Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... A...a demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du 13 août 2014 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 1412082 du 2 avril 2015, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 4 mai 2015, 18 janvier et 4 mai 2016, Mme A..., représentée par Me Bozize, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
3° d'enjoindre, à titre principal, au préfet de la Seine-Saint-Denis, de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", sous astreinte de 50 euros par jour de retard à compter du délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à intervenir ou, à titre subsidiaire, d'enjoindre au préfet de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte ;
4° de condamner l'État à lui verser une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le refus de séjour a été pris en violation du 7° de l'article L. 313-11 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors qu'elle réside en France depuis le
15 avril 2005, exerce une activité salariée de travail à domicile depuis 2012, parle et lit le français ; elle n'a plus d'attaches familiales en Ukraine depuis le décès de ses parents et elle est divorcée du père de son fils depuis le 15 avril 2005 ; elle a résidé chez une amie entre décembre 2004 et novembre 2010 et elle vit avec son fils, entré en France quand il était mineur, titulaire d'une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " et inscrit en L2 " Economie et Gestion " pour l'année universitaire 2015-2016 ;
- pour les mêmes motifs de fait que précédemment, la décision portant refus de séjour a méconnu l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est également entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale du fait de l'illégalité du refus de séjour sur lequel elle se fonde ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales pour les mêmes raisons que précédemment et également en raison de la nécessité de ne pas la séparer de son fils au regard du parcours d'exil très difficile et traumatique qu'ils ont traversé ;
- la décision fixant le pays de retour est entachée d'illégalité puisqu'elle se fonde sur l'obligation de quitter le territoire français qui est elle-même illégale.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Moulin-Zys,
- et les observations de Me Bozize, pour Mme A..., présente.
1. Considérant que Mme A..., ressortissante ukrainienne née le 10 août 1970, interjette appel du jugement du 2 avril 2015, par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis du
13 août 2014 lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire français à destination de son pays d'origine ;
Sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui" ;
3. Considérant qu'il ressort des pièces du dossier que Mme A... est entrée en France en 2005 en compagnie de son fils, né en 1992, après avoir divorcé du père de cet enfant, et a présenté une demande d'asile en faisant valoir ses craintes relatives aux agissements de son ex-mari en cas de retour en Ukraine ; qu'elle se maintient en France de façon continue depuis cette date auprès son fils et a accompagné toutes les étapes de sa scolarité au collègue, lycée puis dans l'enseignement supérieur pendant la totalité de cette période ; qu'en outre, elle exerce une activité salariée en tant que femme de ménage chez trois particuliers depuis 2012, parle et lit le français et a fait également valoir à l'audience qu'elle a développé une vie sociale en France ; qu'au surplus son fils, en situation régulière en France, inscrit en L2 " Economie et Gestion " pour l'année universitaire 2015-2016, a confirmé à l'audience qu'il constitue l'unique relation familiale de sa mère et que son projet est de demeurer en France pour y travailler après avoir terminé ses études ; qu'il ressort de ce témoignage et des pièces du dossier que Mme A...n'a plus aucune attache familiale en Ukraine à la suite du décès de son père en 1980, de sa mère en 2001 et en l'absence de toute relation avec son ex-mari ; que, dans ces circonstances particulières, l'arrêté attaqué doit être regardé comme ayant porté au droit de Mme A... au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels il a été édicté, en méconnaissance des stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ; qu'il doit être annulé dans toutes ses dispositions ;
4. Considérant que le motif d'annulation retenu par le présent arrêt, implique nécessairement qu'il soit enjoint au préfet de délivrer à Mme A...un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt, sans qu'il soit besoin d'assortir cette injonction d'une astreinte ; qu'en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, il y a également lieu de condamner l'État à verser à Mme A...une somme de 1 500 euros ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1412082 du 2 avril 2015 du Tribunal administratif de Montreuil et l'arrêté préfectoral du 13 août 2014 refusant un titre de séjour à MmeA..., l'obligeant à quitter le territoire français et fixant le pays de destination, sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de la Seine-Saint-Denis de délivrer à Mme A...un titre de séjour " vie privée et familiale " dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent arrêt.
Article 3 : L'État versera à Mme A...une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.
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N°15VE01405 2