Vu la requête, enregistrée le 4 février 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour la société VOYAGES FRAM, dont le siège est 1, rue Lapeyrouse à Toulouse (31008), par Me Dhonneur, avocat à la Cour ; la société VOYAGES FRAM demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0610713 en date du 1er décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2006, pour un montant de 37 798 euros ;
2°) de prononcer la restitution de l'imposition contestée, avec intérêts au taux légal à la date du 24 avril 2006 et capitalisation des intérêts échus ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 6 578 euros en application des dispositions de L. 761-1 du code de justice administrative ;
4°) de condamner l'administration aux entiers dépens ;
Elle soutient que la taxe sur certaines dépenses de publicité instituée par la loi de finances pour 1998, codifié à l'article 302 bis MA du code général des impôts, prévoyait, en son article 62, la création dans les écritures du Trésor d'un compte d'affectation n° 902-32 intitulé : Fonds de modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique générale ; que si la loi de finances pour 2006 a clôturé, à compter du 31 décembre 2005, ce compte d'affectation et affecté par suite le produit de la taxe au budget général, il n'en demeure pas moins qu'un lien suffisamment étroit demeure entre le produit de celle-ci et le fonds de modernisation ; qu'en effet, l'enveloppe allouée au fonds n'a pas été sensiblement modifiée depuis son instauration et qu'ainsi, la budgétisation du produit de la taxe sur certaines dépenses de publicité n'a entraîner aucune modification significative ; que cette taxe reste exigible dans les mêmes conditions que précédemment ; que, contrairement à ce que laisse entendre l'instruction du 16 mars 2007, qui précise qu'à compter du 1er janvier 2006, le produit de la taxe ayant été affecté au budget général de l'Etat, le lien entre l'aide et la taxe a été rompu , la jurisprudence de la Cour de justice, dont l'administration se prévaut, ne tranche pas expressément la question ; que la Cour de justice analyse les situations au cas par cas pour apprécier si le produit de la taxe influence le montant de l'aide ou si l'application de l'exonération fiscale et son étendue ne dépendent pas du produit de la taxe ; qu'en l'espèce, le fonds de modernisation et la taxe sur certaines dépenses de publicité sont indissociables et constituent une seule et même mesure fiscale ; qu'ainsi, la taxe instituée à l'article 302 bis MA du code général des impôts fait partie intégrante du dispositif d'aide ; que l'enveloppe d'aide est demeurée la même entre 2002 et 2005 et avoine 27 millions d'euros ; que le produit de la taxe influence l'importance de l'avantage octroyé dans la mesure où les crédits ouverts en loi de finances demeurent de même montant ; que, dans l'hypothèse où la Cour de céans refuserait de qualifier la taxe d'aide d'Etat, elle entendrait alors se prévaloir de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales afin d'en obtenir le remboursement ; qu'en effet, la décision du Conseil d'Etat du 21 décembre 2006 fixe la période ouverte pour la restitution de cette taxe à compter du 1er janvier 2003 et jusqu'en 2006 ; qu'elle est par suite fondée à demander la restitution de la taxe afférente à l'année 2005, qu'elle a acquittée le 24 avril 2006 ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le traité instituant la Communauté européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu la loi organique n° 2001-692 du 1er août 2001 relative aux lois de finances ;
Vu la loi n° 97-1269 du 30 décembre 1997 de finances pour 1998, notamment son article 62 ;
Vu la loi n° 2005-1719 du 30 décembre 2005 de finances pour 2006, notamment ses articles 45 et 50 ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 1er février 2011 :
- le rapport de M. Locatelli, premier conseiller,
- et les conclusions de M. Brunelli, rapporteur public ;
Considérant que la société VOYAGES FRAM a demandé la restitution de la taxe sur certaines dépenses de publicité prévue à l'article 302 bis MA du code général des impôts, dans sa rédaction issue de la loi susvisée du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006, qu'elle a acquittée au titre de l'année 2006, au motif que cette taxe constituait, selon elle, une aide d'Etat qui aurait dû faire l'objet d'une notification préalable à la Commission européenne, en application des articles 87 et 88 du traité instituant la Communauté européenne ; que la société VOYAGES FRAM relève régulièrement appel du jugement en date du 1er décembre 2009 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe mentionnée ci-dessus ;
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes du paragraphe 1 de l'article 87 du traité instituant la Communauté européenne, aujourd'hui repris à l'article 107 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : Sauf dérogations prévues par le présent traité, sont incompatibles avec le marché commun, dans la mesure où elles affectent les échanges entre Etats membres, les aides accordées par les Etats ou au moyen de ressources d'Etat sous quelque forme que ce soit, qui faussent ou qui menacent de fausser la concurrence en favorisant certaines entreprises ou certaines productions ; qu'aux termes de l'article 88 du même traité, aujourd'hui repris à l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne : 1. La Commission procède avec les Etats membres à l'examen permanent des régimes d'aides existant dans ces Etats. (...) / 2. Si (...) la Commission constate qu'une aide accordée par un Etat ou au moyen de ressources d'Etat n'est pas compatible avec le marché commun aux termes de l'article 87 (...) elle décide que l'Etat intéressé doit la supprimer ou la modifier (...) / 3. La Commission est informée, en temps utile pour présenter ses observations, des projets tendant à instituer ou à modifier des aides. Si elle estime qu'un projet n'est pas compatible avec le marché commun, aux termes de l'article 87, elle ouvre sans délai la procédure prévue au paragraphe précédent. L'Etat membre intéressé ne peut mettre à exécution les mesures projetées, avant que cette procédure ait abouti à une décision finale ;
Considérant qu'il résulte de ces stipulations que, s'il ressortit à la compétence exclusive de la Commission européenne de décider, sous le contrôle de la Cour de justice de l'Union européenne, si une aide de la nature de celles mentionnées à l'article 87 du traité est ou non, compte tenu des dérogations prévues par ce traité, compatible avec le marché commun, il incombe, en revanche, aux juridictions nationales de sanctionner, le cas échéant, l'invalidité de dispositions de droit national qui auraient institué ou modifié une telle aide en méconnaissance de l'obligation, qu'impose aux Etats membres le paragraphe 3 de l'article 88 du traité, d'en notifier à la Commission, préalablement à toute mise à exécution, le projet ; que l'exercice de ce contrôle implique, notamment, de rechercher si les dispositions dont l'application est contestée instituent un régime d'aide, ou si une taxe fait partie intégrante d'une telle aide ;
Considérant, d'une part, que la validité des actes des autorités nationales est affectée par la méconnaissance des obligations que leur imposent la première et la dernière phrase du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, de ne pas mettre à exécution des projets tendant à instituer ou à modifier des aides qu'elles n'auraient pas notifiées préalablement à la Commission ; que, d'autre part, les taxes n'entrent pas dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne concernant les aides d'Etat, à moins qu'elles ne constituent le mode de financement d'une mesure d'aide, de sorte qu'elles font partie intégrante de cette mesure ; que, pour que l'on puisse juger qu'une taxe, ou une partie d'une taxe, fait partie intégrante d'une mesure d'aide, il doit exister un lien d'affectation contraignant entre la taxe et l'aide en vertu de la réglementation nationale pertinente, en ce sens que le produit de la taxe est nécessairement affecté au financement de l'aide ;
Considérant que l'article 23 de la loi susvisée du 30 décembre 1997 portant loi de finances pour 1998 a inséré dans le code général des impôts un article 302 bis MA instituant, à compter du 1er janvier 1998, une taxe sur certaines dépenses de publicité due par les personnes qui engagent des dépenses qui ont pour objet la réalisation ou la distribution d'imprimés publicitaires ou l'insertion d'annonces dans les journaux mis gratuitement à la disposition du public, dont le produit était affecté à un fonds faisant l'objet d'une comptabilité distincte, ayant pour objet la modernisation de la presse quotidienne et assimilée d'information politique et générale ; que le IV de l'article 50 de la loi susvisée du 30 décembre 2005 portant loi de finances pour 2006, entré en vigueur le 1er janvier 2006, a supprimé, à compter de cette date, l'affectation de la taxe sur certaines dépenses de publicité au fonds mentionné ci-dessus ; qu'en conséquence, à compter du 1er janvier 2006, en l'absence de dispositions prévoyant l'affectation de cette taxe, celle-ci est devenue une recette du budget général de l'Etat ; qu'à compter de cette même date, la politique de modernisation de la presse d'information quotidienne, dont participe notamment l'objectif de garantie du pluralisme de la presse, a été financée au moyen d'une dotation inscrite au budget général de l'Etat ;
Considérant qu'aux termes de l'article 6 de la loi organique susvisée du 1er août 2001 relative aux lois de finances, en vigueur au cours de l'année d'imposition en litige : Il est fait recette du montant intégral des produits, sans contraction entre les recettes et les dépenses. / L'ensemble des recettes assurant l'exécution de l'ensemble des dépenses, toutes les recettes et toutes les dépenses sont retracées sur un compte unique, intitulé budget général ; qu'en vertu du principe à valeur constitutionnelle d'universalité budgétaire résultant de ces dispositions, les recettes et les dépenses doivent figurer au budget de l'Etat pour leur montant brut, sans être contractées, et l'affectation d'une recette déterminée à la couverture d'une dépense déterminée est interdite, sous réserve des exceptions prévues au quatrième alinéa de l'article 6 ; qu'en application de ce principe et de la législation nationale relative à la taxe sur certaines dépenses de publicité, dont est issu l'article 50 de la loi de finances pour 2006, à compter du 1er janvier 2006, il n'existait juridiquement aucun lien d'affectation contraignant entre la taxe et la politique de modernisation de la presse quotidienne, et aucun rapport entre le produit de la taxe et le montant du financement public attribué à cette politique, alors même que le fonds de modernisation de la presse quotidienne n'a pas été supprimé ; qu'en exécution des règles ainsi applicables à compter de cette même date, la taxe sur certaines dépenses de publicité était une recette du budget général, dépourvue de tout lien avec le budget du ministère chargé de la communication, et la dotation inscrite à ce budget servait à financer la politique de modernisation de la presse quotidienne ; que, dès lors, et en tout état de cause, la société requérante ne peut utilement se prévaloir de l'existence d'une concordance éventuelle entre le produit de cette taxe et le montant de l'aide à la modernisation de la presse quotidienne pour soutenir qu'un tel lien d'affectation contraignant persisterait ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la taxe sur certaines dépenses de publicité n'entrait pas, à compter du 1er janvier 2006, dans le champ d'application des stipulations précitées du traité instituant la Communauté européenne, devenu traité sur le fonctionnement de l'Union européenne, concernant les aides d'Etat ; que, dès lors, la société requérante n'est pas fondée à soutenir qu'à l'occasion de la modification du mode de financement de la politique de modernisation de la presse quotidienne résultant des dispositions de l'article 50 de la loi de finances pour 2006, les autorités françaises auraient méconnu les obligations qu'imposent la première et la dernière phrases du paragraphe 3 de l'article 88 du traité instituant la Communauté européenne, repris à l'article 108 du traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
Considérant, en second lieu, que le produit de la taxe acquittée au titre de l'année 2006 a été, à compter du 1er janvier de cette même année, affecté au budget de l'Etat ; que la circonstance que, pour son calcul, la taxe a été assise, en application du 302 bis MA du code général des impôts, sur le montant des dépenses de publicité exposées au titre de l'année précédente, n'a pas eu pour effet de la rendre exigible dès l'année 2005 ; qu'il suit de là que la société VOYAGES FRAM ne peut utilement se prévaloir, pour obtenir la restitution de la taxe dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2006, des jugements des tribunaux administratifs de Caen et de Lille dès lors que ces juridictions se sont prononcées sur des demandes tendant à la restitution ou à la décharge de cette taxe antérieurement à sa réforme issue de la loi de finances pour 2006 ; qu'en outre, ces jugements étaient frappés d'appel et ne pouvaient dès lors constituer des décisions révélant la non-conformité d'une règle de droit à une règle de droit supérieure au sens et pour l'application des dispositions précitées de l'article L. 190 du livre des procédures fiscales ;
Considérant, enfin, qu'à supposer même que la société VOYAGES FRAM ait entendu demander la restitution des cotisations de taxe sur certaines dépenses de publicité dont elle s'est acquittée au titre des années 1999 à 2005, conformément à une réclamation préalable adressée en décembre 2005, une telle demande, qui est présentée pour la première fois en appel, est en tout état de cause, irrecevable ;
Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède, que la société VOYAGES FRAM n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la restitution de la taxe sur certaines dépenses de publicité, dont elle s'est acquittée au titre de l'année 2006 ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas partie perdante à l'instance, une somme au titre des frais exposés par la société VOYAGES FRAM et non compris dans les dépens ;
D E C I D E
Article 1er : La requête de la société VOYAGES FRAM est rejetée.
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N° 10VE00347 2