gratuit, laquelle résulte donc de l'application du barème de l'article 669 du code général des impôts en fonction de l'âge de l'usufruitier à la date de la donation. Il s'ensuit que, contrairement à ce que soutiennent les époux B..., les rectifications litigieuses ont été établies conformément à la doctrine dont ils entendent se prévaloir sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, et en particulier aux énonciations du schéma explicatif accompagnant le paragraphe 160 de la doctrine administrative référencée BOI-RPPM-PVBMI-20-10-20-60 dans sa version publiée le 14 octobre 2014.

11. En deuxième lieu, les époux B... ne peuvent utilement se prévaloir d'une citation de l'ouvrage " Plus-values des particuliers ", aux éditions Francis Lefebvre, lequel ne constitue pas une interprétation formelle de la loi fiscale pouvant être invoquée sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales.

12. En troisième lieu, les époux B... entendent se prévaloir de la circonstance selon laquelle la sœur de M. B... et son époux ont procédé, à l'occasion de la revente de valeurs mobilières issues de la même opération de donation, au calcul de la plus-value de cession selon les mêmes modalités qu'eux, sans que cela ait donné lieu à une rectification de la part de l'administration fiscale. Or, d'une part, l'absence de contrôle de la plus-value déclarée par un autre contribuable et, par conséquent, de rectification de la part de l'administration fiscale, ne saurait être assimilée à une interprétation de la loi formellement admise par l'administration, au sens de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, ni davantage à une prise de position formelle sur une situation de fait au regard d'un texte fiscal susceptible d'être invoquée sur le terrain de l'article L. 80 B du livre des procédures fiscales. D'autre part, les appelants ne peuvent utilement se prévaloir du principe d'égalité devant les charges publiques pour solliciter un traitement contraire à la loi.

13. Il résulte de tout ce qui précède que les époux B... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Nîmes a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement.

D É C I D E :

Article 1er : La requête de M. et Mme B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme D... et C... B... et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL00572


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL00572
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-08-01 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Plus-values des particuliers. - Plus-values mobilières.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: Mme Restino
Avocat(s) : NASSIET

Origine de la décision
Date de l'import : 07/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23tl00572 ?
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