Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la décharge, en droits et intérêts de retard, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie au titre de la période du
1er janvier 2008 au 31 décembre 2009.
Par un jugement n° 1400505 du 3 décembre 2015, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer, a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés le 2 février 2016 et le 11 juillet 2016, la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON, représentée par MeA..., demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus de sa demande ;
2° de la décharger des rappels et intérêts de retard encore en litige pour une somme globale de 95 626 euros ;
3° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON soutient que :
- la question en débat consiste à savoir si les frais qu'elle facture à un client visé par un avis à tiers détenteur rémunèrent une opération bancaire de paiement exonérée de taxe sur la valeur ajoutée en application des dispositions du c) du 1° de l'article 261 C du code général des impôts, pris pour la transposition de celles de l'article 13 B d. de la sixième directive 77/388/CEE, repris à l'article 135 (1) d. de la directive 2006/112/CE du 28 novembre 2006 ou si ces frais participent d'une opération de recouvrement de créances expressément exclue de la liste des opérations exonérées de cette taxe ;
- en l'espèce, elle a le statut d'un débiteur de substitution vis-à-vis du Trésor public - tant en vertu de la loi que de la convention de tenue de compte qui la lie à son client - au terme duquel elle exécute une opération de paiement - et non de recouvrement - bénéficiant de l'exonération de taxe sur la valeur ajoutée prévue au c du 1. de l'article 261 C du code général des impôts ;
- par application des articles L. 262, L. 263 du livre des procédures fiscales et L. 112-2 du code des procédures civiles d'exécution, un avis à tiers détenteur est une mesure permettant au comptable public d'obliger un tiers à lui verser les fonds dont il est dépositaire afin qu'il obtienne le paiement forcé d'une somme dont il est le créancier, ainsi qu'en dispose la doctrine de l'administration référencée dans la base Bofip-Impôts sous BOI-REC-FORCE-30-30-2012912, n° 90 ; dès lors qu'elle se borne à répondre à une obligation légale, elle ne peut être regardée comme accomplissant une quelconque activité économique au profit du Trésor, mais comme réalisant une simple opération de paiement ;
- la notion de " recouvrement de créances ", telle qu'entendue par la Cour de justice de l'Union européenne, suppose, y compris dans le cadre d'une interprétation large, qu'une prestation de service à titre onéreux soit rendue, analyse, de surcroît, corroborée par la qualification que donne le législateur des frais bancaires à l'article L. 312-1-3 du code monétaire et financier et qui, en ses points 6°, 7° et 8°, vise les frais par opposition à tiers détenteur, les frais par saisie-attribution et les frais par opposition administrative ; la définition que donne la Cour de justice d'une opération de recouvrement n'est donc pas applicable en l'espèce ;
- l'arrêt de la Cour n° 11VE01701 du 9 juillet 2013, dont se prévaut le ministre, est sans lien avec la présente affaire ; d'ailleurs, il en résulte que la banque en cause ne justifiait pas avoir facturé la taxe sur la valeur ajoutée sur les opérations effectuées au sein du secteur " recouvrement ".
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977 en matière d'harmonisation des législations des Etats membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires et la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Locatelli,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant qu'à la suite d'une vérification de comptabilité de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON portant sur la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2009, l'administration a estimé que les frais facturés par la caisse à ses clients faisant l'objet d'un avis à tiers détenteur (ATD) étaient passibles de la taxe sur la valeur ajoutée en ce que ces prestations, d'une part, n'entraient pas dans le champ de l'exonération de taxe prévue pour les opérations bancaires et financières au c du 1° de l'article 261 C du code général des impôts et, d'autre part, constituaient la contrepartie d'opérations de recouvrement de créances soumises à la taxe sur la valeur ajoutée ; que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON relève appel du jugement du 3 décembre 2015 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu partiel à statuer, a rejeté le surplus de sa demande en décharge des rappels de taxe résultant de ce chef de rectification ;
Sur le bien-fondé des rappels de taxe sur la valeur ajoutée :
En ce qui concerne l'application de la loi fiscale :
2. Considérant qu'aux termes des dispositions du 3 du d) du B de l'article 13 de la directive 77/388/CEE, reprises au d) du 1 de l'article 135 de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006, les États membres exonèrent de taxe sur la valeur ajoutée les opérations, y compris les négociations, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances ; qu'aux termes des dispositions de l'article 261 C du code général des impôts, pris pour leur transposition : " Sont exonérées de la taxe sur la valeur ajoutée : 1° Les opérations bancaires et financières suivantes : (...) c. Les opérations, y compris la négociation, concernant les dépôts de fonds, comptes courants, paiements, virements, créances, chèques et autres effets de commerce, à l'exception du recouvrement de créances (...). " ;
3. Considérant, en premier lieu, que les opérations auxquelles procède la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILON lorsque le compte de l'un de ses clients fait l'objet d'un avis à tiers détenteur sont rémunérées par des frais prévus à la convention de compte conclue avec ce client et constituent l'un des éléments du prix de la prestation de tenue de compte facturée à ce dernier ; qu'ainsi, ces frais ne visent pas à indemniser d'un quelconque préjudice la banque mais sont représentatifs d'un service rendu à son client sous la forme, notamment, d'opérations consistant à vérifier, au bénéfice de ce dernier, si le solde du compte permet le paiement total ou partiel de l'acte de poursuites, à procéder momentanément au blocage de ce solde ainsi qu'à calculer le solde effectivement disponible sur les comptes en fonction des opérations en cours et, à l'issue de cette procédure, à effectuer le paiement requis auprès du Trésor public lorsque le solde du compte le permet ; que ces frais constituent, dès lors, la contrepartie effective d'une prestation individualisable fournie dans le cadre d'un rapport juridique où des prestations réciproques sont échangées ; qu'ainsi, et alors même que les prestations au titre desquelles ces frais sont perçus ne constituent pas un service rémunéré rendu par la banque au Trésor public, elles entrent dans le champ de la législation relative à la taxe sur la valeur ajoutée ;
4. Considérant, en deuxième lieu, que si le service rendu par la banque à ceux de ses clients faisant l'objet d'un avis à tiers détenteur comprend, le cas échéant, des paiements, il comporte, comme il a été dit au point précédent, diverses opérations visant notamment à vérifier le solde du compte saisi, à procéder au blocage de ce solde et à calculer le solde disponible en fonction des opérations en cours ; que le service rendu ne se limite donc pas à un simple transfert de fonds entre le compte du client et celui du Trésor public qui peut d'ailleurs parfaitement ne pas intervenir si l'approvisionnement du compte client est insuffisant, mais vise, quelle que soit l'issue de la procédure, à assurer le paiement d'une dette d'argent ; qu'il constitue, de ce fait, une mesure de recouvrement de créances au sens des dispositions précitées de l'article 261 C du code général des impôts ;
5. Considérant, enfin, que les termes employés pour désigner les exonérations prévues au c. du 1° de l'article 261 C du code général des impôts sont d'interprétation stricte dès lors qu'elles constituent des dérogations au principe général selon lequel la taxe sur la valeur ajoutée est perçue sur chaque livraison de biens et chaque prestation de services effectuées à titre onéreux par un assujetti ; que la notion de " recouvrement de créances " en tant qu'exception à une disposition dérogatoire à l'application de la taxe sur la valeur ajoutée ayant pour effet de soumettre à cette taxe les opérations qu'elle vise, qui constitue la règle de droit commun de la sixième directive, doit dès lors recevoir une interprétation large ; que, par suite, et alors même que les opérations susmentionnées incluent des paiements, en principe exonérés de taxe sur la valeur ajoutée, les frais facturés par la caisse à ses clients faisant l'objet d'avis à tiers détenteur, en ce qu'ils se rapportent aux diverses opérations mentionnées aux points 4. et 5., constituent une opération unique de recouvrement soumise à la taxe sur la valeur ajoutée sans que la société requérante puisse utilement se prévaloir, dans le cadre du présent litige fiscal, de la définition des frais bancaires donnée par l'article L. 312-3 du code monétaire et financier ;
En ce qui concerne le bénéfice de l'interprétation administrative de la loi fiscale :
6. Considérant que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON n'est pas fondée à invoquer, sur le fondement de l'article
L. 80 A du livre des procédures fiscales, les termes de l'interprétation administrative de la loi fiscale référencée dans la base Bofip-Impôts sous BOI-REC-FORCE-30-30-2012912 en ce qu'elle se borne à décrire les règles que l'administration est tenue de respecter lorsqu'elle poursuit le recouvrement forcé de ses créances par avis à tiers détenteur ;
7. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir prononcé un non-lieu à statuer partiel, a rejeté le surplus de sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la CAISSE D'EPARGNE ET DE PREVOYANCE DU LANGUEDOC ROUSSILLON est rejetée.
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N° 16VE00326