Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 13 juin et 8 juillet 2008 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. et Mme Abel A, demeurant ..., par Me Jorion ; M. et Mme A demandent à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0508091 en date du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Bonneuil-en-France à leur verser la somme de 97 928 € augmentée des intérêts au taux légal en réparation du préjudice résultant de l'impossibilité de louer leurs parcelles, du fait de l'opposition systématique et illégale de cette collectivité, et à l'annulation de la décision par laquelle la commune a refusé de faire droit à leur demande préalable d'indemnisation ;
2°) de condamner la commune de Bonneuil-en-France au versement d'une indemnité de 137 571,99 euros, majorée des intérêts de droit ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Bonneuil-en-France le versement d'une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Ils soutiennent que :
- le jugement attaqué est entaché de contradiction de motifs ;
- la commune a commis une faute en s'opposant à la location des parcelles leur appartenant dès lors que le règlement de la zone NC du plan d'occupation des sols, où se situent les parcelles en question, autorisait l'implantation de jardins familiaux ;
- la commune a commis une faute en raison de la transmission de renseignements erronés à un éventuel acquéreur ;
- les motifs invoqués par le maire ne pouvaient pas justifier sa décision de refus ;
- la commune s'est illégalement opposée à l'édification d'une clôture de leurs terrains ;
- la commune a été à l'origine de poursuites pénales infondées et a exercé des pressions sur leurs locataires ;
- la commune a irrégulièrement recouru à une procédure de préemption ;
- le préjudice qu'ils ont subi résulte de la perte de chances de location de leurs biens et du départ de leurs locataires en place et doit s'évaluer en fonction des loyers non perçus ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code général des collectivités territoriales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 15 décembre 2009 :
- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,
- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,
- et les observations de Me Giroud, pour M. et Mme A, et de Me Gravisse, pour la commune de Bonneuil-en-France ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que M. et Mme A ont acquis, par jugement d'adjudication prononcé le 15 octobre 1996 par le Tribunal de grande instance de Bobigny, un terrain cadastré N° 753, d'une superficie de 7 143 m², situé à Bonneuil-en-France (Val-d'Oise), au lieu-dit les Prés nouveaux et classé en zone NC à vocation agricole du plan d'occupation des sols de la commune ; que les intéressés ont divisé le terrain en question en 30 parcelles destinées à être louées pour un usage de jardins familiaux ; qu'estimant que la commune de Bonneuil-en-France avait irrégulièrement fait obstacle à cette location, ils ont présenté à cette collectivité, le 10 juin 2005, une demande d'indemnisation d'un montant de 97 298, 34 euros correspondant aux sommes qu'ils estimaient leur être dues en raison de l'impossibilité, du fait des agissements prétendument fautifs de la commune, de percevoir des loyers au titre de ces parcelles, depuis le 1er janvier 1997 ; que cette demande a été implicitement rejetée par la commune ; que M. et Mme A relèvent appel du jugement en date du 10 avril 2008 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise, saisi par eux d'une demande de condamnation pour faute de la commune de Bonneuil-en-France, a rejeté celle-ci ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
Considérant que les requérants soutiennent que le jugement qu'ils critiquent serait entaché d'une contradiction de motifs, dès lors que les premiers juges se seraient mépris sur la portée d'une lettre du 22 mai 2000 ; que, toutefois, il ressort de la lecture dudit jugement que le tribunal administratif, après avoir constaté que la fédération nationale des jardins familiaux avait subordonné son accord pour la location des parcelles détenues par M. et Mme A à l'accomplissement d'une série de conditions, a estimé que l'opposition de la commune à l'utilisation des parcelles composant leur terrain ne suffisait pas à caractériser la perte d'une chance dès lors que les requérants ne démontraient pas qu'ils avaient rempli les autres conditions prévues par l'accord conclu avec cette fédération ; qu'en statuant ainsi, les premiers juges n'ont pas entaché leur jugement d'une contradiction de motifs ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à en demander l'annulation ;
S'agissant de la responsabilité de la commune de Bonneuil-en-France :
Sur la responsabilité de la commune à raison d'un comportement fautif :
Considérant, d'une part, que M. et Mme A font valoir que la commune aurait, en s'opposant à la culture de jardins, volontairement compromis l'accord de location de l'ensemble de leurs parcelles qu'ils devaient conclure en 2000 avec la fédération nationale des jardins familiaux ; que, s'il ressort de la lecture des courriers adressés aux requérants par cet organisme, les 5 octobre 1999 et 22 mai 2000, que celui-ci avait subordonné son acceptation à une absence d'opposition des autorités communales au type d'activité qu'elle promouvait et que la commune de Bonneuil-en-France avait fait savoir à la fédération nationale des jardins familiaux qu'elle ne souhaitait pas développer ce genre d'exploitation, cette collectivité n'a cependant commis aucune faute de nature à engager sa responsabilité en agissant de la sorte, une telle position de principe, qui relevait de son appréciation de l'intérêt communal, ne pouvant lier ladite fédération, qui était libre de passer outre ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'un comportement fautif de la commune aurait entraîné la rupture des négociations qu'ils menaient avec la fédération nationale des jardins familiaux à l'appui de leurs conclusions tendant à la mise en jeu de la responsabilité de cette collectivité ;
Considérant, d'autre part, que M. et Mme A n'établissent pas qu'ainsi qu'ils le font valoir, la commune de Bonneuil-en-France aurait fait pression sur ses locataires ou candidats locataires afin qu'ils résilient leurs engagements ou renoncent à en signer, ou qu'elle leur aurait donné des renseignements erronés ; qu'il ressort, en outre, de la lecture des différents courriers produits par les requérants que les locataires des parcelles en cause, à savoir les parcelles n° 15 et n° 16, s'ils ont évoqué une opposition de la commune à la mise en culture de jardin desdites parcelles, ont également fait valoir, pour justifier la résiliation de leurs engagements, des motifs tirés de la situation inondable du terrain, de l'absence d'alimentation en eau et de l'existence de problèmes de sécurité ; que, par suite, les requérants ne démontrent pas que les problèmes de location qu'ils évoquent , concernant lesdites parcelles, auraient pour origine un comportement fautif de la commune ;
Considérant, enfin, que, si les requérants soutiennent que la commune aurait illégalement refusé de fournir les clés permettant de lever les barrières entravant le chemin d'accès à leurs terrains, ils ne démontrent ni qu'ils étaient droit d'obtenir la levée de ces barrières, ni qu'ils étaient en droit d'accéder auxdits terrains en véhicule ;
Sur la responsabilité de la commune à raison d'une décision fautive :
Considérant qu'il ne ressort d'aucune pièce du dossier que la commune de Bonneuil-en-France aurait irrégulièrement refusé une autorisation de construire à M. et Mme A ou aurait pris une décision interdisant l'exploitation des parcelles possédées par ces derniers pour une activité de jardin ;
Considérant, en revanche, qu'il ressort des pièces du dossier que la commune de Bonneuil-en-France s'est opposée, par une décision en date du 27 août 2001, à l'édification d'une clôture sur une des parcelles appartenant aux requérants ; que cette décision a été annulée par un jugement du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise en date du 1er avril 2004 ; que, par suite, cette décision fautive est de nature à engager la responsabilité de la commune de Bonneuil-en-France ;
S'agissant du préjudice :
Sans qu'il soit besoin de se prononcer sur l'application de la prescription quadriennale :
Considérant qu'ainsi qu'il l'a été précisé ci-dessus, M. et Mme A sont fondés à engager la responsabilité de la commune à raison de l'illégalité affectant la décision du 27 août 2001 s'opposant à la déclaration de travaux qu'ils avaient faite le 9 juillet 2001 ; que, toutefois, ils ne démontrent aucunement que cette décision a été à l'origine d'un préjudice dont ils seraient en droit d'obtenir réparation ; qu'il y a lieu, par suite, de rejeter leur demande d'indemnisation présentée à ce titre ;
S'agissant de l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Bonneuil-en-France, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement à M. et Mme A de la somme demandée par ces derniers au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
Considérant, en revanche, qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce de mettre à la charge de M. et Mme A, en application de ces mêmes dispositions, le versement à la commune de Bonneuil-en-France d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés et non compris dans les dépens ;
DECIDE
Article 1er : La requête de M. et Mme A est rejetée.
Article 2 : M. et Mme A verseront à la commune de Bonneuil-en-France la somme de 1 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 08VE01793 2