Vu la requête, enregistrée le 29 septembre 2010 au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles, présentée pour Mme Ioana A, demeurant ..., par Me Launois-Flacelière ; Mme A demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1005529 en date du 24 août 2010 par lequel le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 20 août 2010 par lequel le préfet des Yvelines a décidé sa reconduite à la frontière et a fixé le pays de destination de cette reconduite ;
2°) d'annuler cet arrêté ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 ;
Elle soutient que l'arrêté décidant sa reconduite est illégal en ce que son signataire ne disposait pas de délégation régulièrement publiée, en ce qu'il ne comporte ni mention du nom et de la fonction de l'agent notificateur ni tampon de l'interprète, en ce qu'il est insuffisamment motivé, en ce qu'il est entaché d'un défaut de base légale, en ce qu'il viole les articles R. 512-1-1, L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3-1 de la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990, en ce qu'il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation et en ce que s'agissant d'une expulsion collective, il méconnaît l'article 4 du protocole 4 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; que la décision fixant le pays de destination est illégale dès lors que celle prononçant sa reconduite à la frontière est illégale ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
Vu le traité signé le 25 avril 2005, relatif à l'adhésion de la République de Bulgarie et de la Roumanie à l'Union européenne ;
Vu la directive 2004/38/CE du Parlement européen et du conseil du 29 avril 2004 relative au droit des citoyens de l'Union et des membres de leurs familles de circuler et de séjourner librement sur le territoire des Etats membres ;
Vu le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu le code de justice administrative ;
Vu la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir présenté son rapport et entendu au cours de l'audience publique du 31 mars 2011 :
- les conclusions de M. Soyez, rapporteur public,
- et les observations de Me Degeilh, substituant Me Launois-Flacelière, pour la requérante ;
Sur les conclusions à fin d'annulation :
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête ;
Considérant qu'aux termes de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, pris pour la transposition du paragraphe 3 de l'article 30 de la directive 2004/38/CE susvisée : La notification des arrêtés de reconduite à la frontière pris à l'encontre des ressortissants mentionnés à l'article L. 121-4 comporte le délai imparti pour quitter le territoire. Sauf urgence, ce délai ne peut être inférieur à un mois ; qu'il résulte de ces dispositions que la mention, dans la décision d'éloignement prise à l'encontre d'un ressortissant mentionné à l'article L. 121-4 et notifiée à celui-ci, du délai imparti pour quitter le territoire, lequel, sauf en cas d'urgence, ne peut être inférieur à un mois, n'est pas une mesure d'exécution de la décision mais un élément constitutif de la décision elle-même ; que, par suite, le défaut de cette mention est de nature à affecter la légalité de la décision d'éloignement ;
Considérant qu'il ressort des pièces du dossier soumis aux juges du fond que l'arrêté de reconduite à la frontière pris le 20 août 2010 par le préfet des Yvelines à l'encontre de Mme A, n'impartit aucun délai à cette dernière pour quitter le territoire français, ni ne mentionne aucune circonstance de nature à justifier, en considération de l'urgence, l'absence de tout délai ; que cet arrêté a ainsi été pris en méconnaissance des dispositions précitées de l'article R. 512-1-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; que, par suite, Mme A est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande ;
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
Considérant qu'aux termes de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : Si l'arrêté de reconduite à la frontière est annulé, il est immédiatement mis fin aux mesures de surveillance prévues au titre V du présent livre et l'étranger est muni d'une autorisation provisoire de séjour jusqu'à ce que l'autorité administrative ait à nouveau statué sur son cas ;
Considérant qu'à la suite de l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière, il incombe au préfet, en application des dispositions précitées de l'article L. 512-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, non seulement de munir l'intéressé d'une autorisation provisoire de séjour mais aussi, qu'il ait été ou non saisi d'une demande en ce sens, de se prononcer sur son droit à un titre de séjour ; que, dès lors, il appartient au juge administratif, lorsqu'il prononce l'annulation d'un arrêté de reconduite à la frontière et qu'il est saisi de conclusions en ce sens, d'user des pouvoirs qu'il tient de l'article L. 911-2 du code de justice administrative pour fixer le délai dans lequel la situation de l'intéressé doit être réexaminée ;
Considérant qu'il y a lieu de prescrire au préfet des Yvelines de statuer sur la situation administrative de Mme A et de lui délivrer en attendant une autorisation provisoire de séjour dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 et de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
Considérant que la requérante a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale ; qu'ainsi, son avocat peut se prévaloir des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ; que, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Launois-Flacelière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros ;
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1005529 du magistrat délégué par le président du Tribunal administratif de Versailles, en date du 24 août 2010, et l'arrêté du 20 août 2010 du préfet des Yvelines sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet des Yvelines de réexaminer la situation administrative de Mme A dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt et de lui délivrer, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour.
Article 3 : L'Etat versera la somme de 1 000 euros à Me Launois-Flacelière, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique, sous réserve que Me Launois-Flacelière renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat au titre de l'aide juridictionnelle.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête de Mme A est rejeté.
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N° 10VE03217 2