Vu la requête, enregistrée le 22 septembre 2005, présentée pour M. Adama X, demeurant ..., par Me Camara ; M. X demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n°0500224 du 19 juillet 2005 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 janvier 2005 par lequel le préfet du Val-d'Oise a décidé sa reconduite à la frontière ;
2°) d'annuler cet arrêté pour excès de pouvoir ;
3°) d'enjoindre au préfet du Val-d'Oise de lui délivrer un titre de séjour ;
Il soutient que l'arrêté attaqué est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ; qu'il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il est atteint d'une maladie grave qui ne pourrait être convenablement soignée dans son pays d'origine ;
…………………………………………………………………………………………..
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu l'ordonnance n° 45-2658 du 2 novembre 1945 modifiée ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 28 septembre 2006 :
- le rapport de M. Blin, magistrat délégué ;
- les observations de Me Camara ;
- et les conclusions de Mme Le Montagner, commissaire du gouvernement ;
Considérant qu'aux termes du I de l'article 22 de l'ordonnance du 2 novembre 1945 modifiée : Le représentant de l'Etat dans le département et, à Paris, le préfet de police peuvent, par arrêté motivé, décider qu'un étranger sera reconduit à la frontière dans les cas suivants : (...) 3° Si l'étranger auquel la délivrance ou le renouvellement d'un titre de séjour a été refusé ou dont le titre de séjour a été retiré, s'est maintenu sur le territoire au-delà du délai d'un mois à compter de la date de notification du refus ou du retrait (...) ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. X, qui est de nationalité malienne, s'est maintenu sur le territoire français plus d'un mois après la notification, le 2 octobre 2004, de la décision du préfet du Val-d'Oise du 30 septembre 2004 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'invitant à quitter le territoire ; qu'il entrait ainsi dans le champ d'application de la disposition précitée ;
Considérant, toutefois, qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : « 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui. » ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M.X, qui est né en 1976, est entré en France en 1999 ; qu'il y a épousé le 6 avril 2002 Mlle Y, de nationalité malienne et titulaire d'une carte de séjour temporaire ; qu'un enfant est né de cette union le 15 juillet 2002 ; que si son épouse a donné naissance le 6 novembre 2004 à un enfant dont le père est un autre ressortissant malien, il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision attaquée, Mme Z avait regagné le domicile conjugal et que, pendant la période durant laquelle le couple a été séparé, M. X a continué de participer à l'éducation de son enfant ; que, dans les circonstances particulières de l'espèce, et compte tenu notamment de l'état de santé de M. X qui, selon le médecin inspecteur de santé publique, nécessite une prise en charge médicale, l'arrêté de reconduite à la frontière pris à l'encontre de M. X a porté au droit au respect de sa vie familiale une atteinte disproportionnée à ce qui était nécessaire au but en vue duquel il a été pris et à la défense de l'ordre public ; qu'il a ainsi méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que M. X est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction présentées par M. X :
Considérant que la présente décision ne prononce pas l'annulation d'une décision refusant à M. X la délivrance d'un titre de séjour ; qu'ainsi, l'intéressé n'est pas fondé à soutenir que celle-ci impliquerait nécessairement, au sens des dispositions de l'article L. 911-1 du code de justice administrative, la délivrance d'un titre de séjour ;
Considérant, en revanche, qu'à la suite de l'annulation de l'arrêté décidant la reconduite à la frontière d'un étranger, il incombe au préfet, en application des dispositions de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour, mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'étranger doit être réexaminée au vu de la situation de droit et de fait existant à la date de ce réexamen ; qu'il y a lieu de prescrire au préfet du Val-d'Oise de se prononcer sur la situation de M. X dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision ; que, toutefois, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement du 19 juillet 2005 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet du Val-d'Oise du 10 janvier 2005 ordonnant la reconduite à la frontière de M. X sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet du Val-d'Oise de se prononcer sur la situation administrative de M. X dans le délai de deux mois à compter de la notification de la présente décision.
Article 3 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
N°05VE01816
2