Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. C...A...a demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise l'annulation, d'une part, de l'arrêté du 14 juin 2017 par lequel le préfet des Hauts-de-Seine a rejeté sa demande de délivrance d'un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé son pays de destination et, d'autre part, de la décision du 18 mai 2017 par laquelle le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de l'autoriser à exercer une activité salariée sur le territoire français pour le compte de la société Diplomeo.
Par un jugement nos 1706225 et 1706226 du 17 mai 2018, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 11 juin 2018 et 21 mars 2019, M. A..., représenté par Me Gérard Tcholakian, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 14 juin 2017 et la décision du 18 mai 2017 ;
3° d'enjoindre au préfet des Hauts-de-Seine, à titre principal, de lui délivrer une autorisation de travail, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, à titre subsidiaire, de lui délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié " ou, à défaut, de réexaminer sa demande de titre de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4° de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision du 18 mai 2017 est entachée d'une erreur de droit, le préfet ayant fait application de l'article R. 5221-20 du code du travail alors que sa situation est entièrement régie par l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, complété par le protocole du 28 avril 2008 ;
- elle méconnaît la circulaire du 31 juillet 2009 relative au protocole du 28 avril 2008 ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors que le préfet lui a, à tort, opposé la situation de l'emploi pour l'application de l'article 3 de l'accord du 17 mars 1988 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation en ce que le préfet a estimé, à tort, d'une part, que sa formation académique et son stage étaient sans lien avec l'activité professionnelle qu'il entendait exercer et, d'autre part, que " des demandeurs d'emploi d'un profil correspondant " étaient " disponibles sur le marché du travail et [pouvaient] postuler sur [l'] emploi " au sein de la société Diplomeo ;
- l'arrêté du 14 juin 2017 est entaché d'erreur de droit et d'erreur manifeste d'appréciation pour les mêmes motifs que ceux exposés s'agissant de la décision du 18 mai 2017 ;
- il est illégal en ce qu'il se fonde sur la décision du 18 mai 2017, elle-même illégale ;
- il méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord du 17 mars 1988 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail ;
- le protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République tunisienne signé à Tunis le 28 avril 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code du travail ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Deroc,
- les conclusions de M. Huon, rapporteur public,
- et les observations de MeB..., substituant Me MeD..., pour M. A.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 2
Une note en délibéré, présentée par Me D...pour M.A..., a été enregistrée le 26 mars 2019.
Considérant ce qui suit :
1. M.A..., ressortissant de nationalité tunisienne, entré en France le 14 octobre 2009, s'est vu délivrer un titre de séjour portant la mention " étudiant ", renouvelé jusqu'au 13 octobre 2014, puis une autorisation provisoire de séjour valable du 22 septembre 2015 au 21 mars 2016. Il a sollicité, le 22 mars suivant, un changement de statut sur le fondement de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 en vue d'obtenir un titre de séjour portant la mention " salarié ". La société Diplomeo a déposé, le 7 avril 2016, une demande d'autorisation de travail en faveur de M. A...pour occuper un emploi de " superviseur de téléconseillers ". Le préfet des Hauts-de-Seine a, le 18 mai 2017, refusé cette autorisation et pris, le 14 juin suivant, un arrêté refusant de délivrer à l'intéressé un titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai d'un mois et fixant le pays de renvoi. M. A...fait appel du jugement du 17 mai 2018 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes tendant à l'annulation de ces décisions.
Sur la légalité de la décision refusant de délivrer une autorisation de travail :
2. Aux termes de l'article 3 de l'accord entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République de Tunisie en matière de séjour et de travail, du 17 mars 1988 : " Les ressortissants tunisiens désireux d'exercer une activité professionnelle salariée en France, pour une durée d'un an au minimum, et qui ne relèvent pas des dispositions de l'article 1er du présent Accord, reçoivent, après contrôle médical et sur présentation d'un contrat de travail visé par les autorités compétentes, un titre de séjour valable un an et renouvelable et portant la mention ''salarié''. / Après trois ans de séjour régulier en France, les ressortissants tunisiens visés à l'alinéa précédent peuvent obtenir un titre de séjour de dix ans. Il est statué sur leur demande en tenant compte des conditions d'exercice de leurs activités professionnelles et de leurs moyens d'existence. Les dispositions du deuxième alinéa de l'article 1er sont applicables pour le renouvellement du titre de séjour après dix ans. / Les autres ressortissants tunisiens ne relevant pas de l'article 1er du présent Accord et titulaires d'un titre de séjour peuvent également obtenir un titre de séjour d'une durée de dix ans s'ils justifient d'une résidence régulière en France de trois années. Il est statué sur leur demande en tenant compte des moyens d'existence professionnels ou non, dont ils peuvent faire état et, le cas échéant, des justifications qu'ils peuvent invoquer à l'appui de leur demande. / Ces titres de séjour confèrent à leurs titulaires le droit d'exercer en France la profession de leur choix. Ils sont renouvelables de plein droit ". En vertu du point 2.2.2. du protocole du 28 avril 2008 : " Une autorisation de séjour d'une durée de validité de six mois, renouvelable une fois, est délivrée de plein droit au ressortissant tunisien qui, ayant achevé avec succès, dans un établissement d'enseignement supérieur français habilité au plan national ou dans un établissement d'enseignement supérieur tunisien lié à un établissement d'enseignement supérieur français par une convention de délivrance de diplôme en partenariat international, un cycle de formation conduisant à un diplôme au moins équivalent au master ou à la licence professionnelle, souhaite compléter sa formation par une première expérience professionnelle en France dans la perspective de son retour en Tunisie. / Pendant la durée de cette autorisation, le ressortissant tunisien est autorisé à chercher et à exercer un emploi ouvrant droit à une rémunération au moins égale à une fois et demie la rémunération mensuelle minimale en vigueur en France. / A l'issue de la période mentionnée au premier alinéa, le ressortissant tunisien titulaire d'un emploi ou justifiant d'une promesse d'embauche satisfaisant aux conditions énoncées ci-dessus, est autorisé à séjourner en France pour l'exercice de son activité professionnelle, sans que la situation de l'emploi ne lui soit opposable. / Dans le cas contraire, une autorisation provisoire de séjour de même nature que celle mentionnée au premier alinéa, d'une durée de validité de six mois non renouvelable, lui est délivrée de plein droit. Si, pendant cette seconde période, l'intéressé obtient un emploi satisfaisant aux conditions énoncées au premier alinéa, il est procédé comme prévu au troisième alinéa. ". Aux termes du premier alinéa de l'article 11 de l'accord du 17 mars 1988 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation des deux États sur le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article R. 5221-20 du code du travail : " Pour accorder ou refuser l'une des autorisations de travail mentionnées à l'article R. 5221-11, le préfet prend en compte les éléments d'appréciation suivants : / (applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 2) 2° L'adéquation entre la qualification, l'expérience, les diplômes ou titres de l'étranger et les caractéristiques de l'emploi auquel il postule ; / Lorsque la demande concerne un étudiant ayant achevé son cursus sur le territoire français cet élément s'apprécie au regard des seules études suivies et seuls diplômes obtenus en France ; / (...) ".
3. En premier lieu, il résulte des stipulations de cet article 3, qui prévoient que le titre de séjour " salarié " n'est délivré que sur la présentation d'un contrat de travail visé par l'autorité compétente, que les dispositions du code du travail relatives aux conditions de délivrance des autorisations de travail demeurent.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 22.2. du protocole du 28 avril 2008 n'ayant pour effet que d'écarter, pour les seuls métiers énumérés sur la liste figurant à l'Annexe I de ce protocole, l'application de la condition relative à la prise en compte de la situation de l'emploi prévue par le 1° de l'article R. 5221-20 du code du travail. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur de droit en faisant application du 2° de l'article R. 5221-20 ne peut qu'être écarté. M. A...ne saurait, d'ailleurs, se prévaloir, sur ce point, de la circulaire du 31 juillet 2009 relative à l'accord-cadre franco-tunisien concernant la gestion concertée des migrations et le développement solidaire et à ses deux protocoles applicables aux ressortissants tunisiens en matière de séjour et de travail, qui est dépourvue de caractère réglementaire.
4. En deuxième lieu, pour refuser l'autorisation de travail demandée, le préfet des Hauts-de-Seine s'est notamment fondé sur l'inadéquation entre le poste, proposé à M. A...par la société Diplomeo, de " superviseur de téléconseiller " pour une plateforme d'orientation, de mise en relation avec les écoles supérieures et de conseil en recrutement d'étudiants, et la formation reçue par l'intéressé dans le domaine de la réalisation audiovisuelle, compte tenu de l'écart entre le niveau de qualification requis par cet emploi et celui de M.A..., de la différence de nature entre les fonctions qu'il serait amené à exercer et celles pour lesquelles il a bénéficié d'une formation, et de l'absence de lien entre l'activité de la société Diplomeo et les métiers de l'audiovisuel, de la production et réalisation de films auxquels ses études devaient le conduire. La circonstance alléguée par l'intéressé qu'il aurait suivi, dans le cadre d'un master " production/distribution " réalisé au sein de l'Ecole Supérieure de Réalisation Audiovisuelle des enseignements sur les techniques de vente et les ventes internationales n'est pas susceptible de remettre en cause l'appréciation portée par l'autorité administrative en la matière. Le fait qu'il ait effectué un stage au sein du service Ventes de l'entreprise Warner Bros du 22 septembre 2014 au 20 mars 2015 n'est pas davantage de nature à démontrer que le préfet aurait porté une appréciation manifestement erronée sur l'adéquation entre sa formation et l'emploi convoité.
5. En troisième lieu, la circonstance que le métier de " technicien, technicienne de la vente à distance " figure, dans la liste annexée à l'accord des métiers ouverts aux ressortissants tunisiens, au nombre de ceux auxquels ne s'applique pas le critère tenant à la situation de l'emploi est sans incidence sur la légalité de la décision contestée dès lors qu'il résulte de l'instruction que le préfet aurait pris la même décision sur la demande de M. A... s'il s'était fondé seulement sur le motif mentionné au point précédent. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet des Hauts-de-Seine aurait, à tort, opposé la situation de l'emploi ne peut qu'être écarté. Il en va de même, pour les mêmes motifs, du moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur d'appréciation dans l'application de ce dernier critère.
Sur la légalité de la décision portant refus de titre de séjour :
6. En premier lieu, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 3 à 5, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas, en prenant l'arrêté attaqué, commis d'erreur de droit, ni d'erreur manifeste d'appréciation pour l'application de l'article R. 5221-20 précité du code du travail.
7. En deuxième lieu, il résulte de ce qui précède qu'il y a lieu d'écarter le moyen tiré de ce que la décision attaquée doit être annulée en ce qu'elle serait fondée sur un refus d'autorisation de travail lui-même entaché d'illégalité.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / (...) ". D'une part, il ne ressort pas des termes de la décision attaquée que le préfet n'aurait pris en compte dans son appréciation de la situation de M. A...que sa vie familiale à l'exception de sa vie privée dans un sens plus large. D'autre part, si M. A...se prévaut d'un concubinage depuis plus d'un an avec une personne, propriétaire du domicile conjugal, de son investissement au sein d'une association ainsi que d'attaches sociales et amicales en France, il se borne à produire des pièces postérieures à l'arrêté attaqué. Ainsi, faute de justifier de l'intensité ou de la stabilité de liens d'ordre personnel, familial ou social constitués en France à la date de l'arrêté attaqué, et alors même qu'il y résidait depuis près de huit ans et aurait eu des perspectives d'insertion professionnelle à cette date, la décision attaquée lui refusant la délivrance d'un titre de séjour n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au but poursuivi. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 susvisé doit être écarté et, pour les mêmes motifs, le préfet des Hauts-de-Seine n'a pas davantage commis un erreur manifeste d'appréciation dans l'appréciation des conséquences de sa décision de refus de titre de séjour sur la situation personnelle de M.A.applicables aux demandes de titre de séjour portant la mention " salarié " et valable un an formulées par les ressortissants tunisiens, la réserve prévue au point 2
9. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées à fin d'injonction et d'astreinte, ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A...est rejetée.
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N° 18VE01952