Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société Performing Rights Society Ltd. a demandé au Tribunal administratif de Montreuil la restitution de la retenue à la source, d'un montant de 1 261 472 euros, ayant frappé les redevances de droits d'auteur collectées pour son compte par la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) au titre de l'année 2014.
Par un jugement n° 1702789 du 3 avril 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à cette demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 28 mai et 16 octobre 2018 et le 17 janvier 2019, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de remettre à la charge de la société Performing Rights Society Ltd. la somme de 1 261 472 euros.
Il soutient que :
- la retenue à la source sur les redevances en cause a été légalement appliquée en vertu des dispositions combinées des articles 92 et 182 B du code général des impôts ;
- la société Performing Rights Society Ltd. ne pouvait être exonérée de l'application de cette retenue à la source en vertu des stipulations de l'article 13 de la convention fiscale
franco-britannique du 19 juin 2008, en ce qu'elle ne peut être regardée comme le " bénéficiaire effectif " de ces redevances au sens de ces stipulations, éclairées par les commentaires de l'Organisation pour la coopération et le développement économique (OCDE) relatifs à l'article 12 de son modèle de convention, mis à jour en 2014 ; les redevances perçues sont, en effet, reversées à ses membres qui, par l'intermédiaire des organes dirigeants de cette société, ont la maîtrise intégrale des distributions de revenus opérées par la société au profit des artistes qui en sont les membres et qui sont, à ce titre, les bénéficiaires effectifs des droits collectés en France pour l'application de la convention bilatérale ; à ce titre, la société Performing Rights Society Ltd. qui, d'ailleurs, est dans les faits exonérée d'impôt sur les redevances qu'elle perçoit bien que ces dernières soient dans le champ d'application de l'impôt sur les sociétés au Royaume-Uni, ne peut qu'être regardée que comme une " société civile de gestion collective " au sens de la directive 2014/26/CE du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins et l'octroi de licences multiterritoriales de droits sur des oeuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur, qui sont réputées ne pas pouvoir utiliser les fonds collectés dans le cadre de leur mission de gestion collective des droits d'auteur à d'autres fins que la distribution de ces revenus à leurs membres ; l'administration fiscale britannique a d'ailleurs confirmé au service avoir reçu la liste des associés de la société Performing Rights Society Ltd. résidents fiscaux au Royaume-Uni, ayant perçu des redevances collectées par la SACEM, qui doivent être regardés comme les bénéficiaires finaux des sommes en cause ;
- la société ne peut pas davantage se prévaloir des stipulations du b) du paragraphe 5 de l'article 4 de cette même convention, qui se bornent à régler les conflits d'interprétation de la qualité de " partnership " d'un résident fiscal français ou britannique au regard de la législation de l'un ou l'autre des États concernés.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention conclue entre le gouvernement de la République Française et le gouvernement du Royaume-Uni de Grande-Bretagne et d'Irlande du nord en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion et la fraude fiscales en matière d'impôts sur le revenu et sur les gains en capital, signée à Paris le 19 juin 2008 ;
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Livenais,
- les conclusions de Mme Ribeiro-Mengoli, rapporteur public,
- et les observations de Me Vail, avocat de la société Performing Rights Society Ltd.
Considérant ce qui suit :
1. La société de droit britannique Performing Rights Society Ltd., domiciliée.à Londres, exerce une activité de collecte et de gestion des droits d'utilisation, de diffusion et de distribution des oeuvres, notamment musicales, dont les membres sont les auteurs, compositeurs ou interprètes Elle a conclu avec la Société des auteurs, compositeurs et éditeurs de musique (SACEM) un accord de représentation réciproque aux termes duquel cette dernière société recouvre et lui reverse les redevances correspondant à l'utilisation, en France, des oeuvres des artistes britanniques qu'elle représente. La SACEM a opéré au titre de l'année 2014 une retenue à la source, en application des articles 92 et 182 B du code général des impôts, sur le montant des redevances ainsi collectées par elle. La société Performing Rights Society Ltd. ayant demandé la restitution de cette retenue à la source, l'administration fiscale n'a que partiellement accédé à cette demande, à hauteur de la somme de 5 999 895 euros, par décision du 28 novembre 2016. Le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS fait appel du jugement du 18 avril 2017 par lequel le Tribunal administratif de Montreuil a fait droit à la demande de la société Performing Rights Society Ltd. tendant à la restitution du reliquat de la retenue à la source litigieuse, d'un montant de 1 261 472 euros.
Sur le bien-fondé de la demande de restitution de la retenue à la source litigieuse :
2. D'une part, aux termes de l'article 182 B du code général des impôts : " I. Donnent lieu à l'application d'une retenue à la source lorsqu'ils sont payés par un débiteur qui exerce une activité en France à des personnes ou des sociétés, relevant de l'impôt sur le revenu ou de l'impôt sur les sociétés, qui n'ont pas dans ce pays d'installation professionnelle permanente : (...) b. Les produits définis à l'article 92 et perçus par les inventeurs ou au titre de droits d'auteur, ceux perçus par les obtenteurs de nouvelles variétés végétales au sens des articles L.623-1 à L.623-35 du code de la propriété intellectuelle ainsi que tous produits tirés de la propriété industrielle ou commerciale et de droits assimilés (...) ". L'article 92 du même code dispose, pour sa part : " 1. Sont considérés comme provenant de l'exercice d'une profession non commerciale ou comme revenus assimilés aux bénéfices non commerciaux, les bénéfices des professions libérales, des charges et offices dont les titulaires n'ont pas la qualité de commerçants et de toutes occupations, exploitations lucratives et sources de profits ne se rattachant pas à une autre catégorie de bénéfices ou de revenus. / 2. Ces bénéfices comprennent notamment : (...) 2° Les produits de droits d'auteurs perçus par les écrivains ou compositeurs et par leurs héritiers ou légataires (...). ".
3. D'autre part, aux termes de l'article 4 de la convention franco-britannique du
19 juin 2008 visée ci-dessus : " 1. Au sens de la présente Convention, l'expression " résident d'un Etat contractant " désigne toute personne qui, en vertu de la législation de cet Etat, y est assujettie à l'impôt en raison de son domicile, de sa résidence, de son siège de direction, de son lieu d'enregistrement ou de tout autre critère de nature analogue, et s'applique aussi à cet Etat ainsi qu'à toutes ses subdivisions politiques ou à ses collectivités locales, ainsi qu'à toute personne morale de droit public de cet Etat, de cette subdivision ou de cette collectivité. ". L'article 13 de la même convention stipule : " 1. Les redevances provenant d'un Etat contractant et dont le bénéficiaire effectif est un résident de l'autre Etat contractant ne sont imposables que dans cet autre Etat. / 2. Le terme " redevances " employé dans le présent article désigne les rémunérations de toute nature payées pour l'usage ou la concession de l'usage d'un droit d'auteur sur une oeuvre littéraire, artistique ou scientifique... ".
4. Il résulte de l'instruction que l'administration fiscale a limité la restitution de la retenue à la source litigieuse à hauteur des seules sommes redistribuées par la société Performing Rights Society Ltd. à ses membres ayant la qualité de résidents fiscaux britanniques, au motif que seuls ces derniers, et non la société Performing Rights Society Ltd., auraient la qualité de bénéficiaires effectifs des redevances collectées en France par la SACEM pour le compte de la société requérante, au sens des stipulations de la convention fiscale franco-britannique précitées.
5. En premier lieu, il n'est pas contesté que les droits d'auteur perçus pour le compte de la société Performing Rights Society Ltd. par la SACEM sont au nombre des bénéfices non commerciaux imposables en vertu du 2° du 2 de l'article 92 du code général des impôts et que, dans la mesure où la société Performing Rights Society Ltd. n'a pas en France d'installation professionnelle permanente, ils devaient faire l'objet de la retenue à la source litigieuse en application de l'article 182 B du même code.
6. En deuxième lieu, il résulte de l'instruction que la société Performing Rights Society Ltd. est assujettie à l'impôt sur les sociétés au Royaume-Uni. Si elle comptabilise en charges déductibles les sommes correspondant à la fraction des redevances de droit d'auteur qu'elle redistribue à ses membres comme l'y autorise la législation britannique et que ces derniers sont par ailleurs redevables auprès de l'administration fiscale britannique de l'impôt dû sur la fraction des redevances qui leur est reversée par la société Performing Rights Society Ltd., y compris celles qui sont collectées à l'étranger pour le compte de cette société par les institutions avec lesquelles elle est liée par des accords de représentation réciproque, la société Performing Rights Society Ltd est, toutefois, imposable sur son bénéfice, qui inclut la fraction des redevances qu'elle conserve à son profit. Au demeurant, l'absence de paiement par la société de toute cotisation d'impôt sur les sociétés britannique en 2014, dont l'administration fiscale affirme qu'elle révèle l'absence dans les faits d'imposition de la société Performing Rights Society Ltd. sur les redevances qu'elle collecte, ne résulte que de l'affectation à son résultat de déficits antérieurs reportables ayant eu pour effet de ramener à une somme nulle son bénéfice imposable et ne saurait établir l'existence d'une exonération permanente d'impôt sur les sociétés dont bénéficierait de droit la société sur les droits d'auteur qu'elle perçoit. La société Performing Rights Society Ltd. est donc susceptible de se prévaloir, en qualité de résidente fiscale britannique au sens de l'article 4 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008 précitée, des stipulations de l'article 13 de cette même convention pour contester l'application de la retenue à la source sur les redevances collectées en France pour son compte par la SACEM.
7. En troisième lieu, il résulte également de l'instruction que les artistes membres de la société Performing Rights Society Ltd. cèdent à cette dernière, en vertu de l'article 7 des statuts constitutifs de cette société, l'intégralité des droits qu'ils détiennent sur leurs oeuvres et que la société exerce ainsi seule la protection et la gestion de ces droits ainsi que des revenus qu'ils génèrent. En outre, en vertu des articles 47 et 48 des mêmes statuts, le conseil d'administration de la société, qui est composé en partie, mais non exclusivement, de membres de cette dernière et qui est investi des pouvoirs les plus étendus d'administration de la société par l'article 43 de ces mêmes statuts, détermine souverainement l'affectation des revenus tirés de l'exploitation des oeuvres de ses membres et peut, à ce titre, choisir de les redistribuer à ses membres ou d'abonder divers fonds de garantie, d'aide sociale à ses membres ou à leurs
ayants-droits, de promotion des activités artistiques ou de bienfaisance, dont la société Performing Rights Society Ltd. assure seule la gestion. Ainsi, contrairement à ce que soutient le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS, la société Performing Rights Society Ltd., bien qu'elle distribue dans les faits la majeure partie des redevances collectées pour ses membres et que ces dernières sont, d'ailleurs, comptabilisées en charges dans ses écritures comptables, ne peut être regardée comme agissant comme un simple mandataire des artistes qu'elle représente, mais détient un pouvoir direct d'utilisation et d'affectation des fonds qu'elle collecte, ainsi qu'un intérêt social propre, distinct de celui de ses membres. La circonstance, invoquée par le MINISTRE DE L'ACTION EST DES COMPTES PUBLICS, selon laquelle l'administration fiscale britannique a confirmé aux services fiscaux français avoir obtenu l'identité des résidents fiscaux britanniques associés de la société Performing Rights Society Ltd. ayant bénéficié du versement d'une partie des redevances collectées par cette société n'est pas de nature à remettre en cause l'existence de cet intérêt social propre à la société et distinct de celui de ses membres.
8. En quatrième et dernier lieu, le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS ne saurait utilement invoquer, pour contester l'existence d'une capacité propre de la société Performing Rights Society Ltd. à utiliser les redevances qu'elle perçoit à d'autres fins que la seule rémunération de ses membres, les dispositions de la directive 2014/26/UE du Parlement européen et du Conseil du 26 février 2014 concernant la gestion collective du droit d'auteur et des droits voisins et l'octroi de licences multiterritoriales de droits sur des oeuvres musicales en vue de leur utilisation en ligne dans le marché intérieur, cette directive qui ne traite pas du régime d'imposition des droits d'auteur, ne pouvant avoir aucune incidence sur le traitement fiscal des droits ainsi collectés par les institutions visées par cette directive. Il ne saurait davantage invoquer, en tout état de cause, les termes des commentaires de l'OCDE concernant l'article 12 de son modèle de convention fiscale dans sa version de 2014, qui sont postérieurs à la convention bilatérale signée en 2008 applicable au présent litige.
9. Dans ces conditions, et alors que le service n'invoque l'existence d'aucun montage artificiel dans le but unique de pouvoir se prévaloir des stipulations de l'article 13 de la convention franco-britannique du 19 juin 2008, la société Performing Rights Society Ltd. doit être regardée comme étant le " bénéficiaire effectif " des redevances collectées en France par la SACEM au sens de ces stipulations. Par suite, la société requérante est fondée à demander, sur leur fondement, la restitution de la totalité des sommes retenues à la source versées au titre de l'année 2014.
10. Il résulte de tout ce qui précède que le MINISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a accordé à la société Performing Rights Society Ltd. la restitution du montant de la retenue à la source encore en litige.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la société Performing Rights Society Ltd. et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête du MNISTRE DE L'ACTION ET DES COMPTES PUBLICS est rejetée.
Article 2 : L'État versera à la société Performing Rights Society Ltd. une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 18VE01822