Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour M. X, demeurant ..., par Me Garcia ;
Vu la requête, enregistrée le 18 décembre 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0103133 en date du 21 octobre 2003 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande en décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu, de contribution sociale généralisée et de contribution pour le remboursement de la dette sociale auxquelles il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, mises en recouvrement le 31 décembre 2000 ;
2°) de prononcer la décharge de demandée ;
3°) de condamner l'État à lui verser la somme de 2 287 € au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que le redressement de 38 620 F portant sur les salaires se l'année 1995 n'est pas fondé ; que cette somme était en effet comprise dans le montant de l'avantage en nature déclaré ; que, contrairement à ce que soutient le service, la vérification de comptabilité n'a pas révélé l'existence de sommes qui constituent des revenus distribués à son profit en application des articles 109-1-1° et 111 C du code général des impôts ; que, s'agissant des intérêts appliqués au compte courant dans la société, M. X conteste la position du service selon laquelle le compte aurait été débiteur la majeure partie de l'année ; que les tableaux récapitulant les sommes dues ne mentionnent pas le nombre de jours débiteurs ; que la mise à sa disposition d'une maison d'habitation par la société ne constitue pas un avantage occulte ; qu'en effet il a déclaré chaque année le montant de l'avantage en nature correspondant ; que pour un tiers de sa surface la maison est affectée à un usage professionnel ainsi qu'en atteste les nombreuses pièces jointes au dossier ; que la charge de la preuve incombe à l'administration ; que le pavillon était habité pour moitié par une tierce personne ; que la procédure est irrégulière ; qu'en effet, s'agissant de l'évaluation de l'avantage en nature, la notification de redressement est insuffisamment motivée ; qu'en n'indiquant pas l'adresse précise des biens retenus comme termes de comparaison le service ne l'a pas mis à même de présenter utilement ses observations ; que l'application des pénalités de mauvaise foi est contraire à l'article 6-1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la mauvaise foi n'est nullement établie ; que l'intérêt de retard aurait dû être substitué aux majorations de mauvaise foi ; que l'intérêt de retard présentant le caractère d'une pénalité, il y a lieu d'appliquer le taux d'intérêt légal ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 juin 2006 :
- le rapport de M. Blin, président-assesseur ;
- les observations de Me Garcia ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Considérant que M. X, président directeur général de la SA AM Immobilier, conteste les suppléments d'impôt sur le revenu mis à sa charge au titre des années 1995, 1996 et 1997 dans la catégorie des traitements et salaires et des revenus de capitaux mobiliers dans le cadre d'un contrôle sur pièces faisant suite à la vérification de comptabilité dont a fait l'objet la société AM Immobilier ;
Sur l'avantage en nature constitué par la mise à disposition d'une maison d'habitation :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : « L'administration adresse au contribuable une notification de redressement qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation… » ;
Considérant que, s'agissant du redressement relatif à la réintégration de l'avantage en nature à raison de la maison mise à la disposition de son dirigeant, l'administration a présenté dans la notification de redressement un tableau comportant, sur les années 1993 à 1997, le prix du loyer annuel au mètre carré de sept maisons situées dans la même commune en se bornant à indiquer le nom de la rue où sont situés ces immeubles sans en indiquer l'adresse exacte en précisant le numéro de rue ; que cette lacune a été de nature à priver le contribuable de la possibilité de formuler utilement ses observations ; que, par suite, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens relatifs à ce chef de redressement, M. X est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué en tant qu'il a statué sur ce point et à demander la décharge de la fraction des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997 résultant de la réintégration de l'avantage en nature consistant en la mise à disposition gratuite d'une maison ;
Sur les traitements et salaires de l'année 1995 :
Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. X a porté sur sa déclaration d'impôt sur le revenu de l'année 1995 la somme de 640 263 F de traitements et salaires, constituée de 318 600 F au titre de son salaire de dirigeant de société, 86 670 F au titre d'avantages en nature et 234 993 F au titre de son salaire de président-directeur général de la société AM Immobilier ; qu'il est constant que le salaire perçu par M. X en qualité de président-directeur général de la société AM Immobilier s'est élevé, non pas à 234 993 F, mais à 273 613 F pour l'année 1995 ; que M. X ne peut utilement soutenir que la différence entre ces deux sommes, soit 38 620 F, doit être regardée comme étant comprise dans l'avantage en nature de 86 670 F ; que, dès lors, c'est à bon droit que l'administration a réintégré la somme de 38 620 F dans les traitements et salaires de M. X au titre de l'année 1995 ;
Sur les intérêts non perçus sur le compte courant débiteur de M. X :
Considérant qu'aux termes de l'article 109 du code général des impôts : «1. Sont considérés comme revenus distribués :1° Tous les bénéfices ou produits qui ne sont pas mis en réserve ou incorporés au capital… » ; qu'aux termes de l'article 111 du code général des impôts : « sont notamment considérées comme revenus distribués :…c) les rémunérations et avantages occultes… » ;
Considérant qu'il résulte de l'instruction que le compte courant de M. X dans la société AM Immobilier était débiteur pour la plus grande partie des exercices 1995, 1996 et 1997 pour des sommes s'élevant de 11 162 F en mars 1995 à 957 298 F en juin 1997 ; que ce compte n'était régularisé que le dernier jour de chaque exercice de sorte que le compte devenait créditeur au bilan ; qu'ainsi, le compte courant de M. X a été crédité de 55 008 F le 31 décembre 1995 et de 29 171 464 F le 30 juin 1997 ; que si le requérant soutient que cette situation n'était pas régularisée le dernier jour de chaque exercice de manière à faire ressortir un compte courant créditeur au bilan, il ne présente aucune justification à l'appui de ce moyen ; qu'en ne percevant pas d'intérêts sur ce solde débiteur alors que M. X ne justifie d'aucune contrepartie au bénéfice de la société AM Immobilier, cette société doit être regardée comme ayant procédé à un abandon de recettes relevant d'un acte anormal de gestion ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a regardé ces sommes comme des revenus distribués au profit de M. X ;
Considérant que l'administration a évalué le montant de l'avantage résultant pour M. X de son compte débiteur sans intérêts en appliquant à chaque solde débiteur mensuel du compte courant les taux d'intérêt que la société a retenus par ailleurs pour la rémunération d'un autre compte courant et qui s'élèvent à 7,97 % pour 1995, 6,42 % pour 1996 et 6,04 % pour 1997 ; que, toutefois, M. X est fondé à soutenir que le calcul des intérêts sur son compte débiteur devait être effectué non pas sur des soldes mensuels mais sur des soldes débiteurs journaliers ; que le dossier ne permettant pas de déterminer le montant de ces soldes, il convient, avant dire droit sur les conclusions relatives à ce chef de redressement, d'ordonner un supplément d'instruction contradictoire aux fins de permettre à la Cour de connaître la moyenne annuelle des soldes débiteur journaliers des comptes courant de M. X au titre des exercices précités et le montant des intérêts qu'auraient dû produire des sommes ainsi prêtées à celui-ci ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant qu'aux termes de l'article 1727 du code général des impôts dans sa rédaction applicable en l'espèce : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. / Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. / Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. » ;
Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toute nature subis par l'Etat en raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que, dès lors, M. X n'est fondé ni à soutenir que l'application de l'intérêt de retard prévu à l'article 1727 du code général des impôts serait contraire à l'article 6.1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, ni à demander que les intérêts au taux légal soient substitués aux intérêts de retard qui ont été appliqués aux sommes en litige ;
Sur les pénalités de mauvaise foi :
Considérant qu'aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : « 1. Lorsque la déclaration ou l'acte mentionnés à l'article 1728 font apparaître une base d'imposition ou des éléments servant à la liquidation de l'impôt insuffisants, inexacts ou incomplets, le montant des droits mis à la charge du contribuable est assorti de l'intérêt de retard visé à l'article 1727 et d'une majoration de 40 p. 100 si la mauvaise foi de l'intéressé est établie ou de 80 p. 100 s'il s'est rendu coupable de manoeuvres frauduleuses ou d'abus de droits au sens de l'article L. 64 du livre des procédures fiscales… » ;
Considérant que les pénalités de mauvaise foi n'ont été appliquées qu'aux cotisations supplémentaires résultant de la réintégration de l'avantage en nature correspondant à la mise à disposition gratuite d'une maison d'habitation ; que ce chef de redressement faisant l'objet d'une décharge, M. X est fondé, par voie de conséquence, à demander la décharge des pénalités de mauvaise foi y afférentes ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées par M. X tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
DECIDE :
Article 1er : M. X est déchargé des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auquel il a été assujetti au titre des années 1995, 1996 et 1997, correspondant à la réintégration de l'avantage en nature résultant de la mise à disposition gratuite d'une maison d'habitation, ainsi que des pénalités y afférentes.
Article 2 : Le jugement du 21 octobre 2003 du Tribunal administratif de Versailles est annulé en ce qu'il a de contraire à l'article premier.
Article 3 : Avant dire droit sur les conclusions tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu résultant de la réintégration des intérêts sur le solde débiteur du compte courant de Monsieur X dans la société AM Immobilier, il sera procédé à un supplément d'instruction aux fins, pour les parties, d'indiquer à la Cour la moyenne annuelle des soldes débiteurs journaliers du compte courant de Monsieur X au cours des exercices 1995, 1996 et 1997. M. X et le ministre de l'économie des finances et de l'industrie devront communiquer ces informations à la Cour avant le 20 novembre 2006.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
Article 5 : Les conclusions de la requête tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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