Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société par actions simplifiée La Compagnie des Vins B a demandé au tribunal administratif de Montpellier, d'une part, de prononcer l'annulation des décisions des 30 avril et 3 juin 2021 par lesquelles l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer) l'a informée du plafonnement de son aide à la distillation de crise, versée en vertu du contrat complémentaire n° 3578 du 8 septembre 2020, à la somme de 200 000 euros, d'autre part, de condamner FranceAgriMer à lui verser un montant complémentaire d'aide ou une indemnité en réparation de son préjudice financier d'un montant de 36 081,04 euros ainsi qu'une indemnité en réparation de son préjudice moral d'un montant de 6 000 euros.
Par un jugement n° 2104047 du 6 avril 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 6 juin 2023, la société à responsabilité limitée Frigovin, venant aux droits de la société La Compagnie des Vins B, représentée par Me Chirez et Me Bouillot, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 avril 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;
2°) d'annuler les décisions des 30 avril et 3 juin 2021 par lesquelles FranceAgriMer l'a informée du plafonnement de son aide à la distillation de crise, versée en vertu du contrat complémentaire n° 3578 du 8 septembre 2020, à la somme de 200 000 euros ;
3°) de condamner FranceAgriMer à lui verser le montant d'aide complémentaire ou une indemnité en réparation de son préjudice financier, correspondant au volume de vin notifié par le contrat n° 3578 du 8 septembre 2020 et effectivement livré, soit 36 081,04 euros ;
4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions des 30 avril et 3 juin 2021 sont insuffisamment motivées ;
- ces décisions portent atteinte, tant par elles-mêmes que par voie d'exception d'illégalité de la décision INTV-GPASV-2020-56 du 27 août 2020 de la directrice générale de FranceAgriMer instituant un plafonnement applicable seulement à la seconde tranche d'aide et aux négociants en vin, aux principes d'égalité et de non-discrimination, au point 7 de l'article 3 du règlement délégué (UE) n°2020/592 de la Commission du 30 avril 2020, ainsi qu'aux articles 6 et 13 de la déclaration des droits de l'homme et du citoyen ;
- elles procèdent au retrait d'une décision créatrice de droit, en méconnaissance de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration ;
- elles portent atteinte aux principes de confiance légitime et de loyauté contractuelle consacrés par la jurisprudence de la Cour de justice de l'Union européenne ;
- la responsabilité de FranceAgriMer doit être engagée du fait de l'illégalité fautive des décisions des 30 avril et 3 juin 2021, de son comportement fautif dans la supervision du dispositif et en particulier de son manque d'information quant au plafonnement de la seconde tranche d'aide, et enfin de son manquement au principe de confiance légitime ;
- elle a droit à l'indemnisation de son préjudice financier correspondant à une perte de 36 081,04 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 13 novembre 2024, FranceAgriMer, représenté par Me Vandepoorter, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de la société Frigovin la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- les conclusions à fin d'annulation dirigées contre la décision du 30 avril 2021 sont irrecevables dès lors que cette dernière revêt un caractère préparatoire ;
- le moyen tiré de la méconnaissance des principes d'égalité et de non-discrimination est nouveau en appel et irrecevable ;
- les autres moyens soulevés par la société Frigovin ne sont pas fondés.
Par ordonnance du 31 décembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 3 février 2025.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la Constitution du 4 octobre 1958, notamment son Préambule ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 ;
- le règlement n°1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 ;
- le règlement délégué (UE) n°2020/592 de la Commission du 30 avril 2020 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Chalbos,
- les conclusions de Mme Restino, rapporteure publique,
- et les observations de Me Maigre Duplaix, représentant la société Frigovin, et de Me Lebel, représentant FranceAgriMer.
Considérant ce qui suit :
1. Par une décision INTV-GPASV-2020-28 du 3 juin 2020, modifiée par une décision INTV-GPASV-2020-34 du 15 juin 2020, la directrice générale de FranceAgriMer a mis en œuvre, à destination des producteurs et des négociants en vin, une aide à la distillation de crise, afin de leur permettre de faire face aux graves perturbations engendrées dans le secteur vitivinicole par la crise sanitaire liée à l'épidémie de la Covid-19 et aux difficultés d'écoulement des stocks en résultant. Dans ce cadre, la société Le Comptoir des Vins B a souscrit, le 16 juin 2020, un engagement auprès d'un distillateur agréé, aux fins de livrer un volume de 14 366 hectolitres de vins d'appellation d'origine protégée et/ou d'indication géographique protégée. Par un contrat n° 878 du 15 juillet 2020, FranceAgriMer a notifié à la société un volume à livrer de 8 379,69 hectolitres de vin, au titre duquel une aide de 647 882,82 euros lui a été versée. Par une décision INTV-GPASV-2020-40 du 8 juillet 2020, la directrice générale de FranceAgriMer a informé les opérateurs qu'une aide complémentaire était susceptible de leur être accordée. Celle-ci a été mise en œuvre par la décision INTV-GPASV-2020-56 du 27 août 2020, modifiant celle du 3 juin 2020. En application de cette décision, la société Le Comptoir des Vins B s'est vu notifier, par un contrat n° 3578 du 8 septembre 2020, un volume de 3 026,68 hectolitres de vin à livrer. Par une décision du 30 avril 2021, la société a été informée du plafonnement de l'aide versée en vertu de ce contrat complémentaire à 200 000 euros et invitée à présenter ses observations. FranceAgriMer a arrêté le principe du plafonnement de l'aide par décision du 3 juin 2021. Le 30 juillet 2021, la société Le Comptoir des Vins B a adressé une demande indemnitaire à FranceAgriMer, qui n'a pas répondu. La société Frigovin, venant aux droits de la société Le Comptoir des Vins B, fait appel du jugement du 6 avril 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté ses demandes tendant à l'annulation des décisions des 30 avril et 3 juin 2021 et au versement d'un complément d'aide ou d'une indemnité correspondant à la perte financière de 36 081,04 euros qu'elle estime avoir subie du fait de l'illégalité de ces décisions et d'agissements fautifs de FranceAgriMer.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 du même code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".
3. Il ressort des termes de la décision du 30 avril 2021 que celle-ci rappelle l'engagement de distillation souscrit par la société La Compagnie des Vins B ainsi que le contrat de distillation du 8 septembre 2020, et fait état de la livraison à la distillerie Grap'Sud, en exécution de ce contrat, d'un volume de 3 026,68 hectolitres de vin. Elle mentionne également, en reprenant la décision INTV-GPASV-2020-28 du 3 juin 2020 dans sa version modifiée le 27 août 2020 et les articles pertinents de celle-ci, le tarif d'aide applicable pour les vins livrés et le principe d'un plafonnement de l'aide à 200 000 euros pour les négociants en vins. Elle indique enfin qu'en conséquence, le montant de l'aide versée à la société sera plafonné à 200 000 euros, sous réserve des éventuelles observations de la société dans le cadre de la procédure contradictoire. La décision définitive de FranceAgriMer, arrêtée le 3 juin 2021, rappelle le principe du plafonnement de l'aide en application de la décision du 3 juin 2020 modifiée et fait expressément référence à la lettre du 30 avril 2020, laquelle comportait, ainsi qu'il vient d'être dit, l'exposé précis des considérations de droit et de fait à l'origine de la décision arrêtant le montant d'aide versée à 200 000 euros. Les décisions attaquées sont ainsi suffisamment motivées au regard des exigences des articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 219 du règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " 1. Afin de répondre de manière concrète et efficace aux menaces de perturbations du marché causées par des hausses ou des baisses significatives des prix sur les marchés intérieurs ou extérieurs ou par d'autres événements et circonstances perturbant significativement ou menaçant de perturber le marché, lorsque cette situation ou ses effets sur le marché sont susceptibles de se poursuivre ou de s'aggraver, la Commission est habilitée à adopter des actes délégués (...) en vue de prendre les mesures nécessaires pour rééquilibrer à cette situation de marché tout en respectant les obligations découlant des accords internationaux conclus conformément au traité sur le fonctionnement de l'Union européenne et dès lors que toute autre mesure pouvant être appliquée en vertu du présent règlement apparaît insuffisante (...) ". Aux termes de l'article 3 du règlement délégué (UE) n°2020/592 de la Commission du 30 avril 2020 relatif à des mesures temporaires exceptionnelles dérogeant à certaines dispositions du règlement n° 1308/2013 du Parlement européen et du Conseil en vue de remédier aux perturbations du marché dans le secteur des fruits et légumes et le secteur vitivinicole provoquées par la pandémie de COVID-19 et les mesures mises en place à cet égard : " 1. Une aide peut être accordée pour la distillation de vin dans les conditions énoncées au présent article. Cette aide est proportionnée. / 2. L'alcool qui résulte de la distillation bénéficiant de l'aide visée au paragraphe 1 est utilisé exclusivement à des fins industrielles, notamment la désinfection ou les usages pharmaceutiques, ou à des fins énergétiques, de manière à éviter une distorsion de concurrence. / 3. Les bénéficiaires de l'aide visée au paragraphe 1 sont des entreprises vitivinicoles produisant ou commercialisant les produits visés à l'annexe VII, partie II, du règlement (UE) n°1308/2013, des organisations de producteurs de vin, des associations de deux ou de plusieurs producteurs, des organisations interprofessionnelles ou des distillateurs de produits de la vigne. / 4. Seuls les coûts liés à la fourniture du vin aux distillateurs et à la distillation de ce vin sont admissibles au bénéfice de l'aide. (...) / 7. Les États membres fixent le montant de l'aide apportée aux bénéficiaires sur la base de critères objectifs et non discriminatoires (...) ".
5. Aux termes de l'article 216 du règlement (UE) n°1308/2013 du Parlement européen et du Conseil du 17 décembre 2013 portant organisation commune des marchés des produits agricoles : " 1. Les États membres peuvent procéder à des paiements nationaux destinés aux producteurs de vin pour la distillation facultative ou obligatoire du vin dans des cas de crise justifiés. (...) / 2. Les États membres qui souhaitent user de la possibilité de procéder à des paiements nationaux, prévue au paragraphe 1, soumettent une notification dûment motivée à la Commission. La Commission décide (...) de l'approbation de la mesure et du versement des paiements (...) ".
6. Enfin, aux termes du point 8 de l'article 3 " Distillation de vin en période de crise " du règlement délégué (UE) n°2020/592 de la Commission du 30 avril 2020 : " (...) Par dérogation à l'article 44, paragraphe 3, du règlement (UE) n°1308/2013, les États membres peuvent procéder à des paiements nationaux, dans le respect des règles de l'Union applicables en matière d'aides d'État, en faveur de la mesure visée au présent article ". Aux termes de l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : " 1. Sauf dérogations prévues par les traités, sont incompatibles avec le marché intérieur, dans la mesure où elles affectent les échanges entre États membres, les aides accordées par les États ou au moyen de ressources d'État sous quelque forme que ce soit qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions (...) ". Il résulte notamment des termes de l'article 108 de ce même traité que la Commission procède avec les États membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces États et qu'elle est informée des projets tendant à instituer ou à modifier ces aides. Aux termes de l'article 3 du règlement n°1407/2013 de la Commission du 18 décembre 2013 relatif à l'application des articles 107 et 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne aux aides de minimis : " 1. Sont considérées comme ne remplissant pas tous les critères de l'article 107, paragraphe 1, du traité et comme n'étant pas soumises, de ce fait, à l'obligation de notification prévue à l'article 108, paragraphe 3, du traité, les aides qui satisfont aux conditions énoncées dans le présent règlement. / 2. Le montant total des aides de minimis octroyées par État membre à une entreprise unique ne peut excéder 200 000 EUR sur une période de trois exercices fiscaux (...) ".
7. Il ressort des pièces du dossier que, par une décision INTV-GPASV-2020-28 du 3 juin 2020 dans sa version modifiée par la décision INTV-GPASV-2020-40 du 15 juin 2020, la directrice générale de FranceAgriMer a prévu, en application de l'article 219 du règlement (UE) n° 1308/2013 et des points 1 à 7 de l'article 3 du règlement délégué (UE) n°2020/592, cités au point 4, le versement, en faveur des producteurs et des négociants en vins, d'une aide à la distillation de crise pour un budget de 155 millions d'euros, correspondant à un tarif pour les bénéficiaires de 78 euros par hectolitre de vins d'appellation d'origine contrôle et d'indication géographique protégée.
8. Par une décision INTV-GPASV-2020-40 du 8 juillet 2020, la directrice générale de FranceAgriMer a informé les opérateurs qu'une enveloppe complémentaire d'aide serait susceptible d'être ouverte avant le 31 août 2020. Par une décision INTV-GPASV-2020-56 du 27 août 2020 modifiant la décision du 3 juin 2020 précitée, la directrice de FranceAgriMer a prévu le versement, en faveur des producteurs et des négociants en vins, d'une aide complémentaire à la distillation de crise pour un budget de 56 millions d'euros, correspondant à un tarif pour les bénéficiaires de 78 euros par hectolitre de vins d'appellation d'origine contrôlée et d'indication géographique protégée. Cette aide complémentaire est fondée, s'agissant des producteurs de vin, sur l'article 216 du règlement (UE) n°1308/2013 cité au point 5, et fait suite à une décision de la Commission du 13 août 2020, prise en application d'un tel article, d'autoriser la France à accorder un soutien supplémentaire à ces producteurs. Elle est également fondée, s'agissant des négociants en vins et afin de les inclure dans ce second volet d'aide sans méconnaître la réglementation européenne, sur les dispositions citées au point 6 et en particulier celles de l'article 3 du règlement n°1307/2013 autorisant le versement par les États membres d'aides " de minimis " d'un montant inférieur à 200 000 euros.
9. Il résulte de ce qui précède que l'aide initiale et l'aide complémentaire, et pour cette dernière, celle versée aux producteurs de vin et celle versée aux négociants en vins, procèdent de régimes juridiques différents. Les négociants en vins bénéficiaires de l'aide complémentaire se trouvaient donc dans une situation différente de celle des producteurs de vin, seuls visés par l'article 216 du règlement (UE) n°1308/2013 et la décision du 13 août 2020 de la Commission, ainsi que de la situation qui était la leur lors du versement de l'aide initiale. Il s'ensuit que la société Frigovin n'est pas fondée à soutenir que le plafonnement de l'aide complémentaire versée aux négociants en vins, lequel a été décidé afin de permettre l'inclusion de ces derniers dans le second volet d'aide à la distillation de crise, serait contraire aux principes d'égalité de traitement et de non-discrimination dont l'effectivité est garantie par le droit de l'Union européenne, ainsi que, par conséquent, aux principes équivalents de valeur constitutionnelle. Le moyen soulevé en ce sens, tant par voie d'action que par voie d'exception de la décision du 27 août 2020 de la directrice générale de FranceAgriMer, doit ainsi être écarté.
10. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration : " L'administration ne peut abroger ou retirer une décision créatrice de droits de sa propre initiative ou sur la demande d'un tiers que si elle est illégale et si l'abrogation ou le retrait intervient dans le délai de quatre mois suivant la prise de cette décision ".
11. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le contrat n° 878 signé le 15 juillet 2020 a seulement eu pour objet et pour effet de reconnaître à la société La Compagnie des Vins B le droit au versement d'une aide en contrepartie de la livraison d'un volume de 8 379,69 hectolitres de vins à la société Grap'Sud. Une telle aide, d'un montant de 647 882,82 euros, a été versée en application de la décision INTV-GPASV-2020-28 du 3 juin 2020 de la directrice générale de FranceAgriMer, dans sa version modifiée par la décision du 15 juin 2020, et n'a pas été remise en cause par les décisions litigieuses des 30 avril et 3 juin 2021. La circonstance que la société La Compagnie des Vins B ait souscrit un engagement de distillation unique pour un volume total de 14 366 hectolitres ne lui conférait en elle-même aucun droit acquis au versement d'une aide dans les conditions prévues par la décision du 3 juin 2020 dans sa version modifiée le 15 juin 2020, au-delà du volume notifié par le contrat du 15 juillet 2020.
12. D'autre part, il ressort encore des pièces du dossier que le contrat n° 3578 du 8 septembre 2020 a quant à lui eu pour objet et pour effet de reconnaître à la société La Compagnie des Vins B le droit au versement d'une aide en contrepartie de la livraison d'un volume de 3 026,68 hectolitres à la société Grap'Sud. Une telle aide, d'un montant de 200 000 euros, a été accordée en application de la décision INTV-GPASV-2020-56 du 27 août 2020 de la directrice générale de FranceAgriMer, modifiant la décision du 3 juin 2020 précitée. L'article 6 de cette décision et l'article 8 de la décision du 3 juin 2020 modifiée mentionnent expressément le plafonnement de l'aide susceptible d'être versée aux négociants en vin à un montant de 200 000 euros. Contrairement à ce que soutient la société appelante, aucune mention du contrat du 8 septembre 2020 ne laisse entendre qu'une aide d'un montant supérieur serait accordée à la société. Dans ces conditions, les décisions des 30 avril et 3 juin 2021, qui se bornent à rappeler le principe du plafonnement de l'aide, fixé antérieurement à la conclusion du contrat octroyant l'aide à la société La Compagnie des Vins B, n'ont ni pour objet ni pour effet de retirer une décision créatrice de droits, la société La Compagnie des Vins B ne s'étant jamais vu reconnaître le droit au versement d'une aide complémentaire d'un montant supérieur à 200 000 euros. Le moyen tiré de ce que les décisions litigieuses méconnaîtraient les dispositions de l'article L. 242-1 du code des relations entre le public et l'administration doit donc être écarté comme manquant en fait.
13. En quatrième lieu, le principe de confiance légitime, qui fait partie des principes généraux du droit de l'Union européenne, peut être invoqué par tout opérateur économique auprès duquel une autorité nationale a fait naître, à l'occasion de la mise en œuvre du droit de l'Union, des espérances fondées. Toutefois, lorsqu'un opérateur économique prudent et avisé est en mesure de prévoir l'adoption d'une mesure de nature à affecter ses intérêts, il ne peut invoquer le bénéfice d'un tel principe lorsque cette mesure est finalement adoptée.
14. Il résulte de ce qui précède et ainsi que l'ont rappelé les premiers juges, que les décisions des 30 avril et 3 juin 2021 sont fondées sur des dispositions réglementaires qui leur sont antérieures et n'ont pas de portée rétroactive. Ces dispositions, rappelées au point 12, prévoyaient expressément le plafonnement de l'aide complémentaire susceptible d'être versée aux négociants à 200 000 euros et ce, avant la conclusion du contrat du 8 septembre 2020. Dans ces conditions, il ne peut être sérieusement soutenu que l'opérateur économique prudent et avisé, à qui il appartenait de prendre connaissance de la décision fixant les conditions et les modalités de versement de l'aide en cause, ne pouvait qu'ignorer le montant maximal de l'aide susceptible de lui être versé. À cet égard, la circonstance que le contrat du 8 septembre 2020 ni ne mentionne expressément la décision du 27 août 2020 de la directrice générale de FranceAgriMer plafonnant le montant de l'aide susceptible d'être versé ni ne rappelle le principe même de ce plafonnement, apparaît sans incidence, aucune mention du contrat, lequel visait d'ailleurs le règlement européen relatif aux aides de minimis, n'étant de nature à faire naître une espérance fondée quant au versement d'une aide d'un montant supérieur à 200 000 euros. Enfin, et ainsi que le fait valoir FranceAgriMer en défense, la société appelante ne peut soutenir que seules les dispositions en vigueur au moment de son engagement initial pourraient lui être opposées s'agissant du montant de son aide complémentaire, alors qu'à cette date, le principe même d'une telle aide n'existait pas encore. Il s'ensuit que le moyen tiré de ce que FranceAgriMer aurait méconnu le principe de confiance légitime en faisant naître une espérance fondée de bénéficier d'une aide complémentaire dans des conditions identiques à celles prévues pour l'aide initiale, doit être écarté.
15. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que FranceAgriMer se serait soustrait à ses obligations issues du contrat du 8 septembre 2020, lequel n'envisageait pas la possibilité de délier la société cocontractante d'une partie de son engagement de livraison. En outre, il ressort des termes de l'article 5 de la décision de la directrice générale de FranceAgriMer du 3 juin 2020 dans sa version modifiée au 27 août 2020 qu'il était loisible à la société La Compagnie des Vins B de ne livrer, sans encourir de sanction, que 80 % du volume de vin notifié par le contrat du 8 septembre 2020, afin de ne pas subir les effets du plafonnement de l'aide complémentaire. Le moyen tiré de ce qu'en vertu du principe de loyauté des relations contractuelles, FranceAgriMer aurait dû spontanément délier la société Le Comptoir des Vins B de son obligation de stocker et de livrer son vin au-delà du volume susceptible d'être indemnisé dans le cadre de l'aide complémentaire doit donc être écarté.
En ce qui concerne les conclusions indemnitaires :
16. Il résulte de ce qui précède que les décisions des 30 avril et 3 juin 2021 ne sont entachées d'aucune illégalité fautive et que le comportement de FranceAgriMer n'est pas susceptible de caractériser un manquement au principe de confiance légitime. Il ne résulte pas davantage de l'instruction que FranceAgriMer aurait eu un comportement fautif dans le déploiement du dispositif de l'aide à la distillation de crise, en manquant en particulier à son devoir d'information, alors qu'il résulte de l'instruction que la mise en œuvre des aides initiale et complémentaire a donné lieu à des décisions publiées de la directrice générale de FranceAgriMer, indiquant expressément leurs fondements juridiques ainsi que leurs conditions et modalités d'attribution. Il s'ensuit que la société Frigovin n'est pas fondée à prétendre à un versement d'aide complémentaire supérieur au plafond de 200 000 euros qui lui a été appliqué, ni à rechercher la responsabilité pour faute de FranceAgriMer.
17. Il résulte de tout ce qui précède que, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en défense, la société Frigovin n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
18. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de FranceAgriMer, qui n'est pas dans la présente instance la partie perdante, le versement de quelque somme que ce soit sur leur fondement. En revanche, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la société Frigovin le versement à FranceAgriMer de la somme de 1 500 euros en application de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de la société Frigovin est rejetée.
Article 2 : La société Frigovin versera à FranceAgriMer la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société à responsabilité limitée Frigovin, venant aux droits de la société par actions simplifiée La Compagnie des Vins B et à l'établissement national des produits de l'agriculture et de la mer (FranceAgriMer).
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Chalbos, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
La rapporteure,
C. Chalbos
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'agriculture et de la souveraineté alimentaire en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01308