Vu la requête et le mémoire complémentaire, enregistrés respectivement les 6 novembre 2009 et 20 avril 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentés pour M. Améziane A, demeurant ..., par Me Bakama ; M. A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0904684 du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 22 septembre 2008 du préfet de la Seine-Saint-Denis rejetant sa demande de titre de séjour, l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays à destination duquel il sera reconduit ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir cet arrêté ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Seine-Saint-Denis de lui délivrer un certificat de résidence dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ;
Il soutient que :
- le préfet a commis une erreur de droit dès lors qu'il ne peut accéder effectivement à des soins appropriés dans son pays d'origine ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils ont interprété la condition prévue par l'article 6-7 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relative à l'accès aux soins nécessaires comme étant satisfaite par l'existence de soins dans son pays d'origine, alors que cet article exige un accès effectif aux soins ;
- le préfet ne justifie aucunement le changement de circonstances qui l'a amené à ne pas renouveler le titre de séjour initialement délivré alors que son état de santé ne s'est pas amélioré ;
- les premiers juges ont commis une erreur de droit dès lors qu'ils ont inversé la charge de la preuve en exigeant du requérant qu'il établisse l'impossibilité de bénéficier d'un traitement approprié en Algérie ;
- les décisions d'obligation de quitter le territoire et de fixation du pays de destination sont illégales du fait de l'illégalité de la décision refusant le renouvellement du certificat de résidence sollicité ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 modifié ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 8 juillet 2010 :
- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,
- les conclusions de Mme Kermorgant, rapporteur public,
- et les observations de Me Bakama, avocat de M. A ;
Considérant que M. A, ressortissant algérien, est entré en France le 11 septembre 2004 ; qu'après avoir obtenu une autorisation provisoire de séjour, il a obtenu la délivrance d'un certificat de résidence au titre de la période allant de juin 2007 à juin 2008 en raison de son état de santé ; qu'il a sollicité, le 15 avril 2008, le renouvellement de ce titre de séjour ; que sa demande a été rejetée par un arrêté du 22 septembre 2008 pris par le préfet de la Seine-Saint-Denis, lequel a assorti cette décision d'une obligation de quitter le territoire français ; que M. A relève appel du jugement du 22 septembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention vie privée et familiale est délivré de plein droit : (...) 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays. ;
Considérant qu'il résulte de ce texte qu'il appartient à l'autorité administrative, lorsqu'elle envisage de refuser la délivrance d'un titre de séjour à un étranger qui en fait la demande au titre des dispositions précitées, de vérifier, au vu de l'avis émis par le médecin inspecteur de la santé publique, que cette décision ne peut avoir de conséquences d'une exceptionnelle gravité sur l'état de santé de l'intéressé et, en particulier, d'apprécier, sous le contrôle du juge de l'excès de pouvoir, la nature et la gravité des risques qu'entraînerait un défaut de prise en charge médicale dans le pays dont l'étranger est originaire ; que lorsque le défaut de prise en charge risque d'avoir des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur la santé de l'intéressé, l'autorité administrative ne peut légalement refuser le titre de séjour sollicité que s'il existe des possibilités de traitement approprié de l'affection en cause dans son pays d'origine ; que si de telles possibilités existent mais que l'étranger fait valoir qu'il ne peut en bénéficier, soit parce qu'elles ne sont pas accessibles à la généralité de la population, eu égard notamment aux coûts du traitement ou à l'absence de modes de prise en charge adaptés, soit parce qu'en dépit de leur accessibilité, des circonstances exceptionnelles tirées des particularités de sa situation personnelle l'empêcheraient d'y accéder effectivement, il appartient à cette même autorité, au vu de l'ensemble des informations dont elle dispose, d'apprécier si l'intéressé peut ou non bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans son pays d'origine ;
Considérant que, pour refuser le renouvellement du certificat de résidence dont bénéficiait M. A, le préfet s'est fondé sur la circonstance que l'intéressé pouvait bénéficier de soins appropriés dans son pays d'origine ; que, toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A est atteint d'un diabète de type 1 qui, d'une part, nécessite l'utilisation d'une pompe à insuline et qui, d'autre part, a eu pour conséquence le développement d'une rétinopathie diabétique et d'une neuropathie au niveau des membres inférieurs ; que ces pathologies exigent un suivi constant et régulier ; que, par ailleurs, M. A souffre d'une affection cardiaque sévère ; qu'il est constant que le défaut de traitement de ces pathologies peut entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité ; que le préfet de la Seine-Saint-Denis ne démontre aucunement que, contrairement à ce que fait valoir le requérant, la possibilité d'un accès aux soins appropriés à l'état de santé de l'intéressé soit, contrairement à ce qui avait été estimé lors de la délivrance, en 2007, d'un premier certificat de résidence à M. A, devenue effective en Algérie ; qu'en outre, le requérant établit, par les documents qu'il produit et qui ne sont pas contestés par le préfet, qui n'a présenté aucune observation tant devant le tribunal administratif que devant la Cour, qu'il ne pourra pas, en cas de retour dans son pays d'origine, disposer de ressources suffisantes pour bénéficier du traitement approprié nécessaire à sa survie ; que, par suite, en s'abstenant d'examiner la situation du requérant sur ce point, le préfet de la Seine-Saint-Denis a entaché d'illégalité son arrêté du 22 septembre 2008 refusant à l'intéressé le renouvellement de son titre de séjour ;
Considérant, dès lors, que M. A est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 911-1 du code de justice administrative : Lorsque sa décision implique nécessairement qu'une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public prenne une mesure d'exécution dans un sens déterminé, la juridiction, saisie de conclusions en ce sens, prescrit, par la même décision, cette mesure assortie, le cas échéant, d'un délai d'exécution. ; que l'exécution du présent arrêt implique seulement que l'administration procède à un nouvel examen de la situation de M. A ; qu'il y a lieu, dès lors, d'ordonner une mesure en ce sens, dans le délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. ;
Considérant que, dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de l'Etat le versement à M. A d'une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : Le jugement n° 0904684 du 22 septembre 2009 du Tribunal administratif de Cergy-Pontoise et l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du 22 septembre 2008 sont annulés.
Article 2 : Le préfet de la Seine-Saint-Denis procédera au réexamen de la demande de renouvellement de carte de résident de M. A dans un délai d'un mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'Etat versera à M. A une somme de 1 000 euros au titre des frais exposés par lui et non compris dans les dépens.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de M. A est rejeté.
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N° 09VE03757 2