Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. F..., et M. A... C... ont demandé au tribunal administratif de Montpellier, par deux demandes distinctes, l'annulation de la décision du 23 septembre 2024 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie a homologué le document unilatéral, présenté le 10 septembre 2024, fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems.
Par un jugement n° 2406706 et 2406707 du 28 janvier 2025, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
I. Par une requête, enregistrée au greffe de la cour le 27 mars 2025, sous le n° 25TL00649, un mémoire en réplique du 19 mai 2025, et un mémoire non communiqué du 4 juin 2025, M. A... C..., représenté par Me Chazot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2025 ;
2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2024 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat à son profit la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur entachant la décision d'homologation quant à la détermination des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement ; à cet égard, il n'a pas répondu à son moyen tiré de ce qu'un autre salarié, M. B..., exerçait les mêmes fonctions que les siennes ainsi que celles de M. D..., et qu'ils devaient donc relever de la même catégorie professionnelle ; le tribunal, qui s'est seulement fondé sur les missions attribuées par les " textes applicables " dans l'entreprise aux salariés relevant de différentes catégories professionnelles et sur la formation permettant de prétendre relever de ces mêmes catégories n'a pas répondu à son moyen, ce qui entache son jugement d'irrégularité ;
- en ce qui concerne le bien-fondé de la décision du 23 septembre 2024 d' homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi : l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions similaires, supposant une formation professionnelle commune et ne nécessitant pas une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation, relèvent de la même catégorie professionnelle ; la notion de " fonctions de même nature " ne renvoie pas à une identité de poste ni à un statut, mais à des fonctions présentant des degrés de responsabilité similaires et nécessitant un bagage de connaissances professionnelles communes ; cette notion doit être appréciée au regard de l'emploi réellement occupé et non de la fonction pour laquelle le salarié a été engagé, ou de sa qualification conventionnelle ; l'administration doit vérifier l'application correcte par le plan des catégories professionnelles, l'élaboration de ces catégories devant reposer sur une logique de compétences professionnelles et non sur une logique fondée sur d'autres considérations telles que l'organisation de l'entreprise, l'ancienneté des intéressés sur le poste, et apprécier le fait de savoir si des catégories professionnelles auraient été déterminées par l'employeur dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée ; une définition trop restrictive des catégories professionnelles a pour effet de rendre inapplicables ou de restreindre les critères d'ordre des licenciements ; les catégories professionnelles doivent être suffisamment larges de manière à ne pas conduire à identifier par avance les salariés dont le poste sera supprimé ;
- en l'espèce, l'administration n'a pas opéré une juste appréciation de la définition retenue par l'employeur des catégories professionnelles dans le cadre du document unilatéral soumis à son analyse dès lors plusieurs éléments établissaient que M. C..., M. D... et M. B..., ingénieurs, exerçaient en réalité les mêmes fonctions et n'auraient donc pas dû figurer dans des catégories professionnelles distinctes ; en effet, ils étaient, ainsi qu'un quatrième salarié, également ingénieur, tous affectés au "'Pôle Design°",; ils exerçaient des fonctions similaires, leurs fiches de poste détaillant la nature de leurs fonctions, qui étaient identiques au mot près ; seul l'intitulé de leurs postes était différent ; aucune formation de base spécifique ou formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation n'était nécessaire aux salariés pour assurer les fonctions des autres ; la cour retiendra l'identité des fonctions de ces salariés, pourtant classés par le plan de sauvegarde de l'emploi dans des catégories professionnelles différentes et qu'ils étaient donc permutables ; il apparaît que les salariés précités exerçaient les mêmes fonctions ; or l'employeur, dans le document unilatéral soumis à homologation, a scindé leurs fonctions en deux catégories professionnelles distinctes ; cette classification a permis à M. B... ne pas faire l'objet d'un licenciement ; or si une seule catégorie professionnelle avait été constituée afin de regrouper les fonctions interchangeables de "'power electronic designer confirmé'" et de "'power electronic designer'", M. B... aurait été le premier concerné par la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il justifie d'une ancienneté moins importante, de l'absence de charges de famille et d'un âge moins important.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2025, la ministre du travail, de la santé des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2025, et un mémoire du 4 juin 2025 non communiqué, la société Intelligent Electronic Systems, représentée par Me Brassart, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. C... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour déterminer l'affectation individuelle des salariés dans les catégories professionnelles, la contestation sur ce point devant être portée devant le conseil des prud'hommes ;
-subsidiairement, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
II. Par une requête, enregistrée le 27 mars 2025 sous le n° 25T00650, un mémoire en réplique du 19 mai 2025, un mémoire non communiqué du 4 juin 2025 M. F..., représenté par Me Chazot, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement du 28 janvier 2025 ;
2°) d'annuler la décision du 23 septembre 2024 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat à son profit, la somme de 3000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
-le jugement est entaché d'irrégularité dès lors qu'il a insuffisamment motivé sa réponse au moyen tiré de l'erreur entachant la décision d'homologation quant à la détermination des catégories professionnelles concernées par le projet de licenciement ; à cet égard, il n'a pas répondu à son moyen tiré de ce qu'un autre salarié, M. B..., exerçait les mêmes fonctions que les siennes et celles de M. C..., et qu'ils devaient donc relever de la même catégorie professionnelle ; le tribunal, qui s'est seulement fondé sur les missions attribuées par les " textes applicables " dans l'entreprise aux salariés relevant de différentes catégories professionnelles et sur la formation permettant de prétendre relever de ces mêmes catégories n'a pas répondu à son moyen, ce qui entache son jugement d'irrégularité ;
- en ce qui concerne le bien-fondé de la décision du 23 septembre 2024 d' homologation du document unilatéral portant plan de sauvegarde de l'emploi : l'ensemble des salariés qui exercent au sein de l'entreprise des fonctions similaires, supposant une formation professionnelle commune et ne nécessitant pas une formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation, relèvent de la même catégorie professionnelle ; la notion de " fonctions de même nature " ne renvoie pas à une identité de poste ni à un statut, mais à des fonctions présentant des degrés de responsabilité similaires et nécessitant un bagage de connaissances professionnelles communes ; cette notion doit être appréciée au regard de l'emploi réellement occupé et non de la fonction pour laquelle le salarié a été engagé, ou de sa qualification conventionnelle ; l'administration doit vérifier l'application correcte par le plan des catégories professionnelles, l'élaboration de ces catégories devant reposer sur une logique de compétences professionnelles et non sur une logique fondée sur d'autres considérations telles que l'organisation de l'entreprise, l'ancienneté des intéressés sur le poste, et apprécier le fait de savoir si des catégories professionnelles auraient été déterminées par l'employeur dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée ; une définition trop restrictive des catégories professionnelles aurait pour effet de rendre inapplicables ou de restreindre les critères d'ordre des licenciements ; les catégories professionnelles doivent être suffisamment larges de manière à ne pas conduire à identifier par avance les salariés dont le poste sera supprimé ;
- en l'espèce, l'administration n'a pas opéré une juste appréciation de la définition retenue par l'employeur des catégories professionnelles dans le cadre du document unilatéral soumis à son analyse plusieurs éléments établissaient que M. C..., M. D... et M. B..., ingénieurs, exerçaient en réalité les mêmes fonctions et n'auraient donc pas dû figurer dans des catégories professionnelles distinctes ; en effet, ils étaient, ainsi qu'un quatrième salarié, également ingénieur, tous affectés au "'Pôle Design°" ; ils exerçaient des fonctions similaires, leurs fiches de poste détaillant la nature de leurs fonctions, qui étaient identiques au mot près, seul l'intitulé de leurs postes était différent ; aucune formation de base spécifique ou formation complémentaire excédant l'obligation d'adaptation n'était nécessaire aux salariés pour assurer les fonctions des autres ; la cour retiendra l'identité des fonctions de ces salariés, pourtant classés par le plan de sauvegarde de l'emploi dans des catégories professionnelles différentes ; les fiches des postes occupés par M. D... et M. B..., indiquaient, pour chacun d'entre eux, que leurs fonctions pouvaient être occupées par les deux autres salariés ; il apparaît que les salariés précités exerçaient les mêmes fonctions ; or l'employeur, dans le document unilatéral soumis à homologation, a scindé leurs fonctions en deux catégories professionnelles ; cette classification a permis à M. B... ne pas faire l'objet d'un licenciement ; or si une seule catégorie professionnelle avait été constituée afin de regrouper les fonctions interchangeables de "'power electronic designer confirmé'" et de "'power electronic designer'", M. B... aurait été le premier concerné par la rupture de son contrat de travail dès lors qu'il justifie d'une ancienneté moins importante, de l'absence de charges de famille et d'un âge moins important.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 avril 2025, la ministre du travail, de la santé des solidarités et des familles conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens de la requête ne sont pas fondés.
Par un mémoire en défense, enregistré le 2 mai 2025, et un mémoire du 4 juin 2025 non communiqué, la société Intelligent Electronic Systems, représentée par Me Brassart, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. D... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative n'est pas compétente pour déterminer l'affectation individuelle des salariés dans les catégories professionnelles, la contestation sur ce point devant être portée devant le conseil des prud'hommes ;
- subsidiairement, aucun des moyens de la requête n'est fondé.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bentolila, président-assesseur,
- les conclusions de Mme Perrin, rapporteure publique
- et les observations de Me Chazot pour MM. C... et D... et de Me Nesry substituant Me Brassart pour la société Intelligent Electronic Systems.
Considérant ce qui suit :
1. Le 28 août 2024, la société Intelligent Electronic Systems, spécialisée dans la conception, la fabrication et la commercialisation de dispositifs de recharges pour véhicules électriques, a adressé au directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie une demande d'homologation d'un document unilatéral, valant plan de sauvegarde de l'emploi, prévoyant la rupture de 44 contrats de travail dont 35 suppressions de postes et 9 modifications de contrats. Cette demande a été remplacée par une seconde demande d'homologation déposée le 10 septembre 2024 pour tenir compte de la nouvelle grille de classification de la convention collective de la métallurgie applicable depuis janvier 2024.
2. Par une décision du 23 septembre 2024, le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie a homologué le document unilatéral présenté le 10 septembre 2024. Par un jugement n° 2406706 et 2406707 du 28 janvier 2025, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté les demandes de M. D... et de M. C..., salariés de la société Intelligent Electronic Systems, tendant à l'annulation de cette décision du 23 septembre 2024.
3. M. D... et M. C..., par deux requêtes distinctes, relèvent appel du jugement du 28 janvier 2025.
4. Les requêtes n° 25TL00649 et 25TL00650 sont dirigées contre le même jugement et contre la même décision. Il y a lieu de les joindre pour y statuer par un seul arrêt.
Sur l'exception d'incompétence de la juridiction administrative opposée par la société Intelligent Electronic Systems :
5. Aux termes de l'article L. 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social économique (...) ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; (...) ".
6. L'article L. 1233-57-3 du même code prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ".
7. Les requêtes de M. D... et de M. C... tendent à l'annulation pour excès de pouvoir de la décision du 23 septembre 2024 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie a homologué le document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems. En vertu des dispositions précitées du code du travail, l'homologation de ce plan nécessite, notamment, de contrôler la définition des " catégories professionnelles concernées " par ce plan. Il s'ensuit que la pertinence de cette définition est au nombre des éléments qui conditionnent la légalité de la décision d'homologation du plan de sauvegarde de l'emploi, laquelle a une nature administrative. Dans ces conditions, il appartient à la juridiction administrative de se prononcer sur le moyen, soulevé par M. C... et M. D..., tiré de ce que l'administration aurait mal apprécié la définition des catégories professionnelles contenues dans le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems. Enfin, un tel moyen ne conduit pas la juridiction administrative à exercer un contrôle, qui relève de la compétence du juge judiciaire, de la pertinence de la classification dont les salariés font individuellement l'objet au sein des catégories socioprofessionnelles une fois celles-ci préalablement définies.
Sur la légalité de la décision du 23 septembre 2024 d'homologation du document unilatéral fixant le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems :
8. Aux termes de l'article L. 1233-61 du code du travail : " Dans les entreprises d'au moins cinquante salariés, lorsque le projet de licenciement concerne au moins dix salariés dans une même période de trente jours, l'employeur établit et met en œuvre un plan de sauvegarde de l'emploi pour éviter les licenciements ou en limiter le nombre. / Ce plan intègre un plan de reclassement visant à faciliter le reclassement sur le territoire national des salariés dont le licenciement ne pourrait être évité, notamment celui des salariés âgés ou présentant des caractéristiques sociales ou de qualification rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile (...) ". Aux termes de l'article L. 1233-62 du même code : " Le plan de sauvegarde de l'emploi prévoit des mesures telles que : / 1° Des actions en vue du reclassement interne sur le territoire national, des salariés sur des emplois relevant de la même catégorie d'emplois ou équivalents à ceux qu'ils occupent ou, sous réserve de l'accord exprès des salariés concernés, sur des emplois de catégorie inférieure ; / 1° bis Des actions favorisant la reprise de tout ou partie des activités en vue d'éviter la fermeture d'un ou de plusieurs établissements ; / 2° Des créations d'activités nouvelles par l'entreprise ; / 3° Des actions favorisant le reclassement externe à l'entreprise, notamment par le soutien à la réactivation du bassin d'emploi ; / 4° Des actions de soutien à la création d'activités nouvelles ou à la reprise d'activités existantes par les salariés ; / 5° Des actions de formation, de validation des acquis de l'expérience ou de reconversion de nature à faciliter le reclassement interne ou externe des salariés sur des emplois équivalents ; / 6° Des mesures de réduction ou d'aménagement du temps de travail ainsi que des mesures de réduction du volume des heures supplémentaires réalisées de manière régulière lorsque ce volume montre que l'organisation du travail de l'entreprise est établie sur la base d'une durée collective manifestement supérieure à trente-cinq heures hebdomadaires ou 1 600 heures par an et que sa réduction pourrait préserver tout ou partie des emplois dont la suppression est envisagée ". Aux termes de l'article L. 1233-24-4 de ce code : " A défaut d'accord mentionné à l'article L. 1233-24-1, un document élaboré par l'employeur après la dernière réunion du comité social et économique fixe le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi et précise les éléments prévus aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, dans le cadre des dispositions légales et conventionnelles en vigueur. ". Aux termes de l'article L. 1233-57-3 du code du travail : " En l'absence d'accord collectif ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2, la régularité de la procédure d'information et de consultation du comité social et économique, et le respect, le cas échéant, des obligations prévues aux articles L. 1233-57-9 à L. 1233-57-16, L. 1233-57-19 et L. 1233-57-20 et le respect par le plan de sauvegarde de l'emploi des articles L. 1233-61 à L. 1233-63 en fonction des critères suivants : / 1° Les moyens dont disposent l'entreprise, l'unité économique et sociale et le groupe ; / 2° Les mesures d'accompagnement prévues au regard de l'importance du projet de licenciement ; / 3° Les efforts de formation et d'adaptation tels que mentionnés aux articles L. 1233-4 et L. 6321-1. Elle s'assure que l'employeur a prévu le recours au contrat de sécurisation professionnelle mentionné à l'article L. 1233-65 ou la mise en place du congé de reclassement mentionné à l'article L. 1233-71. "
9. Aux termes de l'article 1233-24-2 du code du travail : " L'accord collectif mentionné à l'article L. 1233-24-1 porte sur le contenu du plan de sauvegarde de l'emploi mentionné aux articles L. 1233-61 à L. 1233-63. / Il peut également porter sur : / 1° Les modalités d'information et de consultation du comité social économique (...) ; / 2° La pondération et le périmètre d'application des critères d'ordre des licenciements mentionnés à l'article L. 1233-5 ; / 3° Le calendrier des licenciements ; / 4° Le nombre de suppressions d'emploi et les catégories professionnelles concernées ; (...) ". L'article 1233-57-3 du même code prévoit qu'en l'absence d'accord collectif, ou en cas d'accord ne portant pas sur l'ensemble des points mentionnés aux 1° à 5° : " (...) l'autorité administrative homologue le document élaboré par l'employeur mentionné à l'article L. 1233-24-4, après avoir vérifié la conformité de son contenu aux dispositions législatives et aux stipulations conventionnelles relatives aux éléments mentionnés aux 1° à 5° de l'article L. 1233-24-2 (...) ".
10. Aux termes de l'article L. 1233-5 du code du travail : " Lorsque l'employeur procède à un licenciement collectif pour motif économique et en l'absence de convention ou accord collectif applicable, il définit les critères retenus pour fixer l'ordre des licenciements, après consultation du comité social et économique. / Ces critères prennent notamment en compte : / 1°Les charges de famille, en particulier celles de parents isolés : 2°/ L'ancienneté de service dans l'établissement ou l'entreprise ; 3°/ La situation des salariés qui présentent des caractéristiques sociales rendant leur réinsertion professionnelle particulièrement difficile, notamment celle des personnes handicapées et des salariés âgés ; / 4° Les qualités professionnelles appréciées par catégorie. / L'employeur peut privilégier un de ces critères, à condition de tenir compte de l'ensemble des autres critères prévus au présent article. / Le périmètre d'application des critères d'ordres des licenciements peut être fixé par un accord collectif. / En l'absence d'un tel accord, ce périmètre ne peut être inférieur à celui de chaque zone d'emploi dans laquelle sont situés un ou plusieurs établissements de l'entreprise concernés par les suppressions d'emploi. / Les conditions d'application de l'avant-dernier alinéa du présent article sont définies par décret ".
11. En vertu des dispositions précitées, et ainsi qu'il a été dit au point 7, il appartient à l'administration, lorsqu'elle est saisie d'une demande d'homologation d'un document qui fixe les catégories professionnelles mentionnées au 4° de l'article L. 1233-24-2, de s'assurer, au vu de l'ensemble des éléments qui lui sont soumis, notamment des échanges avec le comité social et économique au cours de la procédure d'information et de consultation ainsi que des justifications qu'il appartient à l'employeur de fournir, que ces catégories regroupent, en tenant compte des acquis de l'expérience professionnelle qui excèdent l'obligation d'adaptation qui incombe à l'employeur, l'ensemble des salariés qui exercent, au sein de l'entreprise, des fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune. Au terme de cet examen, l'administration refuse l'homologation demandée s'il apparaît que les catégories professionnelles concernées par le licenciement ont été déterminées par l'employeur en se fondant sur des considérations, telles que l'organisation de l'entreprise ou l'ancienneté des intéressés, qui sont étrangères à celles qui permettent de regrouper, compte tenu des acquis de l'expérience professionnelle, les salariés par fonctions de même nature supposant une formation professionnelle commune, ou s'il apparaît qu'une ou plusieurs catégories ont été définies dans le but de permettre le licenciement de certains salariés pour un motif inhérent à leur personne ou en raison de leur affectation sur un emploi ou dans un service dont la suppression est recherchée.
12. Il ressort des pièces du dossier que le directeur régional du travail, constatant que la société Intelligent Electronic Systems avait produit un tableau des seules catégories professionnelles concernées par le plan, a invité cette dernière, le 29 juillet 2024, à lui communiquer un document détaillant les catégories professionnelles rassemblant l'ensemble de ses effectifs. Le 9 août 2024, la société a adressé au directeur régional du travail un document intitulé " tableau détaillant les catégories professionnelles pour l'ensemble de la société avec justification des spécificités nécessitant la création de chaque catégorie ". Il est constant que MM. C... et Nenone ont été classés dans la catégorie " Ingénieur électronique niv(eau) 2 " à laquelle correspondent quatre postes au sein de la société. Le plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems prévoit la suppression de trois de ces postes et la requalification du quatrième restant.
13. MM. C... et D... font valoir que la distinction opérée entre la catégorie " Ingénieur électronique niv(eau) 2 " et celle " Ingénieur électronique niv(eau) 1 ", cette dernière n'étant pas concernée par le plan de sauvegarde de l'emploi, n'est pas pertinente dès lors que ces deux catégories correspondent à des fonctions de même nature, reposant sur une formation professionnelle commune.
14. Il ressort des pièces du dossier, et notamment du tableau produit par la société, que la catégorie " Ingénieur électronique niv(eau) 1 ", dans laquelle a été rangé M. B..., correspond à des missions consistant à " Concevoir les convertisseurs de puissance (ACDC et DCDC) " identiques, de ce point de vue, avec celles de la catégorie " Ingénieur électronique niv(eau) 2 ". La rubrique " Intitulés Fiche de paie " figurant dans le tableau indique, pour la catégorie " Ingénieur électronique niv(eau) 1 ", "'Ingénieur Power Module " et, pour la catégorie d'" Ingénieur électronique niv(eau) 2 ", " responsable pôle Vie Série / Ingénieur design " sans que ces éléments permettent, à eux seuls, d'établir une différence de nature entre ces emplois. A la rubrique " spécificité justifiant la création d'une catégorie professionnelle (pas interchangeable) ", le tableau détaille les tâches des ingénieurs électroniques de niveau 2 comme impliquant la réalisation d'analyses complexes sur des produits existants, la conception de nouveaux convertisseurs innovants impliquant un travail théorique de l'ordre de 80 % environ et une démarche de mise au point expérimentale pour le reste. Quant aux tâches des ingénieurs de niveau 1, elles consistent à favoriser des évolutions mineures à majeures sur les convertisseurs électroniques de puissance, à mettre en œuvre des compétences théoriques de l'ordre de 40 % et une démarche expérimentale de mise au point pour le reste.
15. Il est vrai que le tableau désignant les catégories socio-professionnelles au sein de la société précisait que les postes d'ingénieur électronique de niveau 2 impliquaient un " niveau bac + 5 " et dix ans d'expérience dans la conception d'électronique de puissance, tandis que les emplois de la catégorie ingénieur de niveau 1 sont occupés par des non-ingénieurs assimilés cadres. Toutefois, il convient de relever que, dans l'organigramme de la société, MM. C..., D... et B... étaient tous les trois désignés comme " ingénieurs " et affectés au "'Pôle Design ". Ensuite, et surtout, il ressort des fiches de poste nominatives, signées et datées des 20 septembre 2020, 8 mars et 20 décembre 2022, que MM. C..., D... et B..., exerçaient, bien que les intitulés des postes y figurant étaient respectivement " Ingénieur Design ", " Ingénieur Design confirmé " et " Ingénieur Design Power Modules ", des fonctions identiques, au moins en ce qui concerne M. C... et M. B..., ce dernier n'étant pourtant pas, ainsi qu'il a été dit, concerné par le plan de sauvegarde de l'emploi. En outre, les trois salariés en cause étaient désignés, dans leurs fiches de poste, comme ayant le même niveau de responsabilité hiérarchique, à savoir de " responsable développement modules de puissance et chargeurs embarqués ". Enfin, si le contenu des missions confiées à MM. B... et D... n'était pas rigoureusement identique, aucun élément au dossier ne permet d'estimer qu'elles n'étaient pas de même nature et ne reposaient pas sur une formation professionnelle commune.
16. Si, comme relevé au point 14, le document intitulé " tableau détaillant les catégories professionnelles pour l'ensemble de la société avec justification des spécificités nécessitant la création de chaque catégorie " indique que la fonction d'ingénieur de niveau 2 comprend un travail théorique plus important que celui attendu d'un ingénieur de niveau 1 et exige un niveau de diplôme supérieur, il n'en reste pas moins qu'au vu des considérations qui précèdent, les tâches accomplies par les salariés appartenant à ces deux catégories doivent être regardées comme présentant une même nature. Pour le contester, la société Intelligent Electronic Systems produit en appel des fiches de poste dont elle soutient qu'elles auraient été actualisées en 2024. Toutefois, ces fiches de postes, qui ne sont ni nominatives ni datées ni signées, ne sont pas suffisamment probantes pour permettre d'estimer que les deux catégories précitées incluraient des fonctions essentiellement différentes.
17. Il résulte de ce qui précède que M. C... et M. D... sont fondés à soutenir que la distinction entre les catégories " Ingénieur électronique niv(eau) 1 " et " Ingénieur électronique niv(eau) 2 ", qui a servi de base au périmètre des licenciements, n'était pas pertinente, ce qui entache d'illégalité la décision du 23 septembre 2024 par laquelle l'administration a homologué le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems.
18. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner le moyen tiré de l'irrégularité du jugement attaqué, que M. C... et M. D... sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Montpellier a rejeté leur demande d'annulation de cette décision du 23 septembre 2024.
Sur les frais liés au litige :
19. Il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative en mettant à la charge de l'Etat, partie perdante, la somme de 1 500 euros au profit de M. C... et la même somme de 1 500 euros au profit de M. D... au titre des frais, non compris dans les dépens, exposés par ces derniers.
20. Les appelants n'étant pas parties perdantes à l'instance, les conclusions présentées à leur encontre par la société Intelligent Electronic Systems au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2406706 et 2406707 du 28 janvier 2025 du tribunal administratif de Montpellier et la décision du 23 septembre 2024 par laquelle le directeur régional des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi de la région Occitanie a homologué le document unilatéral valant plan de sauvegarde de l'emploi de la société Intelligent Electronic Systems sont annulés.
Article 2 : L'Etat versera la somme de 1 500 euros à M. C... et la somme de 1 500 euros à M. D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les conclusions présentées par la société Intelligent Electronic Systems au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... C..., à M. F..., à la société Intelligent Electronic Systems et à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles.
Délibéré après l'audience du 10 juin 2025 à laquelle siégeaient :
M. Faïck, président,
M. Bentolila, président-assesseur,
Mme Beltrami, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 24 juin 2025.
Le rapporteur,
P. Bentolila
Le président,
F. Faïck
La greffière,
C. Lanoux
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé, des solidarités et des familles en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision
N°s 25TL00649 et 25TL00650 2