Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. B...C...et Mme A...D..., épouseC..., ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil d'annuler l'arrêté du préfet de la Seine-Saint-Denis en date du 27 novembre 2015 déclarant immédiatement cessibles les lots de copropriété n° 2 et n° 3 situés sur la parcelle cadastrée section Z n° 13 et nécessaires à l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté de la Porte de Saint-Ouen.
Par un jugement n° 1606014 du 12 juin 2017, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 27 novembre 2015 du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Procédure devant la Cour :
I. Par une requête, enregistrée le 25 juillet 2017, sous le n° 17VE02432, la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO), représentée par Me Escard de Romanovsky, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de première instance ;
3° de mettre à la charge solidairement de M. et Mme C...le versement de la somme globale de 5 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le délai de convocation des conseillers municipaux a été respecté pour la délibération du 21 juin 2011, le registre des délibérations faisant foi jusqu'à preuve contraire qui n'a pas été apportée par les demandeurs ; le tribunal a donc inversé la charge de la preuve ; le jugement du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Montreuil est antérieur à un arrêt du Conseil d'Etat et n'est fondé que sur des doutes quant à l'existence de la délibération ;
- la délibération 11/108-2 n'est pas " inexistante " alors qu'elle figure sur deux procès-verbaux du conseil municipal qui font foi et au regard de la chose jugée sur la délibération 11/108-1 par le jugement du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Montreuil ; le vote a été commun pour les deux délibérations 11/108-1 et 11/108-2.
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II. Par un recours, enregistrée le 11 août 2017, sous le n° 17VE02704, et un mémoire, enregistré le 30 août 2017, le ministre de l'intérieur, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° de rejeter la demande de première instance ;
3° de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1111323 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Montreuil, au titre du règlement de juges.
Il soutient que :
- le jugement qui a nécessairement fait application du code de l'urbanisme et du code de l'expropriation pour cause d'utilité publique, est irrégulier pour avoir omis de viser ces codes en méconnaissance de l'article R. 741-2 du code de justice administrative ;
- le jugement en se bornant à se référer à un jugement n° 1111323 du 5 février 2013 du même tribunal sans faire état des éléments qui avaient alors été produits, est insuffisamment motivé en méconnaissance de l'article L. 9 du code de justice administrative ;
- les conseillers municipaux ont été régulièrement convoqués à la séance du 27 juin 2011 ; le jugement est donc entaché d'une erreur de fait ;
- le jugement est entaché d'une erreur de droit en ayant exigé que les lettres de convocation soient individualisées au nom de chaque conseiller municipal ;
- le tribunal s'est mépris sur la portée à donner à la chose jugée par le jugement du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Montreuil ; l'autorité n'est pas attachée aux faits qui ont suscité le litige ; le tribunal a méconnu la présomption de régularité des convocations ; il a ainsi inversé la charge de la preuve applicable pour l'avenir de la décision n° 388754 du 8 juin 2016 du Conseil d'Etat ;
- le jugement n° 1111323 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Montreuil devra être déclaré nul et non avenu en raison d'un conflit de jugements.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Geffroy,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- et les observations de Me E...pour M. et MmeC....
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C...ont demandé l'annulation de l'arrêté du 27 novembre 2015 par lequel le préfet de la Seine-Saint-Denis a déclaré immédiatement cessibles, pour cause d'utilité publique, à la société d'économie mixte de construction et de rénovation de Saint-Ouen (SEMISO), les lots n° 2 et n° 3 au 127 avenue Gabriel Péri à Saint-Ouen dont ils sont propriétaires, situés sur la parcelle cadastrée section Z n° 13, et nécessaires à l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté (ZAC) de la Porte de Saint-Ouen.
2. Les appels de la SEMISO et du ministre de l'intérieur sont dirigés contre le même jugement. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un seul arrêt.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué et sans qu'il soit besoin de statuer sur sa régularité :
En ce qui concerne le moyen d'annulation retenu par le jugement :
3. Aux termes de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales dans sa version applicable : " Toute convocation est faite par le maire. Elle indique les questions portées à l'ordre du jour. Elle est mentionnée au registre des délibérations, affichée ou publiée. Elle est adressée par écrit, sous quelque forme que ce soit, au domicile des conseillers municipaux, sauf s'ils font le choix d'une autre adresse. ". Aux termes de l'article L. 2121-12 du même code : " Dans les communes de 3 500 habitants et plus, une note explicative de synthèse sur les affaires soumises à délibération doit être adressée avec la convocation aux membres du conseil municipal. / (...) / Le délai de convocation est fixé à cinq jours francs (...). ". Aux termes de l'article L. 2121-21 du même code : " Le vote a lieu au scrutin public à la demande du quart des membres présents. Le registre des délibérations comporte le nom des votants et l'indication du sens de leur vote. (...) ".
4. Par un jugement n° 1111323 devenu définitif du 5 février 2013, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé la délibération 11/118/1 du 27 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Ouen désignant la SEMISO en qualité de concessionnaire de la zone d'aménagement concerté Porte de Saint-Ouen, approuvant le traité de concession et la participation financière de la commune, ensemble les décisions de signer cette convention et refusant de retirer ces actes et a enjoint à la commune de Saint-Ouen de procéder à la régularisation de la convention de concession d'aménagement conclue avec la SEMISO, au plus tard dans un délai de trois mois suivant la notification du jugement.
5. L'autorité absolue de la chose jugée qui s'attache à ce jugement d'annulation du 5 février 2013 d'une autre délibération du même jour, et au motif, qui en constitue le soutien nécessaire, de ce que " en l'espèce " la commune de Saint-Ouen n'a pas justifié " du respect des formalités exigées par les dispositions précitées " des articles L. 2121-10 et L. 2121-12 du code général des collectivités territoriales, " alors qu'il ressort des pièces du dossier que 30 conseillers étaient présents en début de séance et 24 en fin de séance sur 39 membres en exercice, que la séance avait pour objet plusieurs délibérations et non seulement celle en litige et que cette délibération a été adoptée à la fin de la séance par 15 voix vers 1 heure du matin et dans des conditions confuses ; que, dans ces conditions, il ressort des pièces du dossier que l'irrégularité commise dans la convocation des membres du conseil municipal a été, dans les circonstances de l'espèce, susceptible d'exercer une influence sur le sens de la décision prise et a privé les intéressés d'une garantie, dans la mesure où l'ensemble des conseillers municipaux n'a pu valablement participer à la séance du conseil municipal au sujet d'un projet d'une importance particulière pour les habitants de la commune et leur cadre de vie " ne fait pas obstacle à ce que le juge recherche pour la délibération 11/118/2 du conseil municipal de Saint-Ouen ayant pour objet la demande au préfet d'ouverture des enquêtes publiques conjointes si le vice affectant la régularité de la convocation accompagnée d'une note de synthèse des conseillers municipaux, a été susceptible d'exercer, en l'espèce, une influence sur le sens de la décision prise ou s'il a privé les intéressés d'une garantie.
6. Eu égard à l'objet de la délibération 11/118/2 tendant à solliciter du préfet l'ouverture des enquêtes publiques préalables à la déclaration d'utilité publique faisant suite à un contentieux en cours sur le projet de ZAC qui a été votée avant la fin de la séance par 15 voix " pour " et 9 abstentions, l'irrégularité commise dans la convocation des membres du conseil municipal, n'a pas, dans les circonstances particulières de l'espèce, exercé d'influence sur le sens de la délibération et n'a pas, par elle-même, privé les membres du conseil municipal d'une garantie. C'est donc à tort que le Tribunal administratif de Montreuil s'est fondé sur " le constat de la convocation irrégulière des conseillers municipaux par un jugement devenu définitif " pour juger que les arrêtés du préfet de la Seine-Saint-Denis du 25 mars 2013, déclarant l'opération d'aménagement de la zone d'aménagement concerté Porte de Saint-Ouen d'utilité publique et du 27 novembre 2015, déclarant immédiatement cessibles à la SEMISO les parcelles de terrain nécessaires à cette opération d'aménagement, étaient, au motif de l'irrégularité de la délibération 11/118-2 du 27 juin 2011, entachés d'illégalité.
7. Toutefois, il appartient à la cour, saisie de l'ensemble du litige par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner les autres moyens soulevés par M. et Mme C...tant en première instance qu'en appel.
En ce qui concerne la délibération 11/118/2 du 27 juin 2011 du conseil municipal de Saint-Ouen :
8. Il ressort des pièces du dossier et notamment de la retranscription des débats du conseil municipal du 27 juin 2011, que, les délibérations 11/118/1 et 11/118/2 inscrites au point 29 de l'ordre du jour ont été introduites par le premier adjoint en tant que " délibération n° 29 ". Le débat engagé sur cette " délibération n° 29 " a porté expressément sur l'objet de la délibération 11/118/2, notamment par le rappel en présentation de ce que " la DUP et l'arrêté de cessibilité pris par le préfet avaient été annulés par le jugement, il est proposé au préfet de relancer cette DUP et cet arrêté de cessibilité qui va suivre la DUP ". Alors que la vidéo du conseil mentionnée par le constat d'un huissier de justice montre sans ambigüité l'objet du vote sur le point 29 de l'ordre du jour et l'absence de voix " contre ", la séance du conseil a été levée par le maire, sur le constat que des conseillers se préparaient, après ce vote à sortir de la salle du conseil. Ainsi, dans ces circonstances, la demande d'ouverture des enquêtes publiques conjointes, alors même que le vote du conseil municipal a été regroupé avec le surplus du point 29 de l'ordre du jour portant sur la délibération 11/118-1 avec le choix du concessionnaire, l'approbation du traité de concession et l'approbation de la participation financière de la ville, a effectivement été soumise au débat et au vote du conseil et adoptée à la fin de la séance, ainsi que le mentionne le procès-verbal de la séance. Le moyen tiré de l'inexistence de la délibération 11/118-2 du 27 juin 2011 doit donc être écarté.
En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 25 mars 2013 :
9. Il ressort des pièces du dossier que la réalisation de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen répond à l'objectif d'intérêt général de restructuration et de requalification de l'entrée de Saint-Ouen afin d'améliorer la qualité de vie des habitants, de résorber l'habitat insalubre, de proposer une offre de logements neufs et réhabiliter des logements anciens, dynamiser le commerce de proximité et de conforter la vocation économique de certains espaces situés le long du boulevard périphérique. Il ne ressort pas des pièces du dossier que la commune de Saint-Ouen était en mesure de réaliser cet objectif d'intérêt général dans des conditions équivalentes en se bornant à rénover notamment les immeubles des 125 et 127 avenue Gabriel Péri sans recourir à l'expropriation. En outre, la réalisation de la ZAC multisites de la Porte de Saint-Ouen, qui prévoit la démolition de bâtiments qui, bien que de style faubourien, ne sont pas classés, donne lieu à la création de cheminements pour piétons et d'un équipement pour la petite enfance, et ne préjuge pas de l'élaboration du schéma directeur des circulations douces de la commune de Saint-Ouen. Il en résulte que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte cette opération ne sont pas excessifs eu égard à l'intérêt qu'elle présente.
En ce qui concerne l'arrêté préfectoral du 27 novembre 2015 :
10. En premier lieu, il ressort des pièces du dossier que l'arrêté du 27 novembre 2015 a été régulièrement signé par M. Hugues Besancenot, secrétaire général de la préfecture de la Seine-Saint-Denis et titulaire d'une délégation de signature du préfet de la Seine-Saint-Denis en vertu de l'arrêté n° 2015-1172 du 22 mai 2015 publié au bulletin d'informations administratives spécial du même jour. Il s'ensuit que le moyen tiré de l'incompétence de l'auteur de l'arrêté attaqué doit être écarté.
11. En second lieu, il résulte de ce qui a été dit précédemment, que les moyens tirés de ce que l'inexistence de la délibération 11/118-2 du 27 juin 2011 et l'illégalité de la déclaration d'utilité publique entrainent par voie de conséquence l'illégalité de l'arrêté de cessibilité doivent être écartés.
12. Il résulte de tout ce qui précède que la SEMISO et le ministre de l'intérieur sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a annulé l'arrêté du 27 novembre 2015 de cessibilité du préfet de la Seine-Saint-Denis.
Sur le règlement de juges :
13. Le ministre de l'intérieur soutient qu'il y aurait lieu pour la Cour de procéder a un règlement de juges aux fins de déclarer nul et non avenu le jugement n° 1111323 du 5 février 2013 du Tribunal administratif de Montreuil. Toutefois, il n'existe pas entre le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 5 février 2013 et le présent arrêt une contradiction de nature à justifier un règlement de juges. Dès lors, les conclusions du ministre ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
14. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de la SEMISO et de l'Etat, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. et Mme C...une somme à verser à la SEMISO au même titre.
D E C I D E :
Article 1er : Le jugement n° 1606014 du 12 juin 2017 du Tribunal administratif de Montreuil est annulé.
Article 2 : La demande de M. et Mme C...présentée devant le Tribunal administratif de Montreuil est rejetée.
Article 3 : Le surplus des conclusions du ministre de l'intérieur est rejeté.
Article 4 : Les conclusions des parties présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
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Nos 17VE02432...