Vu la requête, enregistrée au greffe de la cour le 19 septembre 2005 en télécopie et le 21 septembre 2006 en original, présentée pour M. Molla X, demeurant chez M. Mama Y ..., par Me Le Guern ; M. X demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n°0501758 du 10 août 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 28 février 2005 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a décidé sa reconduite à la frontière et de la décision du même jour fixant le pays de destination de la reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté et cette décision pour excès de pouvoir ;
il soutient que l'arrêté attaqué est insuffisamment motivé ; que le préfet a commis une erreur manifeste d'appréciation de sa situation dans la mesure où il peut se voir attribuer la protection subsidiaire et qu'il compte demander la réouverture de son dossier auprès de l'office français de protection des réfugiés et apatrides ; que la mesure de reconduite est illégale en ce qu'elle viole l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales dès lors qu'il n'a plus aucune attache avec aucun autre pays que la France où il veut se marier et avoir une vie privée et familiale ; qu'il est bien intégré à la société française ; qu'en raison de son appartenance par son père à l'ethnie Dioula, sa foi religieuse et ses opinions politiques, il a fuit en 1999 la Côte d'Ivoire où règne à nouveau un climat de violences ; qu'ainsi la décision distincte fixant le pays de destination de la reconduite est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation quant aux conséquences pour sa vie et constitue à ce titre une violation des dispositions de l'article 3 de la convention ;
………………………………………………………………………………………
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu la loi n°52-893 du 25 juillet 1952 modifiée relative au droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 24 mars 2006 :
- le rapport de M. Bonhomme, magistrat délégué ;
- les observations orales de Me Le Guern ;
- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;
Sur la légalité externe de l'arrêté de reconduite :
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, de nationalité ivoirienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 19 décembre 2001, de la décision préfectorale du 27 novembre 2001 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant qu'il ressort des mentions de l'arrêté de reconduite à la frontière du 28 février 2005, lequel comporte l'indication des motifs de droit et de fait qui en constituent le fondement, que le préfet de la Seine-Saint-Denis a suffisamment motivé son arrêté ;
Sur la légalité interne de l'arrêté :
Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant que si M. X fait valoir qu'il a des projets matrimoniaux, il ressort des pièces du dossier qu'il est célibataire, sans enfants et qu'il n'est pas dépourvu de toute attache dans son pays d'origine ; que, compte tenu de l'ensemble des circonstances de l'espèce, et eu égard aux effets d'une mesure de reconduite à la frontière, l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 28 février 2005 n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a été pris ; qu'il n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant que la circonstance qu'il n'aurait jamais troublé l'ordre public et pourrait disposer d'une promesse d'embauche ne révèle pas que la décision attaquée serait entachée d'une erreur d'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle ;
Considérant, enfin, que le moyen tiré des risques encourus en cas de retour dans son pays d'origine est inopérant à l'encontre de l'arrêté de reconduite à la frontière qui ne fixe pas le pays de destination de la reconduite ;
Sur la légalité de la décision distincte fixant le pays de destination :
Considérant que l'arrêté de reconduite à la frontière de M. X doit être regardé comme fixant la Côte d'Ivoire comme pays de reconduite ; que si M. X fait valoir qu'il a dû fuir son pays d'origine en raison de ses origines ethniques, et de ses opinions religieuses et politiques et qu'il a subi de nombreuses menaces et violences tant en Côte d'Ivoire qu'au Mali où il s'était un temps réfugié, il se borne à faire état du climat d'insécurité général en Côte d'Ivoire sans préciser ni justifier les risques qu'il courrait personnellement en cas de retour dans son pays d'origine ; que, d'ailleurs, la demande d'admission au statut de réfugié faite par M. X a été rejetée par une décision de l'office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 octobre 2002 ; que, par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant la Côte d'Ivoire, pays dont il a la nationalité, comme pays de destination, méconnaît les stipulations de l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté ;
Considérant, au surplus, qu'il n'est pas contesté qu'à la date de l'intervention de l'arrêté ordonnant sa reconduite à la frontière, M. X n'avait pas présenté à l'office français de protection des réfugiés et apatrides une demande de réexamen ni sollicité l'asile au titre de la protection subsidiaire instituée par les dispositions de l'article 2 II 2° de la loi modifiée du 25 juillet 1952 ; que, par suite, dès lors qu'il n'établit pas être exposé à une menace grave, directe et individuelle contre sa vie ou sa personne en raison d'une violence généralisée résultant d'une situation de conflit armé interne ou international, le moyen tiré du fait que l'intéressé s'estimerait fondé à présenter une demande fondée sur les dispositions précitées est sans influence sur la légalité de la décision fixant le pays à destination duquel il doit être reconduit ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. X est rejetée.
N°05VE01781
2