Vu la requête, enregistrée le 21 décembre 2011, présentée pour la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE, ayant son siège social Tour CB21, 16 place de l'Iris, 92040 Paris La Défense, par Me Saint-Supery, avocat ;
La société requérante demande à la Cour :
1° d'annuler le jugement n° 0804845 du 1er décembre 2011 du Tribunal administratif de Versailles en tant que, par son article 3, il a rejeté ses conclusions tendant à ce que soit prononcée la résolution du contrat d'affermage signé le 24 décembre 2007 entre la commune du Mesnil-Saint-Denis et la société Saur pour la gestion des services d'eau et d'assainissement de la commune ;
2° d'enjoindre à la commune du Mesnil-Saint-Denis de prononcer l'annulation du contrat en cause sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
3° de mettre à la charge tant de la commune du Mesnil-Saint-Denis que de la société Saur le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les dépens de l'instance, à savoir la contribution pour l'aide juridique de 35 euros ;
La société soutient que :
- l'article en cause est irrégulier dès lors que le tribunal n'a pas déterminé la nature du vice dont était affecté le contrat contesté cause alors qu'une telle détermination est nécessaire pour l'appréciation des mesures d'exécution du jugement ;
- le tribunal a également omis de définir précisément les raisons pour lesquelles il a estimé que la date de la signature de la convention et l'atteinte excessive à l'intérêt général justifiait qu'il ne soit pas fait suite à la demande de résiliation ;
- le tribunal a statué ultra petita en retenant des moyens qui n'avaient pas été évoqués au cours de l'audience ;
- le tribunal a méconnu le principe du contradictoire en communiquant une copie tronquée du mémoire de la société Lyonnaise des eaux du 29 septembre 2011 ; par ailleurs, la société Lyonnaise des Eaux n'a jamais été en mesure de prendre connaissance du mémoire déposé par la société Saur le 6 octobre 2011 ;
- le tribunal a entaché son jugement d'une contradiction de motifs ;
- c'est à tort que les premiers juges ont estimé que le défaut de sélection des offres ne constituait pas une irrégularité sérieuse au regard des principes généraux de la commande publique ;
- c'est à tort que le tribunal a estimé que le principe de continuité du service public justifiait qu'il ne soit pas fait suite à la demande d'injonction ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 31 octobre 2013 :
- le rapport de M. Lenoir, président assesseur,
- les conclusions de M. Agier-Cabanes, rapporteur public,
- et les observations de MeFrolich du cabinet Palmier et associés pour la Commune du Mesnil-Saint-Denis et de Me A...de la Selarl Cabanes Neveu et associés pour la société Saur ;
1. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que, par la publication, le 21 mai 2007, d'un avis d'appel public à la concurrence, la commune du Mesnil-Saint-Denis (Yvelines), a lancé une procédure de mise en concurrence pour l'attribution, sous forme de contrat d'affermage d'une durée de quinze ans, de la délégation du service public de distribution d'eau potable sur son territoire ; que, par une délibération en date du 13 décembre 2007, le conseil municipal du Mesnil-Saint-Denis a approuvé le choix de la candidature de la société Saur et autorisé le maire à signer la convention d'affermage en question ; que la signature de cette convention a été effectuée le 24 décembre 2007 ; que, saisi par la société LYONNAISE DES EAUX d'une demande d'annulation de la délibération précitée du 13 décembre 2007 et de la décision du maire de signer la convention en cause ainsi que d'une demande tendant à ce qu'il prononce, par voie d'injonction, l'annulation de ladite convention, le Tribunal administratif de Versailles, s'il a fait droit aux conclusions d'annulation des deux actes mentionnés plus haut, a rejeté, par l'article 3 de son jugement, le surplus des conclusions de la société requérante ; que cette dernière relève appel du jugement en question en limitant cependant sa critique de celui-ci au seul article 3 et au rejet de ses conclusions à fin d'injonction ; que tant la commune du Mesnil-Saint-Denis que la société Saur se limitent à demander, en défense, le rejet des conclusions d'appel de la société LYONNAISE DES EAUX ;
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que le tribunal a justifié sa décision de ne pas donner suite à la demande d'injonction présentée par la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE, par la circonstance qu'il apparaissait nécessaire d'assurer la continuité du service public dans des conditions de coût acceptables par la population ; que, cependant, il ressort de la lecture des mémoires communiqués en première instance que cet argument n'a été développé en défense, par référence au coût de remboursement des investissements déjà effectués par le fermier, qu'en page 13 d'un mémoire communiqué au greffe du tribunal par télécopie par la société Saur le jour le clôture d'instruction fixé au 27 septembre 2011 puis en original le 29 septembre 2011 ; qu'il ressort des mêmes pièces, notamment de la lecture d'une lettre du greffe du tribunal, que la copie de ce mémoire transmis le 27 septembre 2011 à la société LYONNAISE DES EAUX France ne comportait pas cette page 13, seul le mémoire transmis le 29 septembre 2011 étant complet ; que, compte tenu de la clôture d'instruction intervenue le 27 septembre 2011, la société LYONNAISE DES EAUX France est, par suite, fondée à soutenir qu'elle n'a pas été en mesure de répondre à l'argumentation nouvelle de la société Saur et, par suite, dès lors que cette argumentation a été retenue par le tribunal pour rejeter sa demande d'injonction, que l'article 3 du jugement qu'elle critique est irrégulier en raison du non-respect du caractère contradictoire de la procédure ;
3. Considérant qu'il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur les conclusions à fins d'injonction présentées par la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE devant le Tribunal administratif de Versailles ;
4. Considérant que le vice entachant les actes annulés, tiré de l'absence d'information des candidats sur les critères de sélection des offres, a affecté gravement la régularité de la mise en concurrence de la délégation de service public décrite ci-dessus ; que, toutefois, l'illégalité ainsi commise, qui n'affecte ni le consentement de la personne publique ni le bien-fondé de la délégation de services publics, ne justifie pas, en l'absence de toute circonstance particulière révélant notamment une volonté de la personne publique de favoriser un candidat, que soit recherchée une résolution de la convention signée le 24 décembre 2007 ; que ce vice implique cependant, par sa gravité et en l'absence de régularisation possible, que soit ordonné aux parties de résilier la convention en question dès lors qu'il ne résulte pas de l'instruction que, contrairement à ce que soutiennent la commune et la société Saur, le coût de cette résiliation serait d'une importance telle qu'il constituerait un motif d'intérêt général justifiant la poursuite, pendant au moins neuf ans, de relations contractuelles irrégulièrement conclues ; que, néanmoins, l'intérêt général tenant à la continuité du service public justifie que cette résiliation ne prenne effet qu'au 1er juillet 2014 afin que la commune puisse mener à bien la procédure légalement requise pour le choix d'un cocontractant ; qu'en conséquence, il y a lieu d'enjoindre à la commune du Mesnil-Saint-Denis de résilier la convention litigieuse à compter de cette dernière date ; que, dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte ;
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
5. Considérant qu'aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. " ;
6. Considérant que ces dispositions font obstacle à ce que soient mises à la charge de la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE le versement à la commune du Mesnil-Saint-Denis et à la société Saur des sommes demandées par ces dernières au titre des frais qu'elles ont exposés et non compris dans les dépens ; qu'il y a lieu, en revanche, dans les circonstances de l'espèce, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la commune du Mesnil-Saint-Denis et de la société Saur le versement d'une somme globale de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE et non compris dans les dépens ;
Sur les conclusions tendant à la condamnation aux dépens :
7. Considérant qu'aux termes de l'article R. 761-1 du code de justice administrative : " Les dépens comprennent la contribution pour l'aide juridique prévue à l'article 1635 bis Q du code général des impôts (...). / Sous réserve de dispositions particulières, ils sont mis à la charge de toute partie perdante sauf si les circonstances particulières de l'affaire justifient qu'ils soient mis à la charge d'une autre partie ou partagées entre les parties. / L'Etat peut être condamné aux dépens " ;
8. Considérant qu'en application des dispositions précitées de l'article R. 761-1 du code de justice administrative, il y a lieu, en l'absence de dispositions ou de circonstances particulières de nature à y faire obstacle, de mettre à la charge de la commune du Mesnil-Saint-Denis le versement à la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE de la somme de 35 euros correspondant à la contribution pour l'aide juridique dont elle s'est acquittée ;
DECIDE :
Article 1er : L'article 3 du jugement n° 0804845 du 1er décembre 2011 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : Il est enjoint à la commune du Mesnil-Saint-Denis de résilier, à compter du 1er juillet 2014, la convention du 24 décembre 2007 délégant l'exploitation du service de distribution d'eau potable à la société Saur.
Article 3 : Il est mis à la charge de la commune du Mesnil-Saint-Denis et de la société Saur le versement à la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE de la somme globale de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : La commune du Mesnil-Saint-Denis versera la somme de 35 euros à la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE en application de l'article R. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la société LYONNAISE DES EAUX FRANCE est rejeté.
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N° 11VE04180