Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...B...a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté en date du 29 août 2016 par lequel le préfet des Yvelines a décidé son transfert aux autorités hongroises responsables du traitement de sa demande d'asile.
Par un jugement n° 1608781 du 10 janvier 2017, le magistrat désigné du Tribunal administratif de Versailles a fait droit à sa demande et annulé l'arrêté du préfet des Yvelines en date du 29 août 2016.
Procédure devant la Cour :
Par un recours enregistré le 7 mars 2017, le préfet des Yvelines demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de M.B....
Le préfet des Yvelines soutient que, comme l'ont jugé de nombreuses juridictions, le risque de défaillances systémiques qui pèse sur le traitement des demandes d'asile en Hongrie n'est pas démontré.
.....................................................................................................................
Vu :
- la convention de Genève du 28 juillet 1951 relative au statut des réfugiés ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne (2000/C364/01) ;
- le règlement (UE) n° 603/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le règlement (UE) n° 604/2013 du parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Colrat,
- et les observations de Me A...pour M.B....
1. Considérant que le préfet des Yvelines relève appel du jugement du 10 janvier 2017 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté du 29 août 2016 par lequel il a remis M.B..., ressortissant afghan, aux autorités hongroises pour le traitement de sa demande d'asile ;
2. Considérant que, pour annuler l'arrêté litigieux, le Tribunal a estimé qu'il existait en Hongrie des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs entraînant un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ; qu'il en a déduit que l'arrêté litigieux avait été pris en méconnaissance du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article L. 742-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'autorité administrative estime que l'examen d'une demande d'asile relève de la compétence d'un autre Etat qu'elle entend requérir, l'étranger bénéficie du droit de se maintenir sur le territoire français jusqu'à la fin de la procédure de détermination de l'Etat responsable de l'examen de sa demande et, le cas échéant, jusqu'à son transfert effectif à destination de cet Etat. (...) Le présent article ne fait pas obstacle au droit souverain de l'Etat d'accorder l'asile à toute personne dont l'examen de la demande relève de la compétence d'un autre Etat. " ; qu'aux termes de l'article L. 742-3 du même code :
" (...) l'étranger dont l'examen de la demande d'asile relève de la responsabilité d'un autre Etat peut faire l'objet d'un transfert vers l'Etat responsable de cet examen. Toute décision de transfert fait l'objet d'une décision écrite motivée prise par l'autorité administrative. (...) " ; que, d'autre part, aux termes de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne :
" Nul ne peut être soumis à la torture, ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants" ;
et qu'aux termes du 2 de l'article 3 du règlement (UE) n° 604/2013 du Parlement européen et du Conseil du 26 juin 2013 : " (....) Lorsqu'il est impossible de transférer un demandeur vers l'État membre initialement désigné comme responsable parce qu'il y a de sérieuses raisons de croire qu'il existe dans cet État membre des défaillances systémiques dans la procédure d'asile et les conditions d'accueil des demandeurs, qui entraînent un risque de traitement inhumain ou dégradant au sens de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable poursuit l'examen des critères énoncés au chapitre III afin d'établir si un autre État membre peut être désigné comme responsable / Lorsqu'il est impossible de transférer le demandeur en vertu du présent paragraphe vers un État membre désigné sur la base des critères énoncés au chapitre III ou vers le premier État membre auprès duquel la demande a été introduite, l'État membre procédant à la détermination de l'État membre responsable devient l'État membre responsable " ;
4. Considérant qu'il résulte des dispositions citées plus haut que, si un État membre de l'Union européenne appliquant le règlement dit " Dublin III " est présumé respecter ses obligations découlant de l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, cette présomption est susceptible d'être renversée en cas de défaillances systémiques de la procédure d'asile et des conditions d'accueil des demandeurs d'asile dans l'État membre en cause, exposant ceux-ci à un risque de traitement inhumain ou dégradant prohibé par les stipulations de ce même article ; qu'en application des dispositions précitées du paragraphe 2 de l'article 3 du règlement n° 604/2013 du 26 juin 2013, il appartient au juge administratif de rechercher si, à la date d'édiction de la décision litigieuse et eu égard aux éléments produits devant lui et se rapportant à la procédure d'asile appliquée dans l'Etat membre initialement désigné comme responsable au sens de ces dispositions, il existait des motifs sérieux et avérés de croire qu'en cas de remise aux autorités de ce même Etat membre du demandeur d'asile, ce dernier n'aurait pu bénéficier d'un examen effectif de sa demande d'asile, notamment en raison d'un refus opposé à tout enregistrement des demandes d'asile ou d'une incapacité structurelle à mettre en oeuvre les règles afférentes à la procédure d'asile, ou si la situation générale du dispositif d'accueil des demandeurs d'asile dans ce même Etat était telle qu'un renvoi à destination de ce pays aurait exposé l'intéressé, de ce seul fait, à un risque de traitement prohibé par l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
5. Considérant que M. B...s'est prévalu devant le premier juge, au soutien de son moyen tiré de l'existence de défaillances systémiques en Hongrie, de l'ouverture en 2015 par la Commission européenne d'une procédure d'infraction à l'encontre de ce pays, notamment fondée sur le motif tiré de ce que les demandeurs d'asile ne pouvaient pas présenter, à l'appui d'un recours, des faits et circonstances nouveaux, le droit d'exercer un recours effectif devant un tribunal impartial étant ainsi méconnu ; qu'il s'est également référé aux observations du commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe, en date du
17 décembre 2015, selon lesquelles, notamment, les demandes d'asile déposées par les personnes renvoyées en Hongrie en application du règlement " Dublin III " ne sont généralement pas examinées au fond en raison de l'application de la notion de pays tiers sûr, exposant les demandeurs d'asile à un risque très élevé d'expulsion de refoulement vers d'autres pays ; que, toutefois, ainsi que le relève le préfet des Yvelines à l'appui de son appel, la procédure engagée au sujet de la Hongrie par la Commission européenne n'a pas donné lieu à ce stade à l'ouverture d'une procédure contentieuse devant la Cour de justice de l'Union européenne ; qu'en outre, il ressort des observations écrites du commissaire européen aux droits de l'homme du Conseil de l'Europe que le défaut d'examen au fond des demandes d'asile et l'application de la notion de pays tiers sûr peut être contestée si les intéressés établissent ne pas avoir pu formuler une demande d'asile dans ce pays dit d'origine sûre ; qu'ainsi, ces éléments relatifs à la législation hongroise en matière d'asile et aux conditions d'accueil des demandeurs d'asile en Hongrie ne sont pas, à eux seuls, de nature à renverser la présomption mentionnée au point 4, faute de manifester soit un refus qu'opposeraient les autorités hongroises à tout enregistrement des demandes d'asile, soit une incapacité structurelle de ces mêmes autorités d'examiner effectivement ces demandes, en méconnaissance de la convention de Genève de 1951 ;
6. Considérant que M. B...n'apporte aucun justificatif relatif aux conditions de son séjour en Hongrie susceptible d'établir qu'il serait personnellement exposé, en cas de transfert vers ce pays, à un risque de traitement prohibé par l'article 4 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ou l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
7. Considérant qu'il résulte de ce qui a été dit aux points précédents que les éléments avancés par M. B...ne sont pas de nature à faire naître de sérieuses raisons de croire qu'existeraient dans la procédure d'asile susceptible de lui être appliquée en Hongrie des défaillances systémiques, au sens du 2 de l'article 3 du règlement du 26 juin 2013 mentionné
ci-dessus, aptes à renverser la présomption mentionnée au point 4 ; que, par suite, le préfet des Yvelines est fondé à soutenir que c'est à tort que le magistrat désigné par le président du Tribunal administratif de Versailles a annulé l'arrêté ordonnant la remise de M. B...aux autorités hongroises ;
8. Considérant qu'il appartient à la Cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. B...devant le Tribunal administratif de Versailles ;
9. Considérant que l'arrêté litigieux précise les considérations de fait et de droit qui le fondent, permettant à l'intéressé d'en contester utilement les motifs ; qu'il remplit ainsi les conditions de motivation des actes administratifs prévues aux articles L. 211-2 et L. 211-5 du code des relations entre le public et l'administration ;
10. Considérant qu'à la différence de l'obligation d'information instituée par le règlement (UE) n° 604/2013 du 26 juin 2013 susvisé, qui prévoit un document d'information sur les droits et obligations des demandeurs d'asile, dont la remise doit intervenir au début de la procédure d'examen des demandes d'asile pour permettre aux intéressés de présenter utilement leur demande aux autorités compétentes, l'obligation d'information prévue par les dispositions de l'article 29, paragraphe 1, du règlement (UE) n° 603/2013 du 26 juin 2013 susvisé, a uniquement pour objet et pour effet de permettre d'assurer la protection effective des données personnelles des demandeurs d'asile concernés, laquelle est garantie par l'ensemble des Etats membres relevant du régime européen d'asile commun ; que le droit d'information des demandeurs d'asile contribue, au même titre que le droit de communication, le droit de rectification et le droit d'effacement de ces données, à cette protection ; que, par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette obligation d'information est inopérant à l'encontre de l'arrêté en litige portant remise de M. B...aux autorités compétentes pour examiner sa demande d'asile ; qu'en tout état de cause, l'intéressé s'est vu remettre par les services de la préfecture le guide relatif aux données traitées par Eurodac établi par la Commission européenne, comportant les informations mentionnées aux dispositions précitées ; que, par suite, le moyen tiré de l'insuffisante information donnée au requérant sur le relevé d'empreintes digitales doit être écarté ;
11. Considérant que l'erreur manifeste d'appréciation alléguée n'est pas établie par les seuls arguments avancés par M.B..., ni par les documents qu'il produit ;
12. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la demande de M. B...doit être rejetée ; que, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement n° 1608781 du 10 janvier 2017 du Tribunal administratif de Versailles est annulé.
Article 2 : La demande présentée par M. B...devant le Tribunal administratif de Versailles ainsi que ses conclusions présentées en appel sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
2
N° 17VE00797