Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme A... B... C... a demandé au tribunal administratif de Toulouse d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2206198 du 26 mai 2023, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête, enregistrée le 27 juillet 2023, Mme B... C..., représentée par Me Sadek, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse ;
2°) d'annuler l'arrêté du 20 mai 2022 du préfet de la Haute-Garonne ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Garonne de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ;
4°) de mettre à la charge de l'État une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration et le rapport médical ne lui ont pas été communiqués ;
- il n'est pas établi que le rapport médical ait été rédigé par le médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- il n'est pas établi qu'elle aurait été convoquée et reçue par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration ;
- l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'a pas précisé la nature de la disponibilité du traitement en Algérie, son accessibilité pour la généralité de la population et son coût ;
- il méconnaît l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues au 11° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il ne précise pas les sources d'informations sanitaires sur lesquelles il s'est fondé ;
- elle n'a pas eu accès à la bibliothèque d'information sur le système de soins des pays d'origine sur laquelle s'est fondé le collège de médecins ;
- le préfet s'est estimé lié par l'avis du collège de médecins ;
- la signataire de l'arrêté attaqué n'était pas compétente ;
- la décision de refus de titre de séjour est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle est entachée d'une erreur de droit, dès lors que le préfet n'a pas examiné sa demande en qualité d'ascendant à charge d'un ressortissant de l'Union européenne ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français est entachée d'un défaut de motivation ;
- elle n'a pas été précédée d'un examen suffisant de sa situation personnelle ;
- elle méconnaît les stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
Par un mémoire en défense, enregistré le 28 septembre 2023, le préfet de la Haute-Garonne conclut au rejet de la requête.
Il soutient qu'aucun des moyens soulevés par Mme B... C... n'est fondé.
Par une ordonnance du 29 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 31 octobre 2023.
Mme B... C... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Lafon a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., de nationalité algérienne, fait appel du jugement du 26 mai 2023 du tribunal administratif de Toulouse qui a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 mai 2022 par lequel le préfet de la Haute-Garonne a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de renvoi.
Sur les moyens communs aux décisions attaquées :
2. En premier lieu, par arrêté n° 31-2022-04-06-00001 du 6 avril 2022, régulièrement publié au recueil des actes administratifs de la préfecture, accessible tant au juge qu'aux parties, le préfet de la Haute-Garonne a donné délégation à Mme E... D..., directrice des migrations et de l'intégration de la préfecture, à fin de signer notamment les décisions contestées. Cette délégation ne présente pas un caractère général et était en vigueur à la date de l'arrêté en litige. Par suite et sans qu'il soit nécessaire de s'interroger sur l'absence ou l'empêchement du préfet, condition à laquelle cette délégation n'est pas subordonnée, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire de l'arrêté attaqué manque en fait et doit être écarté.
3. En second lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne ne s'est pas livré à un examen particulier de l'ensemble de la situation de Mme B... C....
Sur la décision de refus de titre de séjour :
4. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : (...) 7) au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse pas effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ".
5. Le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration a estimé, dans un avis du 16 mars 2022, que si l'état de santé de Mme B... C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il lui permet de voyager sans risque à destination de son pays d'origine, où, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé, elle peut y bénéficier effectivement d'un traitement approprié à sa pathologie.
6. En premier lieu, les moyens tirés de ce que l'avis du 16 mars 2022 et le rapport médical n'auraient pas été communiqués à Mme B... C..., de ce que le rapport médical n'aurait pas été établi par un médecin de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de ce qu'elle n'aurait pas été convoquée et reçue par un médecin de l'Office, de ce que l'avis n'a pas précisé la nature de la disponibilité du traitement en Algérie, son accessibilité pour la généralité de la population et son coût, de ce qu'elle n'a pas eu accès à la bibliothèque d'information sur le système de soins des pays d'origine sur laquelle s'est fondé le collège de médecins et de ce que cet avis ne précise pas les sources d'informations sanitaires retenues doivent être écartés par adoption des motifs retenus à bon droit par les premiers juges aux points 7 et 8 du jugement attaqué.
7. En deuxième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration n'aurait pas apprécié l'offre de soins en Algérie au regard notamment de l'existence de structures, d'équipements, de médicaments et de dispositifs médicaux, ainsi que de personnels compétents nécessaires pour assurer une prise en charge appropriée de l'affection en cause, conformément aux orientations générales définies par l'article 3 de l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
8. En troisième lieu, la décision portant refus de titre de séjour, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui la fondent, notamment des éléments précis et non stéréotypés concernant la situation personnelle de Mme B... C..., est suffisamment motivée.
9. En quatrième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet de la Haute-Garonne se serait estimé lié par l'avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration du 16 mars 2022.
10. En cinquième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... C..., qui a levé le secret médical, souffre d'un diabète insulino-dépendant compliqué par une rétinopathie bilatérale et par un mal perforant plantaire, d'une insuffisance cardiaque avec hypertension artérielle, ainsi que de troubles anxiodépressifs. Aucune des pièces médicales versées au dossier ne fait état de l'impossibilité, pour l'intéressée, de bénéficier d'une prise en charge en Algérie, à l'exception du certificat d'un psychiatre, daté du 7 juin 2022, se bornant toutefois à faire état de ce que " toute interruption de cette prise en charge entraînerait des conséquences d'une exceptionnelle gravité notamment par son éloignement du territoire français ". Le préfet de la Haute-Garonne a d'ailleurs justifié, devant le tribunal administratif, la disponibilité en Algérie des médicaments qui lui sont prescrits en France. En outre, l'appelante, qui se borne à se référer à des documents d'ordre général et à se prévaloir de ce qu'elle aurait noué une relation de confiance avec le psychiatre qui la suit en France, où elle bénéficie de l'accompagnement de ses trois filles, de ce que la commune dont elle est originaire serait éloignée des grands centres médicaux algériens, ainsi que d'un risque de réactivation d'un état de stress post-traumatique, ne démontre pas qu'elle ne pourrait bénéficier effectivement d'un traitement approprié en cas de retour dans son pays d'origine, notamment grâce à une prise en charge du coût de ses soins dans le cadre du régime de sécurité sociale existant en Algérie. Ainsi, les éléments qu'elle produit ne suffisent pas à remettre en cause les conclusions du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit être écarté.
11. En sixième lieu, Mme B... C..., qui est née le 18 octobre 1959, est entrée en France le 15 avril 2019, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de trente jours, valable du 4 avril au 19 mai 2019. Elle n'établit pas la continuité de son séjour, en particulier sa présence sur le territoire national au cours de l'année 2020, pour laquelle elle se borne à produire la confirmation, établie le 6 octobre, d'un rendez-vous médical le 9 avril 2021. Elle affirme être prise en charge par ses trois filles, qui résident régulièrement en France, tout comme leurs propres enfants, et être hébergée par l'une d'elles. Toutefois et bien qu'étant divorcée, Mme B... C... n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a vécu jusqu'à l'âge de 59 ans et où résident notamment deux de ses sœurs. Elle a, par ailleurs, longtemps vécu séparée de ses filles avant d'entrer sur le territoire national. En outre, elle ne justifie pas d'une insertion particulière dans la société française. Dans ces conditions, la décision de refus de titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise et n'a méconnu ni les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni celles du 5 de l'article 6 de l'accord franco-algérien.
12. En septième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... C..., qui se prévaut de la nationalité allemande d'un de ses gendres, n'a pas sollicité son admission au séjour en sa qualité d'ascendante directe à charge d'un citoyen de l'Union européenne, sur le fondement de l'article L. 233-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Elle n'est, dès lors, pas fondée à soutenir que le préfet, qui n'était pas tenu d'examiner d'office sa demande sur un autre fondement que celui invoqué, n'a pas procédé à cet examen et aurait méconnu ces dispositions.
13. En dernier lieu, aucune des circonstances évoquées précédemment n'est de nature à faire regarder la décision attaquée comme entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B... C....
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
14. En premier lieu, la décision portant obligation de quitter le territoire français n'a pas à faire l'objet d'une motivation distincte de celle de la décision relative au séjour. La motivation du refus de titre de séjour étant, ainsi qu'il a été dit au point 8, suffisante, le moyen tiré de l'insuffisante motivation de l'obligation de quitter le territoire doit être écarté.
15. En second lieu, compte tenu de ce qui a été dit aux points 10 et 11 du présent arrêt, les moyens selon lesquels la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et celles des 5 et 7 de l'article 6 de l'accord franco-algérien doivent être écartés.
16. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... C... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Toulouse a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme A... B... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Garonne.
Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, où siégeaient :
M. Rey-Bèthbéder, président,
M. Lafon, président-assesseur,
Mme Fougères, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.
Le rapporteur,
N. Lafon
Le président,
É. Rey-Bèthbéder
Le greffier,
F. Kinach
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
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N° 23TL01935