Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La SA HOP!-REGIONAL a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée auxquels elle a été assujettie à hauteur de 1 221 263 euros au titre de la période allant du 1er avril 2005 au 31 mars 2007, ainsi que des intérêts de retard correspondants.
Par un jugement n° 1309288 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 29 juillet 2016 et le 19 décembre 2017, la SA HOP!- REGIONAL, représentée par Me B...et MeA..., avocats, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de prononcer, à titre principal, la décharge des rappels de taxe sur la valeur ajoutée en litige et, à titre subsidiaire, leur réduction à hauteur d'une somme de 486 260 euros, en droits et intérêts de retard correspondants à la taxe dont ont été passibles les billets remboursables ;
3° de mettre à la charge de l'Etat le versement d'une somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la solution retenue par le Tribunal administratif de Montreuil méconnaît le droit français des obligations et les règles régissant le contrat de transport aérien de passager ; en effet, la prestation de transport n'est réalisée qu'aux termes des opérations d'embarquement et de débarquement ainsi qu'en a jugé la Cour de justice de l'Union européenne dans son arrêt Rehder du 9 juillet 2009 (C-204/08, point 26) ; or, l'affirmation de la Cour de justice, dans son arrêt
C-250/14 du 21 décembre 2015, suivant laquelle " la compagnie aérienne réalise la prestation dès lors qu'elle met le passager en mesure de bénéficier de ces prestations " " indépendamment du fait que le passager mette en oeuvre ce droit " est peu justifiable au regard du droit des obligations ; en effet, aucune prestation n'est, d'évidence, réalisée lorsque le passager ne se présente pas en temps utile à l'embarquement, la Cour de justice en convenant au point 25 de son arrêt ; ainsi, il est matériellement impossible qu'une prestation soit effectuée ou réalisée au moment de la délivrance du billet ;
- le raisonnement développé par la Cour de justice est vicié par un " anachronisme dirimant " rendant sa décision inapplicable ; la compagnie ignore, au moment de l'achat du billet, si le client en fera un usage effectif ; il en résulte, d'un point de vue strictement chronologique, que la taxe sur la valeur ajoutée ne saurait être exigible dès l'achat du billet ;
- les éléments propres à caractériser la future prestation de transport ne sont pas connus et identifiés avec suffisamment de précision au moment de l'achat du billet ; les sommes encaissées à ce titre ne peuvent donc constituer des acomptes imposables à la taxe sur la valeur ajoutée ;
- le jugement attaqué élargit, à tort, la solution de la Cour de justice à l'hypothèse des billets remboursables, dont la Cour de justice n'était pas saisie ; dans cette dernière hypothèse, la vente du billet n'est ni ferme, ni définitive dès lors que le client a la possibilité de se dédire ; pour assujettir à la taxe sur la valeur ajoutée le montant de ces billets, le tribunal ne pouvait dès lors se fonder sur l'arrêt rendu par la Cour de justice le 23 décembre 2015 dès lors qu'aucune prestation ni aucun acompte taxable ne peut être constaté au moment de la délivrance de billets de cette sorte, les sommes perçues présentant un caractère provisoire et incertain ;
- il appartient à la Cour de statuer, en toute indépendance, sur l'ensemble de cette affaire et, a fortiori, sur le cas des billets remboursables non traités par la Cour de justice représentant plus du tiers en valeur des billets domestiques émis et non utilisés sur la période ainsi qu'il résulte du travail, vérifiable, de la société ATPCO portant sur des données, exhaustives relatives aux billets émis et non utilisés au cours de la période vérifiée.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la sixième directive 77/388/CEE du Conseil des Communautés européennes du 17 mai 1977, en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires ;
- le code de la consommation ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- l'arrêt de la Cour de justice de l'Union européenne du 23 décembre 2015, Air France KLM et Hop ! Brit Air SAS (aff. 250/14 et 289/14) ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bresse,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la SA HOP!-REGIONAL est une compagnie aérienne qui exerce à titre principal l'exploitation de lignes commerciales notamment dans le cadre d'un contrat de franchise conclu avec la SA Air France ; que cette dernière reste en charge de la billetterie et reverse le prix des billets perçu à la SA HOP!- REGIONAL ; que les recettes résultant de la vente des billets émis non utilisés sont conservées par la SA Air France qui cependant verse en contrepartie une somme forfaitaire annuelle à hauteur d'un pourcentage variable du chiffre d'affaire annuel total réalisé par le franchisé ; que la SA HOP !- REGIONAL a estimé que cette dernière somme n'entrait pas dans le champ de la taxe sur la valeur ajoutée ; qu'à l'issue d'une vérification de comptabilité de la SA HOP!- REGIONAL, l'administration lui a notifié, au titre de la période du 1er avril 2005 au 31 mars 2007, des rappels de taxe sur la valeur ajoutée au taux réduit de 5,5 % portant sur les sommes qui lui étaient reversées par la société Air France et correspondant à la vente des billets périmés ou inutilisés dans leur délai de validité ; que la société requérante relève appel du jugement du 16 juin 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande tendant à la décharge de ces rappels de taxe sur la valeur ajoutée ;
2. Considérant qu'aux termes de l'article 256 du code général des impôts : " I. Sont soumises à la taxe sur la valeur ajoutée les livraisons de biens et les prestations de services effectuées à titre onéreux par un assujetti agissant en tant que tel. (...) " ; qu'aux termes de l'article 269 de ce code : " 1. Le fait générateur de la taxe se produit : / a) Au moment où la livraison, l'acquisition intracommunautaire du bien ou la prestation de services est effectué ; / (...) 2. La taxe est exigible : / a) Pour les livraisons et les achats visés au a du 1 et pour les opérations mentionnées aux b et d du même 1, lors de la réalisation du fait générateur ; / (...) c) Pour les prestations de services autres que celles visées au b bis, lors de l'encaissement des acomptes, du prix, de la rémunération ou, sur option du redevable, d'après les débits. (...) " ;
3. Considérant, d'une part, qu'aux termes de l'article 2, point 1, de la sixième directive, dont l'article 256 du code général des impôts assure la transposition : " Sont soumises à la TVA les prestations de services effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti agissant en tant que tel " ; que, dans l'arrêt C-250/14 du 23 décembre 2015 par lequel elle s'est prononcée sur les questions dont le Conseil d'État, statuant au contentieux, l'avait saisie à titre préjudiciel, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit que les services dont la fourniture correspond à l'exécution des obligations découlant d'un contrat de transport aérien de personnes sont l'enregistrement ainsi que l'embarquement des passagers et l'accueil de ces derniers à bord de l'avion au lieu de décollage convenu dans le contrat de transport en cause, le départ de l'appareil à l'heure prévue, le transport des passagers et de leurs bagages du lieu de départ au lieu d'arrivée, la prise en charge des passagers pendant le vol et, enfin, le débarquement de ceux-ci, dans des conditions de sécurité, au lieu d'atterrissage et à l'heure convenus dans ce contrat ; que, toutefois, dès lors que la réalisation de ces prestations n'est possible qu'à la condition que le passager de la compagnie aérienne se présente à la date et au lieu de l'embarquement prévus, la contre-valeur du prix versé lors de l'achat du billet est constituée par le droit qu'en tire le passager de bénéficier de l'exécution des obligations découlant du contrat de transport, indépendamment du fait qu'il mette en oeuvre ce droit, la compagnie aérienne réalisant la prestation dès lors qu'elle met le passager en mesure de bénéficier de ces prestations ;
4. Considérant, d'autre part, qu'aux termes de l'article 10, paragraphe 2 de la sixième directive : " Le fait générateur de la taxe intervient et la taxe devient exigible au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée. (...) / Toutefois en cas de versements d'acomptes avant que la livraison de biens ou la prestation de services ne soit effectuée, la taxe devient exigible au moment de l'encaissement à concurrence du montant encaissé " ; qu'il résulte de l'interprétation de ces dispositions retenue par la Cour de justice de l'Union européenne que si le fait générateur de la taxe sur la valeur ajoutée et son exigibilité interviennent en principe au moment où la livraison du bien ou la prestation de services est effectuée, elle devient toutefois exigible dès l'encaissement, à concurrence du montant encaissé, lorsque des acomptes sont versés avant que la prestation de services ne soit effectuée ; que, pour que la taxe sur la valeur ajoutée soit exigible sans que la prestation ait encore été effectuée, il faut et il suffit que tous les éléments pertinents du fait générateur, c'est-à-dire de la future prestation, soient déjà connus et donc, en particulier, que, au moment du versement de l'acompte, les biens ou les services soient désignés avec précision ; qu'enfin, le caractère intégral et non partiel du paiement du prix n'est pas susceptible de remettre en cause une telle interprétation ; que, dans l'arrêt C-250/14 du 23 décembre 2015, la Cour de justice de l'Union européenne a dit pour droit, d'une part que, s'agissant des prestations en litige, les conditions d'application du paragraphe 2 précité de l'article 10 de la directive étaient susceptibles d'être réunies pour autant que l'ensemble des éléments de la future prestation de transport sont déjà connus et identifiés avec précision au moment de l'achat du billet, d'autre part que, dès lors que, dans l'hypothèse d'un passager défaillant, la compagnie aérienne qui vend un billet de transport remplit ses obligations contractuelles en mettant le passager en mesure de faire valoir ses droits aux prestations prévues par le contrat de transport, la taxe sur la valeur ajoutée acquittée au moment de l'achat du billet d'avion par le passager qui n'a pas utilisé son billet devient exigible au moment de l'encaissement du prix du billet, que ce soit par la compagnie aérienne elle-même, par un tiers agissant en son nom et pour son compte, ou par un tiers agissant en son nom propre, mais pour le compte de la compagnie aérienne ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que l'ensemble des éléments de la future prestation de transport sont déjà connus et identifiés avec précision au moment de l'achat du billet ; que, dans la mesure où le fait générateur de la prestation acquise par le passager est constitué par la réalisation effective du voyage ou par l'expiration des obligations contractuelles du transporteur aérien, l'exigibilité de la taxe qui, pour les prestations de service de transport, résulte de l'encaissement du prix par l'opérateur en charge de sa réalisation, est constituée dès l'achat du billet, indépendamment du fait que le client mette ou non en oeuvre le droit qu'il tire du contrat de transport, celui-ci étant mis en mesure, dès l'achat du billet, de bénéficier de la prestation de transport ainsi acquise ; que, par suite, la SA HOP!- REGIONAL n'est pas fondée à soutenir, d'une part que le tribunal a méconnu le droit français des obligations afférent au contrat de transport aérien ou aurait commis un " anachronisme dirimant " et, d'autre part que l'ensemble des informations relatives à la prestation de transport n'étaient pas connues lors de l'achat du billet et que la taxe n'était pas exigible dès l'encaissement du prix de celui-ci dès lors que la prestation de transport et, par suite, le fait générateur de la taxe n'étaient pas encore intervenus ;
6. Considérant, toutefois, que la SA HOP!- REGIONAL, soutient, à titre subsidiaire, et pour la première fois en appel, que la solution retenue par la Cour de justice dans son arrêt du
23 décembre 2015 ne pouvait être étendue à l'hypothèse de billets remboursables, qui ont concerné au titre de la période vérifiée, environ 30 % des sommes imposées à la taxe sur la valeur ajoutée dès lors que, en pareil cas, le passager conserve la possibilité de se dédire du contrat de transport aérien ;
7. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les billets remboursables dont s'agit concernent uniquement les billets qui, remboursables sur une période déterminée lors de leur émission, n'ont pas été effectivement échangés, utilisés ou remboursés au cours de leur période de validité ; qu'il y a lieu d'en déduire que les billets en cause participent des lots de billets émis non utilisés ou périmés, enregistrés comme tels en comptabilité, et dont il n'est pas contesté qu'ils ont, seuls, donnés lieu aux rehaussements en litige ; qu'il ne résulte pas de l'instruction, notamment des derniers éléments transmis par la société requérante à la Cour que, en ce qui concerne les billets remboursables à l'origine, l'ensemble des éléments pertinents relatifs à la future prestation de transport aérien n'étaient pas connus lors de leur émission et de leur achat ; qu'ainsi, et dans la mesure où ces billets n'ont été pas échangés, remboursés ou utilisés au cours de leur période de validité, ils doivent recevoir le même traitement fiscal au regard de l'exigibilité de la taxe sur la valeur ajoutée que les billets émis et non utilisés qui n'avaient aucun caractère remboursable lors de leur émission ;
8. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que la SA HOP!- REGIONAL n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées ;
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SA HOP!- REGIONAL est rejetée.
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N° 16VE02452