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27/11/2018 | FRANCE | N°17VE00637

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 3ème chambre, 27 novembre 2018, 17VE00637


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à hauteur de la somme de 753 575 euros.

Par un jugement n° 1506652 du 29 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et

DOHME-CHIBRET (LMSDC).

Procédure devant la Cour :


Par une requête, enregistrée le 27 février 2017, et des mémoires, enregistrés le 12 juillet 20...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) a demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 2008 à hauteur de la somme de 753 575 euros.

Par un jugement n° 1506652 du 29 décembre 2016, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté la demande de la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et

DOHME-CHIBRET (LMSDC).

Procédure devant la Cour :

Par une requête, enregistrée le 27 février 2017, et des mémoires, enregistrés le 12 juillet 2017, les 12 juin et 14 septembre 2018, la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC), représentée par Me Martenot, avocat, demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de prononcer la restitution des impositions en litige ;

3° de mettre à la charge de l'État le versement de la somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient dans le dernier état de ses écritures que :

- elle est en droit de déduire pour le calcul de sa valeur ajoutée au regard des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, les remises conventionnelles sur les ventes de médicaments consenties à l'Agence centrale des organismes de sécurité sociale (ACOSS) dès lors qu'il résulte de la convention pluriannuelle conclue avec le Comité économique des produits de santé (CEPS) que les remises sont pour l'essentiel des remises par produit et non des remises quantitatives visées à l'article L. 162-18 du code la santé publique ayant une incidence sur le prix de vente ainsi négocié ; les remises ainsi consenties qui ne sont prévues ni par la loi, ni par un accord-cadre constituent des remises, rabais, ristournes au sens commercial et au sens du plan comptable général déductibles de la valeur ajoutée ;

- les remises quantitatives prévues par l'article L. 162-18 du code de la santé publique qui résultent d'une obligation contractuelle en vertu d'une négociation avec le CEPS constituent des remises ou ristournes venant en déduction de son chiffre d'affaires et répondent à la définition des réductions sur vente du plan comptable général quand bien même elles auraient fait l'objet d'une comptabilisation erronée ; le fait que ces remises ne seraient pas versées directement aux clients demeure sans incidence sur leur qualification dès lors que l'instruction administrative référencée 3 B-4-06 admet que les rabais peuvent correspondre à des sommes versées au client final et non au client direct et dès lors qu'au plan économique global c'est l'Etat et non le consommateur qui assume le coût financier des médicaments comme l'admet la Compagnie Nationale des Commissaires aux comptes ; une analyse similaire a été admise par la Cour de justice des communautés européennes en matière de taxe sur la valeur ajoutée notamment dans l'affaire C- 462/16 Finanzamt Bingen-Alzey c/ Boehringer Ingelheim Pharma GmbH et Co KG à propos des remises consenties par les fabricants allemands de médicaments aux assureurs publics ou privés ;

- en tout état de cause, les remises en cause ont été correctement comptabilisées en tant que " consommations de biens et services en provenance de tiers " déductibles de la valeur ajoutée par application de l'article 1647 B sexies du code général des impôts ;

- le refus d'admettre en déduction les remises conventionnelles conduit à une inégalité de traitement entre les opérateurs du secteur du médicament, selon qu'ils négocient des remises conventionnelles ou des réductions faciales du prix de vente ; les opérateurs en cause se trouvant dans une situation objectivement comparable, il en résulte une différence de traitement contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789 ;

- elle est également en droit de déduire les dépenses de mécénat qu'elle a supportées par application des principes dégagés récemment par la décision du Conseil d'Etat du 9 mai 2018

n° 388209 Caisse Régionale du Crédit Agricole Mutuel de Pyrénées Gascogne qui admet que les dépenses de mécénat sont déductibles de la valeur ajoutée des établissements bancaires lorsqu'elles présentent un caractère récurrent ; les principes ainsi fixés sont transposables à son cas ; en effet, les dépenses de mécénat qu'elle a exposées dans le cadre de plans pluriannuels ont présenté un caractère récurrent dans le cadre des évolutions récentes en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) ; au titre de l'année 2008, les dépenses engagées ont été comptabilisées au compte 62 " Autres achats et charges externes " comme se rattachant à son activité courante.

- les instructions administratives référencées 4 C-2-00 et 4 C-5-04 confirment le bien-fondé de sa position.

..........................................................................................................

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la Constitution, notamment son Préambule ;

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Bresse,

- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,

- et les observations de Me Kerjouan, avocat de la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC),

Considérant ce qui suit :

1. La SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) a fait l'objet d'une vérification de comptabilité en matière de plafonnement sur la valeur ajoutée au titre de l'année 2008 à l'issue de laquelle a été remise en cause, notamment, la déductibilité, pour le calcul de sa valeur ajoutée, des remises conventionnelles consenties à l'ACOSS sur les ventes de médicaments et des dépenses de mécénat. Par suite, ont été mises à sa charge des cotisations supplémentaires de taxe professionnelle au titre de l'année 2008. La société requérante demande à la Cour d'annuler le jugement du 29 décembre 2016 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande de réduction de ces impositions supplémentaires.

Sur le bien-fondé des impositions en litige :

2. Aux termes de l'article 1647 B sexies du code général des impôts alors applicable :

" (...) II. 1. La valeur ajoutée (...) est égale à l'excédent hors taxe de la production sur les consommations de biens et services en provenance de tiers (...) / 2. Pour la généralité des entreprises, la production de l'exercice est égale à la différence entre : / d'une part, les ventes, les travaux, les prestations de services ou les recettes, les produits accessoires ; les subventions d'exploitation ; les ristournes, rabais et remises obtenus ; les travaux faits par l'entreprise pour elle-même ; les stocks à la fin de l'exercice ; / et, d'autre part, les achats de matières et marchandises, droits de douane compris ; les réductions sur ventes ; les stocks au début de l'exercice. / Les consommations de biens et services en provenance de tiers comprennent : les travaux, fournitures et services extérieurs, à l'exception des loyers afférents aux biens pris en crédit-bail, ou des loyers afférents à des biens, visés au a du 1° de l'article 1467, pris en location par un assujetti à la taxe professionnelle pour une durée de plus de six mois ou des redevances afférentes à ces biens résultant d'une convention de location-gérance, les frais de transports et déplacements, les frais divers de gestion (...) ".

En ce qui concerne la déduction des remises conventionnelles consenties à l'ACOSS :

3. Il résulte des dispositions de l'article L. 162-18 du code de la sécurité sociale que les entreprises qui exploitent une ou plusieurs spécialités pharmaceutiques remboursables peuvent s'engager à faire bénéficier diverses caisses d'assurances maladie de remises sur tout ou partie du chiffre d'affaires de ces spécialités réalisé en France. En particulier, ces entreprises peuvent conclure une convention avec le Comité économique des produits de santé, qui comporte notamment des engagements portant sur leur chiffre d'affaires et dont le non-respect peut entraîner le versement de telles remises. Un tel conventionnement leur permet de ne pas être redevables de la contribution prévue par les dispositions de l'article L. 138-10 du même code lorsque leur chiffre d'affaires de l'année civile s'est accru, par rapport au chiffre d'affaires réalisé l'année précédente, d'un pourcentage excédant le taux de progression de l'objectif national de dépenses d'assurance maladie. Dans ces conditions, ces remises, qu'elles soient d'ailleurs consenties par produit ou globalement par quantité, qui sont directement versées à l'assurance-maladie, ne constituent pas des avantages tarifaires consentis par les entreprises pour fidéliser leur clientèle, mais un mécanisme visant à réduire les dépenses d'assurance-maladie. Par suite, elles ne sauraient être regardées comme des " réductions sur ventes " au sens des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, interprétées à la lumière du compte 709 " rabais, remises, ristournes " du plan comptable général sans que la société requérante puisse utilement invoquer la jurisprudence rendue par la Cour de justice de l'Union européenne en matière de taxe sur la valeur ajoutée, s'agissant de la taxe professionnelle, imposition d'une nature différente, au demeurant non régie par le droit de l'Union.

4. La SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) ne saurait invoquer utilement sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales, l'instruction administrative référencée 3 B-4-06, qui n'est pas relative aux remises conventionnelles en litige, ni d'ailleurs à la taxe professionnelle, mais à la taxe sur la valeur ajoutée.

5. Par ailleurs, les remises ainsi versées ne sauraient davantage être assimilées à des " consommations de biens et services en provenance de tiers " au sens de l'article 1647 B sexies du code général des impôts, en l'absence de toute contrepartie en termes de bien ou de service. Dès lors, la société ne saurait valablement soutenir qu'elle avait, à bon droit, comptabilisé ces sommes au compte 65 " Autres charges de gestion courante ".

6. Enfin, la SAS requérante ne saurait, en tout état de cause, invoquer utilement qu'il en découlerait une rupture d'égalité contraire à l'article 13 de la Déclaration des droits de l'homme et du citoyen de 1789, dès lors que les opérateurs qui choisissent d'acquitter la contribution prévue à l'article L. 138-10 du code de la sécurité sociale et ceux qui choisissent de passer la convention prévue par l'article L. 162-18 du même code ne se trouvent pas, en conséquence de ce libre choix, dans la même situation.

7. En conséquence, c'est à juste titre que le service a estimé que ces remises ne venaient pas en diminution des produits comptabilisés pour la détermination de la valeur ajoutée définie par l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

En ce qui concerne la déduction des dépenses de mécénat :

8. Les dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts fixent la liste limitative des catégories d'éléments comptables qui doivent être pris en compte dans le calcul de la valeur ajoutée servant de base à la taxe professionnelle. Il y a lieu, pour déterminer si une charge ou un produit se rattache à l'une de ces catégories, de se reporter aux normes comptables, dans leur rédaction en vigueur lors de l'année d'imposition concernée.

9. En l'absence de dispositions spécifiques pour la comptabilisation des dépenses de mécénat, il y a lieu de rattacher ces dépenses aux dons, lesquels doivent être enregistrés, selon le cas, dans les charges d'exploitation mentionnées au compte 6238 " divers (pourboires, dons courants...) " ou dans les charges exceptionnelles mentionnées au compte 6713 " dons, libéralités ". Les dépenses de mécénat réalisées par une entreprise doivent, ainsi, être comptabilisées en charges exceptionnelles lorsqu'elles ne peuvent pas être regardées, compte tenu des circonstances de fait, notamment de leur absence de caractère récurrent, comme relevant de l'activité habituelle et ordinaire de l'entreprise et en charges d'exploitation dans le cas contraire.

10. Il résulte de l'instruction que les dépenses de mécénat exposées par la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) pour un montant

de 2 779 099 euros ont été comptabilisées durant l'année 2008 au compte 62 " Autres achats et charges externes ". Cette comptabilisation était régulière dès lors que la société requérante soutient sans être contestée que les dépenses de mécénat en cause s'inscrivent dans le cadre de dépenses régulières exposées dans le cadre des évolutions en matière de Responsabilité Sociétale des Entreprises (RSE) et de développement durable. Par voie de conséquence, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'autre moyen présenté à ce titre, la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) est fondée à soutenir qu'elles présentaient un caractère récurrent et devaient, par voie de conséquence, être admises en déduction en tant que charges courantes pour le calcul de la valeur ajoutée en application des dispositions de l'article 1647 B sexies du code général des impôts.

11. Il résulte de tout ce qui précède que la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) est seulement fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté sa demande en tant qu'elle portait sur le refus d'admettre en déduction de la valeur ajoutée de l'année 2008 un montant

de 2 779 099 euros de dépenses de mécénat et a refusé, de prononcer, dans cette mesure, une réduction de la cotisation supplémentaire de taxe professionnelle mise à sa charge au titre de l'année 2008.

Sur l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Les dépenses de mécénat d'un montant de 2 779 099 euros exposées en 2008 par la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) sont admises en déduction de la valeur ajoutée de l'entreprise de cette année.

Article 2 : La SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) est déchargée de la différence entre les cotisations supplémentaires de taxe professionnelle mises à sa charge au titre de l'année 2008 et celles qui résultent de l'article 1er ci-dessus.

Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 29 décembre 2016 est réformé en ce qu'il a de contraire aux articles 1er et 2 ci-dessus.

Article 4 : L'Etat versera la somme de 2 000 euros à la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de la SAS LABORATOIRES MERCK SHARP et DOHME-CHIBRET (LMSDC) est rejeté.

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N° 17VE00637


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE00637
Date de la décision : 27/11/2018
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-03-04-04 Contributions et taxes. Impositions locales ainsi que taxes assimilées et redevances. Taxe professionnelle. Assiette.


Composition du Tribunal
Président : M. BRESSE
Rapporteur ?: M. Patrick BRESSE
Rapporteur public ?: M. HUON
Avocat(s) : CABINET FIDAL DIRECTION INTERNATIONALE

Origine de la décision
Date de l'import : 04/12/2018
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2018-11-27;17ve00637 ?
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