Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société GRDF a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de frais de gestion mis à sa charge au titre des années 2010 et 2011 à hauteur des réintégrations prononcées pour un montant total de 532 447 euros.
Par un jugement n° 1500869 du 16 juin 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société GRDF la décharge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de frais de gestion et de taxe additionnelle auxquelles elle a été assujettie au titre des exercices clos en 2010 et 2011 résultant de la prise en compte des dépenses de formation versées à des organismes extérieurs au titre de la formation professionnelle continue de ses employés dans le calcul de sa valeur ajoutée et a rejeté le surplus des conclusions de sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête, enregistrée le 26 juillet 2016 et des mémoires, enregistrés le 15 juin 2017 et le 15 juin 2018, la société GRDF, représentée par Me Badinier, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande ;
2° de prononcer la décharge des impositions en litige ;
3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient, dans le dernier état de ses écritures, que :
- elle est en droit de déduire les dépenses de mécénat qu'elle a supportées par application des principes dégagés par la décision du Conseil d'État du 9 mai 2018 n° 388209 Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Pyrénées Gascogne en matière de taxe professionnelle, qui admet que les dépenses récurrentes de mécénat sont déductibles de la valeur ajoutée telle que définie à l'article 1647 B sexies du code général des impôts ; les principes ainsi fixés sont, en effet, transposables pour la mise en oeuvre de l'article 1586 sexies du code général des impôts en matière de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ;
- les dépenses de mécénat qu'elle a exposées dans le cadre de plans pluriannuels ont présenté un caractère récurrent et ont ainsi été régulièrement comptabilisées en tant que charges courantes dans le compte 623 ainsi qu'en atteste une note interne ;
- une comptabilisation de ces dépenses au compte 67 comme charges exceptionnelles n'aurait pas été conforme au Plan comptable général au vu des engagements pris à long terme.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bresse, président-rapporteur,
- et les conclusions de M. Skzryerbak, rapporteur public.
1. Considérant que la société GRDF a fait l'objet d'une vérification de comptabilité portant sur les exercices clos en 2010 et 2011, à l'issue de laquelle a été remise en cause la déductibilité, pour le calcul de sa valeur ajoutée, des dépenses de formation versées à des organismes extérieurs au titre de la formation professionnelle continue de ses employés et des dépenses de mécénat ; que, par suite, ont été mis à sa charge des suppléments de cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de frais de gestion au titre des années 2010 et 2011 ; que la société requérante demande à la Cour d'annuler le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 16 juin 2016 en tant qu'il a rejeté le surplus des conclusions de sa demande de décharge de ces impositions supplémentaires découlant de la réintégration des dépenses de mécénat dans le calcul de sa valeur ajoutée ;
Sur le bien-fondé des impositions en litige :
2. Considérant qu'aux termes de l'article 1586 ter du code général des impôts : " I.-Les personnes physiques ou morales ainsi que les sociétés non dotées de la personnalité morale et les fiduciaires pour leur activité exercée en vertu d'un contrat de fiducie qui exercent une activité dans les conditions fixées aux articles 1447 et 1447 bis et dont le chiffre d'affaires est supérieur à 152 500 euros sont soumises à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises. / II.-1. La cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises est égale à une fraction de la valeur ajoutée produite par l'entreprise, telle que définie à l'article 1586 sexies " ; qu'aux termes du I de l'article 1586 sexies du même code : " 4. La valeur ajoutée est égale à la différence entre : / a) D'une part, le chiffre d'affaires tel qu'il est défini au 1, majoré ... b) Et, d'autre part : / -les achats stockés de matières premières et autres approvisionnements, les achats d'études et prestations de services, les achats de matériel, équipements et travaux, les achats non stockés de matières et fournitures, les achats de marchandises et les frais accessoires d'achat ; / - diminués des rabais, remises et ristournes obtenus sur achats ; / - la variation négative des stocks ; / - les services extérieurs diminués des rabais, remises et ristournes obtenus... / - les autres charges de gestion courante, autres que les quotes-parts de résultat sur opérations faites en commun ; / - les abandons de créances à caractère financier, à la hauteur du montant déductible des résultats imposables à l'impôt sur le revenu ou à l'impôt sur les sociétés ; / - les dotations aux amortissements pour dépréciation afférentes aux biens corporels donnés en location ou sous-location pour une durée de plus de six mois, donnés en crédit-bail ou faisant l'objet d'un contrat de location-gérance, en proportion de la seule période de location, de sous-location, de crédit-bail ou de location-gérance ; / - les moins-values de cession d'éléments d'immobilisations corporelles et incorporelles, lorsqu'elles se rapportent à une activité normale et courante " ; qu'aux termes de l'article 1600 de ce code : " III. 1. La taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises mentionnée au 1. est égale à une fraction de la cotisation visée à l'article 1586 ter due par les entreprises redevables après application de l'article 1586 quater " ;
3. Considérant que les dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises ; qu'il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée ;
4. Considérant qu'en l'absence de dispositions spécifiques pour la comptabilisation des dépenses de mécénat, il y a lieu de rattacher ces dépenses aux dons, lesquels doivent être enregistrés, selon le cas, dans les charges d'exploitation mentionnées au compte 6238 " divers (pourboires, dons courants...) " ou dans les charges exceptionnelles mentionnées au compte 6713 " dons, libéralités " ; que les dépenses de mécénat réalisées par une entreprise doivent, ainsi, être comptabilisées en charges exceptionnelles lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et en charges d'exploitation dans le cas contraire ;
5. Considérant qu'il résulte de l'instruction que les dépenses de mécénat exposées par la société GRDF ont été comptabilisées durant les années en cause au compte 623 " publicité, publications, relations publique " ; que cette comptabilisation était régulière dès lors que les dépenses de mécénat en cause qui s'inscrivent dans le cadre de plans pluriannuels mis en place par l'entreprise présentent un caractère récurrent ; que, par voie de conséquence, la société GRDF est fondée à soutenir qu'elles devaient être admises en déduction pour le calcul de la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 1586 sexies du code général des impôts sans que le ministre puisse faire valoir utilement l'absence de contreparties suffisantes ou encore que les dépenses de mécénat ouvrent droit à une réduction d'impôt en matière d'impôt sur les sociétés ;
6. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède et sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête que la société GRDF est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a partiellement rejeté sa demande ;
Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
7. Considérant qu'il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2000 euros au titre des frais exposés par la société GRDF et non compris dans les dépens ;
DÉCIDE :
Article 1er : Les dépenses de mécénat d'un montant de 186 461 euros en 2010 et de 390 394 euros en 2011 exposées par la société GRDF sont admises en déduction de la valeur ajoutée de l'entreprise.
Article 2 : La société GRDF est déchargée de la différence entre les suppléments de cotisations sur la valeur ajoutée des entreprises, de taxe additionnelle à la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises et de frais de gestion restant à sa charge au titre des années 2010 et 2011 et ceux qui résultent de l'article 1er ci-dessus.
Article 3 : Le jugement n° 1500869 du Tribunal administratif de Montreuil du 16 juin 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'État versera la somme de 2000 euros à la société GRDF au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la société GRDF présenté au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative est rejeté.
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