Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... A... a demandé au Tribunal administratif de Versailles d'annuler l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de renouveler son certificat de résidence, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Par un jugement n° 1804770 du 16 octobre 2018, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 26 octobre et 6 novembre 2018,
Mme A..., représentée par Me Chehat, avocat, demande à la Cour :
1° de l'admettre au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2° d'annuler ce jugement ;
3° d'annuler, pour excès de pouvoir, cet arrêté ;
4° d'enjoindre au préfet des Yvelines de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
5° à défaut, d'enjoindre au préfet des Yvelines de réexaminer sa situation dans les mêmes conditions de délai et d'astreinte et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour
6° de mettre à la charge de l'État au profit de son conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle sous réserve que ce dernier renonce à percevoir la part contributive versée par l'État au titre de cette aide ou, dans le cas où il n'aurait pas été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'État le versement de cette somme à son profit en vertu des mêmes dispositions du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'ensemble des décisions contestées a été pris par une autorité qui n'a pas justifié de sa compétence pour ce faire ;
- la décision lui refusant un titre de séjour est entaché d'erreur manifeste dans l'application de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- cette décision méconnaît les termes de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3 de la même convention ;
- la décision portant obligation de quitter le territoire français et fixant son pays de destination doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant refus de séjour ;
- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle méconnaît également les stipulations de l'article 3 de la même convention ;
- la décision refusant de lui accorder un délai de départ volontaire d'une durée supérieure à trente jours doit être annulée par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- cette décision est dépourvue de base légale ;
- cette décision est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 25 mars 2019.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et son décret d'application n° 91-1266 du
19 décembre 1991 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. E... a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante comorienne née le 29 juin 1982, fait appel du jugement du 16 octobre 2018 par lequel le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 30 mai 2018 par lequel le préfet des Yvelines a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office à l'expiration de ce délai.
Sur les conclusions de Mme A... aux fins d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle :
2. Aux termes de l'article 20 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique : " Dans les cas d'urgence (...), l'admission provisoire à l'aide juridictionnelle peut être prononcée soit par le président du bureau ou de la section compétente du bureau d'aide juridictionnelle, soit par la juridiction compétente ou son président ".
3. Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par décision du bureau d'aide juridictionnelle du 12 février 2019, postérieure à l'enregistrement du mémoire par lequel la requérante a présenté à la Cour ses conclusions tendant à ce qu'elle soit provisoirement admise au bénéfice de cette aide. Ces conclusions sont ainsi devenues sans objet. Il n'y a, par suite, plus lieu d'y statuer.
Sur la légalité de l'arrêté attaqué :
En ce qui concerne l'incompétence de l'auteur de l'arrêté contesté :
4. Il ressort des pièces du dossier que Mme B... C..., directrice des migrations à la préfecture des Yvelines et auteur de l'arrêté contesté, a reçu, par arrêté préfectoral
n° 2018113-006 du 23 avril 2018, régulièrement publié au recueil n° 53 des actes administratifs de la préfecture des Yvelines du même jour, délégation aux fins de signer les décisions et arrêtés relevant de ses attributions, au nombre desquels figurent les décisions de refus de titre de séjour, les décisions portant obligation de quitter le territoire français, et celles fixant le délai de départ volontaire. Mme A... ne fait état d'aucune circonstance de nature à établir que, comme elle l'allègue, cette délégation de signature n'aurait pas été en vigueur à la date à laquelle l'arrêté contesté a été pris. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence de la signataire des décisions attaquées doit être écarté.
En ce qui concerne le refus de titre de séjour :
5. En premier lieu, aux termes de l'article L. 313-14 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La carte de séjour temporaire mentionnée à l'article L. 313-11 ou la carte de séjour temporaire mentionnée aux 1° et 2° de l'article L. 313-10 peut être délivrée, sauf si sa présence constitue une menace pour l'ordre public, à l'étranger ne vivant pas en état de polygamie dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir, sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 313-2. / L'autorité administrative est tenue de soumettre pour avis à la commission mentionnée à l'article L. 312-1 la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par l'étranger qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans. "
6. Il ressort des pièces du dossier que Mme A..., entrée en France pour y poursuivre ses études supérieures, vit sur le territoire français depuis décembre 2005, soit plus de douze ans à la date de l'arrêté attaqué, et qu'elle a poursuivi ses études supérieures sur le territoire national jusqu'en 2014. Toutefois, l'intéressée, célibataire et sans enfant, ne justifie pas avoir établi en France de relations personnelles d'une particulière intensité et, si plusieurs membres de sa famille, à savoir un oncle, une tante et une cousine, résident régulièrement sur le territoire française, elle n'est pas dépourvue d'attaches dans son pays d'origine où demeure sa mère et où Mme A... a, par ailleurs, vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. En outre, si la requérante exerce en France une activité salariée de garde d'enfants à domicile dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée, elle ne retire de celle-ci, qu'elle n'exerce d'ailleurs qu'à temps partiel, que des revenus s'élevant entre 1 765 et 4 135 euros par an, qui sont nettement insuffisants pour lui permettre de subvenir normalement à ses besoins. Dans ces conditions, nonobstant la durée de séjour en France de Mme A..., dont la commission départementale du titre de séjour et le préfet des Yvelines ont estimé à tort qu'elle n'était pas supérieure, de manière certaine, à dix ans, et ses efforts d'insertion, le préfet des Yvelines n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation en suivant l'avis défavorable émis par la commission, selon lequel la situation de la requérante ne répond à aucun motif exceptionnel ou considération humanitaire, et en refusant pour ce motif de l'admettre, à titre exceptionnel, au séjour sur le fondement des dispositions précitées.
7. En deuxième lieu, Mme A... ne peut utilement se prévaloir des orientations générales de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur, relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière qui ne constituent donc pas des lignes directrices dont les intéressés peuvent utilement se prévaloir devant le juge. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance de cette circulaire doit être écarté comme étant inopérant.
8. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
9. Ainsi qu'il est dit précédemment, Mme A... est célibataire, sans enfant, et n'est pas dépourvue d'attaches familiales aux Comores où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-trois ans. Pour ces motifs, en dépit de l'ancienneté de séjour de l'intéressée en France, le moyen tiré de ce que le préfet des Yvelines aurait, en méconnaissance des stipulations précitées, porté une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée et familiale de la requérante au regard des buts en vue desquels il a pris la décision attaquée doit être écarté.
10. En quatrième et dernier lieu, aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants ".
11. la décision de refus de titre de séjour opposée à Mme A... n'ayant pas, par elle-même, pour effet de l'éloigner du territoire français et, par suite, de l'exposer à un risque de traitement inhumain et dégradant, le moyen tiré de ce que cette décision méconnaîtrait les stipulations précitées de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté comme inopérant. Au surplus, et en tout état de cause, Mme A... n'établit pas qu'elle serait soumise à un tel risque en cas de retour aux Comores en se bornant à affirmer, sans apporter d'éléments de nature à étayer cette assertion, qu'elle pourrait y faire l'objet d'un mariage forcé.
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
12. D'une part, il résulte de ce qui précède que la décision portant refus de titre de séjour attaquée n'est pas entachée d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision attaquée faisant obligation à Mme A... de quitter le territoire français serait dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.
13. D'autre part, et pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés ci-dessus, les moyens tirés de ce que la décision portant obligation pour l'intéressée de quitter le territoire français méconnaît les stipulations des articles 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
En ce qui concerne la décision fixant le délai de départ volontaire :
14. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que les décisions portant refus de titre de séjour et obligation de quitter le territoire français ne sont pas entachées d'illégalité. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision fixant le délai de départ volontaire assigné à
Mme A... serait, par voie de conséquence, dépourvue de base légale ne peut qu'être écarté.
15. En deuxième lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction en vigueur à la date de la décision litigieuse : " II. Pour satisfaire à l'obligation qui lui a été faite de quitter le territoire français, l'étranger dispose d'un délai de trente jours à compter de sa notification et peut solliciter, à cet effet, un dispositif d'aide au retour dans son pays d'origine. [...] Eu égard à la situation personnelle de l'étranger, l'autorité administrative peut accorder, à titre exceptionnel, un délai de départ volontaire supérieur à trente jours ". En outre, aux termes de l'article 7 de la directive 115/2008/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " 1. La décision de retour prévoit un délai approprié allant de sept à trente jours pour le départ volontaire, sans préjudice des exceptions visées aux paragraphes 2 et 4. (...) 2. Si nécessaire, les États membres prolongent le délai de départ volontaire d'une durée appropriée, en tenant compte des circonstances propres à chaque cas, telles que la durée de séjour, l'existence d'enfants scolarisés et d'autres liens familiaux et sociaux (...) ".
16. Les dispositions précitées de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui permettent à l'administration d'accorder, à titre exceptionnel, un délai supérieur à trente jours à l'étranger frappé d'une obligation de quitter le territoire français en raison de sa situation personnelle, sont conformes aux objectifs du paragraphe 2 de l'article 7 de la directive du 16 décembre 2008. Par suite, le moyen tiré de ce que la décision par laquelle le préfet des Yvelines a accordé à Mme A... un délai de départ volontaire de trente jours aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives incompatibles avec les objectifs de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ne peut qu'être écarté.
17. En troisième et dernier lieu, et pour les mêmes motifs de fait que ceux exposés précédemment, Mme A... ne peut se prévaloir d'aucune circonstance exceptionnelle qui justifierait qu'un délai de départ volontaire supérieur à trente jours lui soit accordé, compte tenu de sa situation personnelle. Ainsi, le préfet des Yvelines n'a pas commis d'erreur de droit en accordant à l'intéressée un délai de départ volontaire de trente jours, qui est le délai normalement accordé pour quitter volontairement le territoire français.
18 Il résulte de tout ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte doivent également être rejetées, ainsi que celles présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
DÉCIDE :
Article 1er : Il n'y a plus lieu de statuer sur les conclusions de Mme A... aux fins d'admission provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Article 2 : Le surplus de la requête de Mme A... est rejeté.
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N° 18VE03549