Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SOCIETE D'ECONOMIE MIXTE LOCALE D'EXPLOITATION DU CÂBLE DE L'AGGLOMERATION NOUVELLE DE SAINT-QUENTIN-EN-YVELINES ET DES COMMUNES ASSOCIEES - qui sera dite société SLECANSQCA - a demandé au Tribunal administratif de Versailles la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est spontanément acquittée au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008.
Par un jugement nos 0907413, 0907416 du 4 février 2014, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes de restitution.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et deux mémoires, enregistrés le 4 avril 2014 et les 11 mai et 28 octobre 2015, la société SLECANSQCA, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer la restitution sollicitée pour une somme globale de 117 481 euros au titre de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 ;
3° de condamner l'État aux entiers dépens ;
4° de mettre à la charge de l'État la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- c'est à tort qu'elle a déclarée et s'est acquittée, sur le fondement du j) de l'article 279 du code général des impôts, de la taxe sur la valeur ajoutée au titre des subventions perçues des collectivités locales avec lesquelles elle a conclu des contrats d'objectifs et de moyens pour la réalisation de missions de service public télévisuel dès lors que ces subventions sont placées hors du champ de cette taxe tel que défini aux articles 256 et suivants du même code ; ses missions de service public consistent, pour l'essentiel, dans la production et la diffusion de programmes audiovisuels d'informations locales pour un volume minimum annuel de trente heures, la constitution d'un patrimoine audiovisuel, le développement de liens de proximité avec les publics locaux et dans diverses évaluations, notamment des enquêtes d'audience ; au vu des stipulations contractuelles, ces missions d'intérêt général ne constituent pas une prestation et ne comportent pas de contrepartie économique directe au profit de la collectivité ;
- en réalité, les subventions reçues ont la nature d'aides destinées à compenser l'insuffisance de recettes d'exploitation, lesquelles sont sans lien direct avec une opération imposable ; ces aides ne sauraient donc être assimilées à des services individualisés ou individualisables rendus à titre onéreux aux collectivités versantes et pour lesquelles il existerait un lien nécessaire entre le service rendu et la contre-valeur reçue ; dans la mesure où ces contributions financières n'influencent pas le prix des prestations réalisées, elles ne constituent pas des " compléments de prix " ou des subventions " directement liées au prix " entrant dans le champ des rémunérations mentionnées au j) de l'article 279 du code général des impôts - lesquelles visent seulement les " rémunérations " servies par les collectivités locales pour la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs et de moyens correspondant à l'édition d'un service de télévision locale ayant pour effet de conduire le prestataire subventionné à fournir un service à un prix inférieur à celui du marché ; dans un arrêt n° 96-262 min c/ SA Lorraine Citévision du
4 avril 2000, transposable à l'affaire à juger, la Cour administrative d'appel de Nancy a d'ailleurs jugé qu'une subvention communale versée à une société chargée de l'exploitation de réseaux câblés, agissant pour son propre compte, ne sert aucune prestation de service individualisée à la partie versante alors que les tarifs pratiqués auprès des preneurs du service sont ceux du marché ; la Cour a ainsi considéré que la subvention allouée à la société ne pouvait être regardée comme directement liée au prix des opérations effectuées par elle ; en l'espèce, il n'est établi par aucun élément du dossier que le versement des subventions par les collectivités locales en cause ont eu pour objet ou pour effet de diminuer à due proportion le prix des prestations rendues par elle à ses abonnés ;
- la documentation administrative de base référencée 3 B-1111, n° 38, reprise au BOFIP-impôts sous la référence BOI-TVA-BASE-10-10-40-20120912 du 12 septembre 2012, paragraphes 10 et 20 est dans le même sens en ce qu'elle préconise, d'abord de rechercher si les sommes versées ont pour contrepartie la réalisation d'un service rendu et qu'à défaut, il y a encore lieu de rechercher si ces sommes complètent le prix d'une opération taxable et qu'en cas de réponse négative dans la première comme dans la seconde hypothèse, la subvention n'est pas imposable ;
- il se déduit de ce qui précède que les dispositions du j) de l'article 279 ne s'appliquent que si les subventions relèvent elles-mêmes du champ d'application de l'article 256 ; or, en l'espèce, aucun des termes des conventions d'objectifs et de moyens conclues ne permet d'affirmer que les subventions allouées constituent des rémunérations de prestations de service ou une contrepartie financière ayant pour effet de diminuer à due proportion le prix pratiqué envers les abonnés ; aucun élément ne permet non plus de caractériser l'avantage direct qu'en aurait retiré la partie versante ou le preneur du service ; il ressort des termes mêmes des contrats en cause que les subventions litigieuses ont seulement pour objet de compenser le coût du fonctionnement des missions de service public qui lui sont imparties ; il a été jugé en ce sens que des subventions d'équilibre versées à une association chargée de la gestion d'une radio locale, et pour laquelle celle-ci s'engage à promouvoir les activités culturelles et sociales de la ville ne suffit pas à établir que les subventions correspondent à des opérations individualisées et à des promotions au profit de la ville dont cette dernière retire un avantage immédiat : CAA Nantes 29 juin 1994 n° 93-509 Association Alençon FM ;
- en outre, les sommes versées constituent des rétributions financières évaluées et calculées sur la base d'un tarif forfaitaire, sans lien direct avec le prix d'une prestation ;
- est sans incidence sur le caractère taxable d'une aide, la circonstance que le non respect de certains engagements contractuels soit susceptible d'être financièrement sanctionné ;
- en jugeant, de manière générale, que les contributions financières en cause doivent être regardées comme étant en relation avec les avantages immédiats que les collectivités peuvent retirer de ses actions et qu'ainsi, leurs versements ne sont pas dépourvus de lien direct avec les opérations qu'elle réalise, le tribunal a commis une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'au vu des termes mêmes des clauses contractuelles, ces subventions ne pouvaient être regardées que comme des subventions de fonctionnement non passibles de la taxe sur la valeur ajoutée ;
- dès lors qu'elle démontre qu'au vu des contrats, les contributions financières dont s'agit ne répondent pas à la définition d'une prestation de service taxable au sens des articles 256 et 256 A, il appartient à l'administration de rapporter la preuve du contraire ;
- sa seule obligation de réaliser un volume horaire minimum de production audiovisuelle et un suivi d'évaluation annuels ne constitue pas une contrepartie adéquate et proportionnelle, en termes d'engagements, au montant des subventions reçues ;
- la réponse ministérielle faite à M.C..., sénateur, le 25 octobre 2007 rappelle la nécessité, pour apprécier le caractère taxable d'une subvention, de s'attacher à l'intention des parties et à un examen détaillé, au cas par cas, des modalités et circonstances à l'origine du versement ; or, il ne résulte d'aucun terme des contrats d'objectifs et de moyens qu'elle se serait engagée à diminuer les prix qu'elle pratique ;
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les conclusions de M. Coudert, rapporteur public.
1. Considérant que la société SLECANSQCA a reçu de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et des communes de Plaisir, Saint-Cyr-l'Ecole, Coignières et Les Clayes-sous-Bois des contributions financières au cours de la période du
1er janvier 2006 au 31 décembre 2008, en application de conventions signées avec elles en vue de produire et diffuser des programmes d'informations locales sur le canal du réseau câblé leur appartenant ; qu'estimant que ces contributions ne lui avaient pas été versées en contrepartie d'une obligation d'effectuer des prestations de service individualisées au profit de ces collectivités locales, elle a réclamé, en vain, à l'administration, la restitution de la taxe sur la valeur ajoutée déclarée à ce titre et dont elle s'était acquittée spontanément en se fondant, à tort selon elle, sur les dispositions du j) de l'article 279 du code général des impôts ; que la société SLECANSQCA relève appel du jugement du 4 février 2014 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes en restitution de la taxe sur la valeur ajoutée reversée au titre des contributions financières ainsi reçues ;
2. Considérant qu'il résulte de l'instruction et n'est pas contesté par la société SLECANSQCA qui ne contredit le ministre sur ce point, que sont seuls en litige les montants de taxe sur la valeur ajoutée dont elle s'est spontanément acquittée au titre des contributions reçues de la communauté d'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines et des quatre communes associées au cours de la période du 1er janvier 2006 au 31 décembre 2008 à l'exclusion des sommes reçues du département des Yvelines ;
3. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel " ; qu'aux termes de l'article 266 du même code, dans sa rédaction applicable aux impositions en litige : " 1. La base d'imposition est constituée : a. Pour les livraisons de biens, les prestations de services et les acquisitions intracommunautaires, par toutes les sommes, valeurs, biens ou services reçus ou à recevoir par le fournisseur ou le prestataire en contrepartie de ces opérations, de la part de l'acheteur, du preneur ou d'un tiers, y compris les subventions directement liées au prix de ces opérations " ; qu'il résulte de ces dispositions prises pour l'adaptation de la législation nationale aux articles 2 et 11 A § 1 de la sixième directive du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, reprises à l'article 73 de la directive 2006/112/CE et telles que la Cour de justice des Communautés européennes les a interprétées, que sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les sommes dont le versement est en lien direct avec des prestations individualisées en rapport avec le niveau des avantages procurés aux personnes qui les versent ; qu'enfin, selon l'article 279 de ce code : " La taxe sur la valeur ajoutée est perçue au taux réduit de 5, 50 % en ce qui concerne : (...) j) Les rémunérations versées par les collectivités territoriales et leurs groupements pour la mise en oeuvre d'un contrat d'objectifs et de moyens correspondant à l'édition d'un service de télévision locale " ;
4. Considérant qu'il résulte des stipulations des contrats d'objectifs et de moyens conclus par la société SLECANSQCA avec les collectivités territoriales précitées que l'octroi des contributions financières en litige est lié à la souscription de l'engagement, par cette société d'économie mixte, notamment, de " produire et diffuser un programme d'information " se présentant en la forme d'un journal télévisé et/ou de programmes vidéographiques en " adéquation éditoriale avec le territoire de diffusion " et comptabilisant un volume horaire minimum annuel de trente heures de production, de maintenir " une continuité de diffusion journalière " sur le réseau câblé appartenant aux collectivités et de fournir, à cette fin, " le signal à la tête de réseau du câble opérateur Numéricable ", les collectivités s'engageant dans le cadre du contrat qui les lie à ce dernier à ce que la chaîne de télévision locale diffuse ce " programme propre " à tous les raccordés au réseau ; que, pour la réalisation de ce " programme ", la société SLECANSQCA s'oblige à " rendre compte de la vie publique locale ", à " conforter l'identité du territoire ", à " accompagner ", éventuellement dans le cadre de partenariats auxquels les collectivités pourront prendre part, " les initiatives locales " ou encore à favoriser " l'expression directe des citoyens " ; que ces conventions stipulent également que la société SLECANSQCA s'engage à mettre gratuitement à la disposition des collectivités versantes, en la forme dématérialisée, ces réalisations audiovisuelles, qu'en sa qualité de propriétaire des droits, elle s'oblige à conserver et à archiver, la communauté d'agglomération se réservant plus particulièrement le droit de diffuser sur son propre réseau internet les programmes ainsi produits et coproduits par la société requérante ; que, compte tenu de la nature et du nombre des obligations contractuelles auxquelles elle est tenue en contrepartie des contributions financières versées par les collectivités locales, il y a lieu d'en déduire que ces contributions présentent un lien direct avec les prestations individualisées de production et de diffusion audiovisuelles réalisées par la société SLECANSQCA au profit de ces collectivités ; que si la société d'économie mixte soutient que ces contributions financières font l'objet de versements forfaitaires, outre qu'un tel fait ne suffit pas, par principe, à leur ôter leur caractère de prix payé en contrepartie de prestations effectuées à titre onéreux passibles de la taxe sur la valeur ajoutée, il résulte également de l'instruction que si les contributions versées par la communauté d'agglomération sont, certes, d'abord votées forfaitairement par délibération de son conseil, elles font ensuite systématiquement l'objet, sur présentation de factures par la société requérante, d'avenants destinés à permettre le paiement du différentiel entre les montants facturés, qui varient, et les montants initialement votés ; que les contributions financières versées par les communes associées à l'agglomération de Saint-Quentin-en-Yvelines sont, quant à elles, calculées en fonction d'un prix par habitant de la commune raccordé au réseau câblé géré par l'opérateur Numéricable, dont la société requérante n'établit pas qu'elles ne seraient pas proportionnées au coût de revient de l'avantage reçu en contrepartie et correspondant à la prestation de service de télévision locale sus-analysée ; que ces contributions sont, par suite, passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en application de l'article 256 du code général des impôts et entrent dans les prévisions du a du 1 de l'article 266, interprétées à la lumière des dispositions précitées de la sixième directive ; que, dans ces conditions, il n'y a pas lieu de rechercher si de tels versements ont le caractère de subventions directement liés aux prix des opérations effectuées par la société d'économie mixte en sa qualité de fournisseur et de diffuseur de contenus audiovisuels au profit des collectivités locales contractantes ; que, dès lors que ces sommes sont versées par des collectivités locales en rémunération de contrats d'objectifs et de moyens correspondant à l'édition d'un service de télévision locale, elles relèvent également des dispositions du j) de l'article 279 du code général des impôts ouvrant droit au taux réduit de taxe sur la valeur ajoutée ;
5. Considérant, ainsi, qu'en dépit de la qualification donnée par les parties au contrat qui les lie, de ce que les missions de service public auxquelles les collectivités apportent leur concours " ne constituent pas une prestation et ne comportent aucune contrepartie économique " à leur profit, la société SLECANSQCA, dont il est constant qu'elle a été imposée conformément à ses déclarations, n'établit pas, comme il le lui incombe en vertu de l'article R* 194 du livre des procédures fiscales, qu'elle aurait agi ou se serait trouvée dans une situation autre que celle d'un fournisseur de programmes audiovisuels au profit des collectivités concernées, destinés à être diffusés sur le réseau câblé leur appartenant, ainsi qu'il ressort des autres clauses conventionnelles sus-analysées ; que, dès lors, c'est à bon droit que la société SLECANSQCA a déclaré et s'est acquittée de la taxe sur la valeur ajoutée sur les contributions financières reçues par elle de ces collectivités territoriales au titre de la période du 1er janvier 2006 au
31 décembre 2008 au taux défini par l'article 279 du code général des impôts ;
6. Considérant, enfin, qu'à supposer que la société d'économie mixte ait entendu, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, se prévaloir de la documentation administrative de base référencée 3 B-1111, n° 38, reprise dans la base BOFIP-impôts sous la référence BOI-TVA-BASE-10-10-40-20120912 du 12 septembre 2012, aux paragraphes 10 et 20, et de la réponse ministérielle faite à M.C..., sénateur, le 25 octobre 2007, celles-ci ne disposent pas différemment de la loi fiscale dont il est présentement fait application, comme d'ailleurs la société le reconnaît incidemment ;
5. Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté ses demandes ; que, par voie de conséquence, doivent également être rejetées ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et à la condamnation de l'État aux entiers dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société SLECANSQCA est rejetée.
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N° 14VE01070