Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n° 2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une cour administrative d'appel à Versailles et modifiant les articles R. 221-3, R. 221-4, R. 221-7 et R. 221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la SCI PARIS-MONTREUIL, dont le siège est 2, rue du Professeur André Lemière à Montreuil-sous-Bois (93100), par Me Zapf ;
Vu la requête, enregistrée le 27 juin 2003 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la SCI PARIS-MONTREUIL demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n°s 9910621-9910623-006584-0036172-021390, en date du 6 mai 2003, par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise lui a accordé une réduction, qu'elle estime insuffisante, des cotisations de taxe foncière sur les propriétés bâties auxquelles elle a été assujettie au titre des années 1997, 1998, 1999, 2000 et 2001 dans les rôles de la commune de Montreuil, à raison d'un local à usage d'hôtel-restaurant situé 2, rue du Professeur André Lemière ;
2°) de lui accorder la réduction des impositions restant en litige ;
3°) de condamner l'Etat à lui verser la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que la procédure d'évaluation de son local est irrégulière, dès lors que le terme de comparaison initialement retenu, le local-type n° 70 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Drancy, construit en 1972, n'existait pas à la date de référence du 1er janvier 1970 et que l'administration fiscale n'établit pas que ce local-type aurait été évalué par comparaison avec un autre local ayant fait l'objet d'une location à des conditions de prix normales à la date de référence ; que le local de référence ayant été évalué selon une méthode irrégulière au regard des dispositions de l'article 1498 du code général des impôts, il y a lieu pour la Cour de prononcer la décharge totale des impositions en cause, dans la limite du montant figurant dans ses demandes initiales, sans que puisse être substitué rétroactivement un autre local de référence, sauf à ce que soit méconnu le principe de sécurité juridique ; qu'ainsi, le Tribunal administratif a commis une erreur de droit en substituant, comme terme de comparaison, le local n° 94 du procès-verbal des évaluations foncières de la commune de Montreuil au local-type n° 70 initialement retenu par l'administration ; que la majoration de 40 % appliquée par les premiers juges au tarif unitaire du local-type n° 94 de Montreuil est injustifiée dès lors que, dans ce local, sont exploitées des activités de brasserie et de café-bar, à forte commercialité, qui ne sont pas exercées dans le local à évaluer et que le critère de la nature de l'activité ne fait pas partie de ceux visés par l'article 324 AA de l'annexe III au code général des impôts, qui définit les conditions d'ajustement de la valeur locative ; que le local à évaluer se situe dans une zone de commercialité médiocre ; que son emplacement, situé en limite de commune et hors agglomération, à proximité d'axes routiers importants, n'est pas plus favorable que celle du local de référence situé en centre-ville de Montreuil ; que le caractère récent d'une construction ne saurait justifier un ajustement de la valeur locative ; qu'ainsi, aucun ajustement à la hausse ne saurait être appliqué à la valeur locative unitaire du local-type n° 94 ; que, dans l'hypothèse où un tel ajustement était envisagé, il ne saurait s'élever à 40 % ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative, notamment son article L. 113-1 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 7 juillet 2006 :
- le rapport de M. Davesne, premier conseiller ;
- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes de l'article 1498 du code général des impôts, applicable à l'évaluation de la valeur locative des locaux commerciaux : « La valeur locative de tous les biens autres que les locaux d'habitation ou à usage professionnel visés au I de l'article 1496 et que les établissements industriels visés à l'article 1499 est déterminée au moyen de l'une des méthodes indiquées ci-après : 1° Pour les biens donnés en location à des conditions de prix normales, la valeur locative est celle qui ressort de cette location ; 2° a. Pour les biens loués à des conditions de prix anormales ou occupés par leur propriétaire, occupés par un tiers à un autre titre que la location, vacants ou concédés à titre gratuit, la valeur locative est déterminée par comparaison. Les termes de comparaison sont choisis dans la commune. Ils peuvent être choisis hors de la commune pour procéder à l'évaluation des immeubles d'un caractère particulier ou exceptionnel ; b. La valeur locative des termes de comparaison est arrêtée : soit en partant du bail en cours à la date de référence de la révision lorsque l'immeuble type était loué normalement à cette date ; soit, dans le cas contraire, par comparaison avec des immeubles similaires situés dans la commune ou dans une localité présentant, du point de vue économique, une situation analogue à celle de la commune en cause et qui faisaient l'objet à cette date de locations consenties à des conditions de prix normales ; 3° A défaut de ces bases, la valeur locative est déterminée par voie d'appréciation directe » ;
Sur la détermination de la valeur locative par comparaison :
Considérant que, pour déterminer la valeur locative de l'immeuble appartenant à la SCI PARIS-MONTREUIL, situé 2, rue du Professeur André Lemière à Montreuil-sous-Bois (Seine-Saint-Denis), dans lequel est exploité un hôtel-restaurant à l'enseigne « Campanile », le ministre, dans le dernier état de ses écritures, abandonne la référence au local-type n° 94 du procès-verbal des évaluations foncières de Montreuil que les premiers juges avaient retenu ; qu'ainsi, les moyens par lesquels la SCI PARIS-MONTREUIL conteste la régularité de l'évaluation de son immeuble par comparaison avec ce local-type sont devenus inopérants ;
Considérant que le ministre fait valoir que l'immeuble de la SCI PARIS-MONTREUIL peut être évalué par comparaison avec le local-type n° 43 de la commune de Villejuif, proposé par la requérante, mais en retenant le tarif unitaire mentionné sur le procès-verbal complémentaire « modèle C » du 14 février 1979, d'un montant de 150 francs, et non le tarif unitaire initial de 63 francs revendiqué par la requérante ; que si l'administration soutient que le tarif de 150 francs a été fixé à partir du prix du loyer stipulé dans le bail, modifié sur le fondement de l'article 324 C de l'annexe III au code général des impôts pour tenir compte des dépenses incombant normalement au propriétaire et supportées par le locataire ainsi que de la plus-value résultant des travaux d'amélioration effectués par ce dernier, il résulte de l'instruction, notamment des mentions figurant sur le procès-verbal complémentaire, que cette valeur unitaire a été déterminée par comparaison avec le local-type n° 4 du procès-verbal « modèle ME » d'Evry après harmonisation régionale et que le tarif unitaire de ce dernier local-type a lui-même été porté de 50 francs à 150 francs après harmonisation des valeurs locatives des « hôtels de type moderne » ; qu'en évaluant ainsi le local-type n° 43 de la commune de Villejuif après harmonisation régionale des valeurs locatives, l'administration a fait une inexacte application des principes définis par le b du 2° de l'article 1498 précité du code général des impôts, dès lors qu'elle ne peut fixer une valeur locative en se référant à des valeurs locatives moyennes déterminées au niveau de la région ; qu'ainsi, le tarif affecté à ce local-type n'ayant pas été régulièrement établi, il doit être écarté ;
Considérant que la SCI PARIS-MONTREUIL propose plusieurs autres termes de comparaison ; que, s'agissant des locaux-types n° 90 d'Issy-les-Moulineaux, construit en 1926, et n° 55 de Courbevoie, construit en 1928, il résulte de l'instruction qu'ils correspondent à des hôtels de type traditionnel dont les caractéristiques au regard de leur construction, leur structure, leur nature et leur aménagement ne sont pas similaires à celles de l'établissement à évaluer qui, sous l'enseigne « Campanile », fait partie d'une chaîne d'hôtels de conception moderne dont la construction a été achevée en 1991 ; que le ministre soutient sans être contesté que le local-type n° 48 du procès-verbal « C » de la commune de Chelles correspond à « un hôtel ancien de type préfecture fournissant des prestations de qualité médiocre » qui n'est pas davantage comparable avec l'hôtel-restaurant à évaluer ; qu'il en va de même du local-type n° 1 du procès-verbal « ME » de Cergy, correspondant à un hôtel-restaurant construit en 1884 qui n'a été restructuré, modernisé et classé en deux étoiles que postérieurement à son évaluation ; que s'agissant des locaux-types n° 119 de la commune de Saint-Germain-en-Laye et n° 218 de Versailles, le ministre, en se fondant à juste titre sur le b du 2° de l'article 1498 précité, selon lequel l'analogie de situation des communes du point de vue économique s'apprécie entre, d'une part, la commune où se situe le local de référence et, d'autre part, celle où se trouve le local à évaluer, fait valoir, sans être sérieusement contesté, que ces deux communes ne présentent pas, eu égard à la dominante de leur activité économique et au niveau de vie de leur population, une situation analogue, du point de vue économique, à celle de Montreuil ; que, de la même manière, si la société requérante propose le local-type n° 20 de Vert-Saint-Denis (Seine-et-Marne), le ministre soutient, sans être contesté, que cette commune rurale, située dans la grande couronne parisienne, n'est pas dans une situation analogue à celle de Montreuil, commune urbaine de la proche banlieue de Paris ; qu'il en va de même de Fontainebleau, commune résidentielle de la grande couronne dans laquelle se situe le local-type n° 43 proposé par la société requérante ; qu'il résulte de l'instruction que le local-type n° 55 du procès-verbal complémentaire de Villeneuve-Saint-Georges a été évalué par comparaison avec le local-type n° 10 de la commune de Chennevières, lequel a été évalué par voie d'appréciation directe ; que, dans ces conditions, il ne saurait être retenu comme terme de comparaison dès lors que les dispositions précitées de l'article 1498 du code général des impôts font obstacle à ce qu'un immeuble commercial dont la valeur locative a été fixée par voie d'appréciation directe puisse être retenu comme terme de comparaison pour déterminer, selon la méthode indiquée au 2° de cet article, la valeur locative d'un autre immeuble commercial ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède qu'aucun des locaux-types proposés par la SCI PARIS-MONTREUIL ne peut être retenu comme terme de comparaison, y compris le local-type n° 43 de Villejuif qui est, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, le seul qui pouvait, selon le ministre, servir de terme de référence ; qu'il y a lieu, en conséquence, conformément à ce que propose le ministre dans le dernier état de ses écritures, d'évaluer l'immeuble de la société par voie d'appréciation directe, conformément au 3° de l'article 1498 du code général des impôts ;
Sur la détermination de la valeur locative par appréciation directe :
Considérant qu'aux termes de l'article 324 AB de l'annexe III au code général des impôts : « Lorsque les autres moyens font défaut, il est procédé à l'évaluation directe de l'immeuble en appliquant un taux d'intérêt à sa valeur vénale, telle qu'elle serait constatée à la date de référence si l'immeuble était libre de toute location ou occupation. Le taux d'intérêt susvisé est fixé en fonction du taux des placements immobiliers constatés dans la région à la date de référence pour des immeubles similaires » ; qu'aux termes de l'article 324 AC de cette même annexe : « En l'absence d'acte et de toute autre donnée récente faisant apparaître une estimation de l'immeuble à évaluer susceptible d'être retenue, sa valeur vénale à la date de référence est appréciée d'après la valeur vénale d'autres immeubles d'une nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes, situés dans la commune même ou dans une localité présentant du point de vue économique une situation analogue à celle de la commune en cause. La valeur vénale d'un immeuble peut également être obtenue en ajoutant à la valeur vénale du terrain, estimé par comparaison avec celle qui ressort de transactions récentes relatives à des terrains à bâtir situés dans une commune comparable, la valeur de reconstruction au 1er janvier 1970 dudit immeuble, réduite pour tenir compte, d'une part de la dépréciation immédiate et, d'autre part, du degré de vétusté de l'immeuble et de son état d'entretien, ainsi que de la nature, de l'importance, de l'affectation et de la situation de ce bien. » ;
Considérant que l'administration propose de déterminer la valeur locative de l'immeuble de la SCI PARIS-MONTREUIL d'après la valeur vénale de cinq autres immeubles situés à Bagnolet, Drancy, Saint-Denis, Montreuil-sous-Bois et Noisy-le-Grand, dans lesquels sont exploités des hôtels à l'enseigne « Novotel », « Campanile », « Première classe » et « Ibis » ayant fait l'objet de transactions en 1990, 1992 et 1996 ; que la valeur vénale de ces immeubles a ensuite été corrigée par application de l'indice INSEE du coût de la construction pour déterminer leur valeur à la date de référence du 1er janvier 1970 ;
Considérant qu'aux termes de l'article L. 113-1 du code de justice administrative : « Avant de statuer sur une requête soulevant une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et se posant dans de nombreux litiges, le tribunal administratif ou la cour administrative d'appel peut, par une décision qui n'est susceptible d'aucun recours, transmettre le dossier de l'affaire au Conseil d'Etat, qui examine dans un délai de trois mois la question soulevée. Il est sursis à toute décision au fond jusqu'à un avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration de ce délai. » ;
Considérant que la requête de la SCI PARIS-MONTREUIL pose la question de savoir si, lorsqu'elle détermine la valeur locative d'un immeuble par appréciation directe, sur le fondement du premier alinéa de l'article 324 AC de l'annexe III au code général des impôts, l'administration fiscale peut se référer à des immeubles de nature comparable ayant fait l'objet de transactions récentes à la date des impositions en litige ou si elle doit nécessairement se référer à ceux de ces immeubles ayant fait l'objet de transactions récentes à la date de référence du 1er janvier 1970 ;
Considérant que cette question constitue une question de droit nouvelle, présentant une difficulté sérieuse et susceptible de se poser dans de nombreux litiges ; que, dans ces conditions, il y a lieu de surseoir à statuer sur la requête de la SCI PARIS-MONTREUIL et de transmettre, pour avis sur cette question, le dossier de l'affaire au conseil d'Etat ;
DECIDE :
Article 1er : Le dossier de la requête de la SCI PARIS-MONTREUIL est transmis au Conseil d'Etat pour examen de la question de droit définie dans les motifs du présent arrêt.
Article 2 : Il est sursis à statuer sur la requête de la SCI PARIS-MONTREUIL jusqu'à l'avis du Conseil d'Etat ou, à défaut, jusqu'à l'expiration du délai de trois mois à compter de la transmission du dossier prévue à l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Tous droits et moyens des parties sur lesquels il n'a pas été statué sont expressément réservés.
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