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05/06/2025 | FRANCE | N°23TL02231

France | France, Cour administrative d'appel de TOULOUSE, 1ère chambre, 05 juin 2025, 23TL02231


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure :



L'union de sociétés coopératives agricoles Institut Coopératif du Vin a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution des créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation à raison de dépenses engagées au titre de l'année 2016, pour une somme totale de 58 483 euros.



Par un jugement n° 2103911 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.



Proc

dure devant la cour :



Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023, l'Institut Coopératif du Vin, ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

L'union de sociétés coopératives agricoles Institut Coopératif du Vin a demandé au tribunal administratif de Montpellier de prononcer la restitution des créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation à raison de dépenses engagées au titre de l'année 2016, pour une somme totale de 58 483 euros.

Par un jugement n° 2103911 du 3 juillet 2023, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête, enregistrée le 1er septembre 2023, l'Institut Coopératif du Vin, représenté par Me Quentin, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 3 juillet 2023 du tribunal administratif de Montpellier ;

2°) de prononcer la restitution des créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation à raison de dépenses engagées au titre de l'année 2016, pour des montants respectifs de 46 335 et 12 148 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- les dispositions du II de l'article 199 ter B du code général des impôts lui ouvrant droit au remboursement immédiat de sa créance de crédit d'impôt ne la privent pas de la possibilité de bénéficier du régime de droit commun du I du même article prévoyant le remboursement de la créance à l'issue du troisième exercice suivant celui au titre duquel le crédit a initialement été constaté ;

- sa demande de remboursement, présentée dans le délai prévu par l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales courant à compter de la date à laquelle la créance de crédit d'impôt est devenue restituable en application du I de l'article 199 ter B du code général des impôts, n'était pas tardive.

Par un mémoire en défense, enregistré le 24 janvier 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut, à titre principal, au rejet de la requête, et à titre subsidiaire, à la limitation de la créance susceptible d'être restituée à 56 356 euros.

Il soutient que :

- la requête est irrecevable dès lors que la réclamation tendant à la restitution de la créance de crédits d'impôt a été présentée tardivement ;

- la somme de 2 127 euros ayant été imputée sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2020, celle-ci doit être soustraite de la créance de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation susceptible d'être restituée.

Par ordonnance du 10 octobre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 novembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Chalbos,

- les conclusions de Mme Fougères, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. L'Institut Coopératif du Vin est une union de sociétés coopératives agricoles qui propose divers services auprès de ses adhérents et associés vignerons. Il détient 93,63 % du capital du groupement d'intérêt économique ICV-VVS qu'il forme avec sa filiale la société Vignobles Vins Services, et qui réalise des opérations de recherche. Le groupement ICV-VVS a déclaré avoir exposé, au titre de l'année 2016, des dépenses éligibles au crédit d'impôt recherche et au crédit d'impôt innovation, pour un total de 62 461 euros. L'Institut Coopératif du Vin a déclaré quant à lui un montant de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation de 46 335 euros et 12 148 euros, correspondant à la quote-part de ses droits dans le groupement. Par demandes des 10 novembre et 16 décembre 2020, il a sollicité la restitution des créances correspondantes. Par une décision du 4 juin 2021, l'administration fiscale a rejeté sa demande au motif de sa tardiveté. L'Institut Coopératif du Vin fait appel du jugement du 3 juillet 2023 par lequel le tribunal administratif de Montpellier a rejeté sa demande tendant à la restitution de ses créances de crédit d'impôt correspondant à des dépenses engagées au cours de l'année 2016.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. D'une part, aux termes de l'article 244 quater B du code général des impôts : " I. - Les entreprises industrielles et commerciales ou agricoles imposées d'après leur bénéfice réel (...) peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt au titre des dépenses de recherche qu'elles exposent au cours de l'année. Le taux du crédit d'impôt est de 30 % pour la fraction des dépenses de recherche inférieure ou égale à 100 millions d'euros (...). Pour les dépenses mentionnées au k du II, le taux du crédit d'impôt est de 20 % (...) ". Les dépenses visées au k du II de cet article sont éligibles, pour les entreprises satisfaisant à la définition européenne des micro, petites et moyennes entreprises, au crédit d'impôt innovation. Aux termes de l'article 220 B du même code : " Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise dans les conditions prévues à l'article 199 ter B ". Aux termes de l'article 199 ter B du code auquel il est ainsi renvoyé : " I. - Le crédit d'impôt pour dépenses de recherche défini à l'article 244 quater B est imputé sur l'impôt sur le revenu dû par le contribuable au titre de l'année au cours de laquelle les dépenses de recherche prises en compte pour le calcul du crédit d'impôt ont été exposées. L'excédent de crédit d'impôt constitue au profit de l'entreprise une créance sur l'État d'égal montant. Cette créance est utilisée pour le paiement de l'impôt sur le revenu dû au titre des trois années suivant celle au titre de laquelle elle est constatée puis, s'il y a lieu, la fraction non utilisée est remboursée à l'expiration de cette période. / (...) II. - La créance mentionnée au premier alinéa du I est immédiatement remboursable lorsqu'elle est constatée par l'une des entreprises suivantes : / (...) 4° Les entreprises qui satisfont à la définition des micro, petites et moyennes entreprises donnée à l'annexe I au règlement (UE) n° 651/2014 de la Commission du 17 juin 2014 déclarant certaines catégories d'aides compatibles avec le marché intérieur en application des articles 107 et 108 du traité (...) ".

3. D'autre part, aux termes de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales : " Les réclamations relatives aux impôts, contributions, droits, taxes, redevances, soultes et pénalités de toute nature, établis ou recouvrés par les agents de l'administration, relèvent de la juridiction contentieuse lorsqu'elles tendent à obtenir soit la réparation d'erreurs commises dans l'assiette ou le calcul des impositions, soit le bénéfice d'un droit résultant d'une disposition législative ou réglementaire (...) ". Aux termes de l'article R. 196-1 du même livre : " Pour être recevables, les réclamations relatives aux impôts autres que les impôts directs locaux et les taxes annexes à ces impôts, doivent être présentées à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle, selon le cas : / (...) c) De la réalisation de l'événement qui motive la réclamation (...) ". Enfin, l'article 360 bis de l'annexe III au code général des impôts dispose que : " (...) Le dépôt du relevé de solde est effectué au plus tard le 15 du quatrième mois qui suit la clôture de l'exercice (...) ".

4. Il résulte de la combinaison de ces dispositions que, d'une part, la demande de remboursement d'un crédit d'impôt recherche présentée sur le fondement du I ou du II de l'article 199 ter B du code général des impôts constitue une réclamation préalable au sens de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales et que, d'autre part, la naissance du droit à remboursement de la créance de crédit d'impôt recherche constitue la réalisation de l'événement qui motive une telle réclamation, au sens du c) de l'article R. 196-1 du livre des procédures fiscales.

5. L'Institut Coopératif du Vin ayant engagé, au cours de l'année 2016, des dépenses ouvrant droit au crédit d'impôt recherche et au crédit d'impôt innovation, il a déposé, le 14 novembre 2018, une déclaration de crédit d'impôt en faveur de la recherche et de l'innovation suivant le modèle n° 2069-A. En sa qualité de petite et moyenne entreprise au sens des dispositions du 4° du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, il avait droit, en application de ce même article, au remboursement immédiat de la fraction de crédit d'impôt non imputée ni utilisée pour le paiement de son impôt sur les sociétés au titre des exercices clos entre 2017 et 2020, sous réserve d'en présenter la demande avant le 31 décembre de la deuxième année suivant celle au cours de laquelle la créance est devenue remboursable, un tel événement étant caractérisé par la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos le 30 juillet 2017, intervenue à une date non précisée et au plus tard le 15 novembre 2017, date limite de dépôt du relevé de solde d'impôt sur les sociétés dû au titre du premier exercice d'imputation du crédit d'impôt.

6. Il résulte toutefois de l'instruction que l'Institut Coopératif du Vin n'a pas sollicité le remboursement immédiat de sa créance, comme le lui permettaient les dispositions du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, ni manifesté son intention d'en bénéficier. Il a en revanche, en application du I de ce même article, utilisé sa créance de crédit d'impôt recherche pour le paiement de l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2020, étant précisé qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'imputation de sa créance sur les exercices précédents aurait été possible. Contrairement à ce que soutient le ministre en défense, les dispositions du II de l'article 199 ter B du code général des impôts, qui instituent un droit au remboursement immédiat en faveur des entreprises qu'elles visent, ne font pas obligation à ces dernières d'en faire usage. Il était donc loisible à l'Institut Coopératif du Vin de se placer dans le cas prévu par les dispositions du I de l'article 199 ter B du code général des impôts et de ne solliciter le remboursement de sa créance qu'à l'expiration d'une période d'imputation quadriennale. Le délai pour obtenir le remboursement de sa créance courait par suite à compter de la liquidation de l'impôt sur les sociétés dû par l'Institut Coopératif du Vin au titre de l'exercice clos en 2020, intervenue à une date non précisée et au plus tard le 15 novembre 2020. Il s'ensuit que sa demande de remboursement de crédit d'impôt recherche, présentée en application du I de l'article 199 ter B du code général des impôts le 16 décembre 2020, n'était pas tardive.

7. Il résulte de ce qui précède que c'est à tort que le tribunal administratif de Montpellier a rejeté la demande de l'Institut Coopératif du Vin comme étant irrecevable. Le jugement attaqué doit, en conséquence, être annulé.

8. Il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions tendant à la restitution des créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation à raison de dépenses engagées en 2016 par l'Institut Coopératif du Vin.

Sur les conclusions à fin de restitution :

En ce qui concerne l'étendue du litige :

9. L'Institut Coopératif du Vin ayant imputé, au titre du crédit d'impôt recherche dont il disposait à raison de dépenses engagées en 2016, la somme de 2 127 euros sur l'impôt sur les sociétés dû au titre de l'exercice clos en 2020, sa demande de restitution de crédit d'impôt est, à concurrence d'un tel montant, irrecevable.

En ce qui concerne le surplus de la demande en restitution :

10. Il résulte des motifs exposés aux points 5 et 6 que la demande tendant au remboursement des créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation dont l'Institut Coopératif du Vin disposait à raison de dépenses engagées en 2016, présentée les 10 novembre et 16 décembre 2020, en application du I de l'article 199 ter B du code général des impôts, n'était pas tardive et ne pouvait, par voie de conséquence, lui être refusée pour ce motif. L'Institut Coopératif du Vin était, dès lors, fondé à solliciter le remboursement de ses créances de crédit d'impôt, à hauteur de 56 356 euros.

11. Il résulte de tout ce qui précède que l'Institut Coopératif du Vin est seulement fondé à demander la restitution des créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt innovation à raison de dépenses engagées au titre de l'année 2016 à hauteur de 56 356 euros.

Sur les frais liés au litige :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État, partie perdante pour l'essentiel dans la présente instance, la somme de 1 500 euros à verser à l'Institut Coopératif du Vin au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 2109311 du tribunal administratif de Montpellier est annulé en tant qu'il a rejeté la demande de remboursement de l'Institut Coopératif du Vin à hauteur de 56 356 euros.

Article 2 : Il est accordé à l'Institut Coopératif du Vin le remboursement de ses créances de crédit d'impôt recherche et de crédit d'impôt d'innovation pour un montant total de 56 356 euros au titre de l'année 2016.

Article 3 : L'État versera à l'Institut Coopératif du Vin la somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à l'union de sociétés coopératives agricoles Institut Coopératif du Vin et au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique.

Copie en sera adressée à la direction de contrôle fiscal Occitanie.

Délibéré après l'audience du 22 mai 2025, à laquelle siégeaient :

M. Rey-Bèthbéder, président,

M. Lafon, président-assesseur,

Mme Chalbos, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 juin 2025.

La rapporteure,

C. Chalbos

Le président,

É. Rey-Bèthbéder

Le greffier,

F. Kinach

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

2

N° 23TL02231


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de TOULOUSE
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23TL02231
Date de la décision : 05/06/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Règles de procédure contentieuse spéciales - Réclamations au directeur - Délai.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières - Bénéfices industriels et commerciaux - Calcul de l'impôt.


Composition du Tribunal
Président : M. Rey-Bèthbéder
Rapporteur ?: Mme Camille Chalbos
Rapporteur public ?: Mme Fougères
Avocat(s) : QUENTIN

Origine de la décision
Date de l'import : 08/06/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-06-05;23tl02231 ?
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