Vu la requête, enregistrée le 17 janvier 2005 par télécopie et le 19 janvier 2005 en original, présentée par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0408062 du 22 octobre 2004 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé son arrêté du
20 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Jean Nicaise Y monty ;
2°) de rejeter la demande présentée par M. Y monty devant le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise ;
Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière du 20 octobre 2004
ne méconnaît pas les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le jugement et l'arrêté attaqués ;
Vu le mémoire en défense, enregistré le 15 février 2005, présenté pour M. Y monty par Me Ngadomane ; M. Y monty conclut :
1°) au rejet de la requête du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ;
2°) à ce qu'il soit enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de lui délivrer sous astreinte de 150 € par jour de retard une carte de séjour temporaire avec mention vie privée et familiales , ou subsidiairement de réexaminer sa situation ;
3°) de condamner l'Etat à lui payer la somme de 3 000 € sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que l'arrêté de reconduite à la frontière du 20 octobre 2004 est entaché d'un vice de forme, d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ; qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il entre dans la champ de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu le mémoire, enregistré le 21 mars 2005, présenté par le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS ; il conclut aux mêmes fins que sa requête par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que le signataire de l'arrêté disposait d'une délégation de signature régulièrement publiée ; que le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation n'est pas fondé ; que la décision ne viole pas l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu le mémoire, enregistré le 7 avril 2005, présenté pour M. Y ; il conclut aux mêmes fins par les mêmes moyens ;
Il soutient, en outre, que l'appel du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS est tardif ; qu'il peut prétendre à la délivrance de plein droit d'un titre de séjour sur le fondement de l'article 12 bis 6° de l'ordonnance du 2 novembre 1945 ;
Vu la décision du Président de la Cour administrative d'appel de Versailles, en date du 3 janvier 2005, donnant délégation à M. Bresse pour l'exercice des pouvoirs qui lui sont conférés par l'article R. 776-19 du code de justice administrative ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 12 avril 2005 :
- le rapport de M. Bresse, magistrat délégué ;
- les observations de Me Ngandomane pour M. Y monty ;
- et les conclusions de Mme Barnaba, commissaire du gouvernement ;
Sur la fin de non recevoir opposée par M. Y monty :
Considérant que l'appel du PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS, enregistré au greffe de la Cour le 17 janvier 2005 par télécopie et en original le 19 janvier 2005, contre le jugement n° 0408062 en date du 22 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise qui lui avait été notifié le 21 décembre 2004 a été formé dans le délai d'appel d'un mois ; que cet appel a été formé à bon droit devant la Cour administrative d'appel de Versailles territorialement compétente, en application de l'article 7 du décret n° 2004-789 du 29 juillet 2004 susvisé ; qu'ainsi, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la requête du PREFET DE LA SEINE-DENIS est tardive pour n'avoir pas été enregistrée au greffe du Conseil d'Etat dans le délai d'appel ;
Sur le fond :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants (...) : 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. Jean Nicaise Y monty, de nationalité camerounaise, s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa qui expirait le 5 juillet 2004 ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ;
Considérant que pour annuler, en ce qu'il serait contraire à l'article 8 de la convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'arrêté préfectoral pris à l'encontre de M. Y monty, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a relevé qu'il est entré en France en mai 2004 pour retrouver la mère de son enfant, né en 1996, lesquels avaient quitté précipitamment le Cameroun en raison de pressions familiales et ont acquis postérieurement la nationalité française, que la mère de son enfant est séparée définitivement de son époux de nationalité française depuis le mois de février 2004, leur divorce étant en cours, qu'elle était enceinte de ses oeuvres et qu'ils vivaient ensemble depuis son entrée en France ; que toutefois, il n'est établi par aucun document ni que M. Z serait le père de l'enfant né en 1996 qui a été reconnu par le mari de la mère, ni qu'il vive maritalement avec la mère de ce dernier depuis son arrivée en France ; que dans ces conditions, et compte tenu de la brièveté du séjour en France de l'intéressé le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS soutient à bon droit que c'est à tort que le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise s'est fondé sur la méconnaissance des dispositions de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour annuler l'arrêté litigieux ;
Considérant toutefois qu'il y a lieu, en vertu de l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens présentés par M. Y monty à l'appui de sa demande d'annulation tant en première instance que devant la Cour ;
Considérant, en premier lieu, que, par arrêté du 17 mai 2004, publié au bulletin d'informations administratives du 26 mai 2004, le PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS a donné, en cas d'absence ou d'empêchement de Mme Dominique A, directeur des étrangers, délégation à M. Jean-Louis B, chef du bureau des mesures administratives pour signer notamment les arrêtés de reconduite à la frontière ; qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A n'aurait pas été absente ou empêchée ; qu'ainsi, le moyen tiré de l'incompétence de M. B pour introduire signer l'arrêté attaqué doit être écarté ;
Considérant, en second lieu, qu'aux termes de l'article 25 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Sous réserve des dispositions de l'article 26, ne peuvent faire l'objet d'un arrêté d'expulsion, en application de l'article 23 : 1° L'étranger ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an. (...) Ces mêmes étrangers ne peuvent faire l'objet d'une mesure de reconduite à la frontière en application de l'article 22 ; que l'article 12 bis de la même ordonnance dispose : Sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, la carte de séjour temporaire portant la mention vie privée et familiale est délivrée de plein droit : (...) 6° A l'étranger, ne vivant pas en état de polygamie, qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France à la condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins un an ... ;
Considérant, d'une part, que M. Y monty ne justifie par aucun document être le père de l'enfant né en 1996 qui a été reconnu par le mari de la mère ; que d'autre part, il résulte des termes mêmes des dispositions précitées qu'elles ne peuvent s'appliquer aux étrangers pères d'enfants français à naître ; que s'il fait valoir qu'il a reconnu l'enfant né le 15 janvier 2005, cette circonstance ne peut le faire regarder comme entrant, à la date de l'arrêté attaqué, dans le champ d'application de la disposition susmentionnée ; que la naissance d'un enfant français à une date postérieure à l'arrêté est seulement de nature à faire obstacle à l'exécution de l'arrêté de reconduite à la frontière pour autant que M. Y monty remplisse les conditions posées par le 1° de l'article 25 précité dans sa rédaction en vigueur ;
Considérant, en troisième lieu, qu'il ne résulte pas de l'instruction que l'arrêté attaqué serait entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que le PREFET DE SEINE-SAINT-DENIS est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 20 octobre 2004 décidant la reconduite à la frontière de M. Y monty ;
Sur les conclusions au fin d'injonction :
Considérant que le présent arrêt annulant le jugement en date du 22 octobre 2004 ayant annulé l'arrêté prononçant la reconduite à la frontière de M. Y monty n'appelle aucune mesure d'exécution ; que dès lors les conclusions de M. Y monty tendant à ce que soit enjoint au PREFET DE LA SEINE-SAINT-DENIS de lui délivrer un titre de séjour ou à titre subsidiaire de réexaminer sa situation ne peuvent qu'être rejetées ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'en vertu des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, la Cour ne peut pas faire bénéficier la partie tenue aux dépens ou la partie perdante du paiement par l'autre partie des frais qu'elle a exposés à l'occasion du litige soumis au juge ; que les conclusions tendant au remboursement des frais exposés présentées par M. Y monty doivent ,dès lors, être rejetées ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 0408062 en date du 22 octobre 2004 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise est annulé.
Article 2 : La demande présentée devant le tribunal administratif de Cergy-Pontoise par M. Jean Nicaise Y monty et ses conclusions présentées devant la Cour y compris celles tendant à l'application de l'article L 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
N°05VE00063
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