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23/01/2020 | FRANCE | N°17VE02906-17VE02914

France | France, Cour administrative d'appel de Versailles, 2ème chambre, 23 janvier 2020, 17VE02906-17VE02914


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Piopiot et M. I... G..., le syndicat des copropriétaires de la Tour Areva, l'indivision de la Tour Areva, le syndicat des copropriétaires des archives de la Tour Areva et l'union de la Tour Areva, la société civile immobilière CB2 et la société anonyme Total ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 2014-93 du 9 mai 2014 du préfet des Hauts-de-Seine déclarant d'utilité publique, au profit de l'établissement public d'aménagement de

La Défense Seine Arche (EPADESA) le projet de réaménagement du quartier Coupole a...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La société civile immobilière Piopiot et M. I... G..., le syndicat des copropriétaires de la Tour Areva, l'indivision de la Tour Areva, le syndicat des copropriétaires des archives de la Tour Areva et l'union de la Tour Areva, la société civile immobilière CB2 et la société anonyme Total ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler l'arrêté n° 2014-93 du 9 mai 2014 du préfet des Hauts-de-Seine déclarant d'utilité publique, au profit de l'établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA) le projet de réaménagement du quartier Coupole au sein du quartier d'affaires de La Défense à Courbevoie.

Par un jugement n° 1406779-14010804-14010805 du 11 juillet 2017, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du 9 mai 2014 du préfet des Hauts-de-Seine et les décisions implicites de rejet des recours gracieux formés contre cet arrêté.

Procédure devant la Cour :

I. Par une requête sommaire, enregistrée le 11 septembre 2017, sous le n° 17VE02906, le ministre de la cohésion des territoires demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter les demandes.

Il soutient que :

- le tribunal a insuffisamment motivé le jugement ;

- il n'a pas recherché l'impact économique positif de l'accroissement des espaces commerciaux, invoqué par le préfet dans son mémoire en défense ;

- l'extension du centre commercial de la Coupole présente un caractère d'utilité publique.

.....................................................................................................................

II. Par une requête sommaire, enregistrée le 11 septembre 2017, sous le n° 17VE02914, l'établissement public d'aménagement de la Défense Seine Arche (EPADESA), représenté par la SCP Foussard-B..., demande à la Cour :

1° d'annuler ce jugement ;

2° de rejeter les demandes.

3° de mettre à la charge solidairement de M. I... G..., du syndicat des copropriétaires de la Tour Areva, de l'indivision de la Tour Areva, du syndicat des copropriétaires des archives de la Tour Areva, de l'union de la Tour Areva, de la société anonyme Total, de la société civile immobilière CB2 et de la SCI Piopiot, le versement de la somme de 5 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le jugement, qui n'est pas signé en méconnaissance de l'article R. 741-7 du code de justice administrative, est irrégulier ;

- ses deux fins de non-recevoir et celle du préfet des Hauts-de-Seine ont été écartées à tort par le tribunal ;

- le tribunal a commis des erreurs de droit en appréciant l'opportunité du projet par comparaison avec un autre au titre du bilan et en se fondant sur les seuls prétendus inconvénients de l'extension du centre commercial ;

- en retenant l'existence d'inconvénients excessifs attachés à l'opération, le tribunal a commis une erreur d'appréciation.

.....................................................................................................................

Vu les autres pièces des dossiers.

Vu :

- le code de l'expropriation pour cause d'utilité publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme E...,

- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public ;

- et les observations de Me B... pour l'établissement public Paris La Défense venant aux droits de l'EPADESA, de Me H... substituant Me C... pour la SA Total et autres, de Me F... substituant Me A... pour la SAS CMG Sports Club et de Me D... pour la société Fib Immobilier.

Deux notes en délibéré présentées pour l'établissement public Paris La Défense ont été enregistrées les 2 et 22 janvier 2020 dans chacune des requêtes.

Considérant ce qui suit :

1. Le préfet des Hauts-de-Seine a déclaré d'utilité publique, par un arrêté du 9 mai 2014, un projet de réaménagement du quartier de la Coupole au sein du quartier d'affaires de La Défense à Courbevoie au profit de l'établissement public d'aménagement de La Défense Seine Arche (EPADESA). D'une part, un propriétaire et un locataire d'un lot situé dans le centre commercial de la Coupole, d'autre part, la SCI CB2, propriétaire de la tour Total située sur la place Jean-Millier et la SA Total, occupante de cette tour, et enfin le syndicat des copropriétaires de la Tour Areva également implantée sur la place Jean-Millier, l'indivision de la Tour Areva, le syndicat des copropriétaires des archives de la Tour Areva et l'union de la Tour Areva ont demandé au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise d'annuler cet arrêté et les décisions implicites de rejet de leurs recours gracieux. Le ministre de la cohésion des territoires et l'établissement public Paris La Défense ayant succédé à l'EPADESA relèvent appel du jugement du 11 juillet 2017 par lequel le tribunal a annulé l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 9 mai 2014.

2. Les requêtes du ministre de la cohésion des territoires et de l'établissement public Paris La Défense sont dirigées contre un même jugement et ont fait l'objet d'une instruction commune. Il y a lieu de les joindre pour statuer par un même arrêt.

Sur l'intervention de l'établissement Paris La Défense sous le n° 17VE02906 :

3. L'établissement Paris la Défense a intérêt à l'annulation du jugement attaqué annulant l'arrêté de déclaration d'utilité publique. Son intervention doit par suite être admise.

Sur l'intervention de la SAS CMG Sports Club sous le n° 17VE02914 :

4. La SAS CMG Sports Club a intérêt au maintien du jugement attaqué annulant l'arrêté de déclaration d'utilité publique. Son intervention doit par suite être admise.

Sur la régularité du jugement attaqué :

5. Aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Si les requérants soutiennent que le jugement est entaché d'un défaut de motivation, il ressort des termes mêmes de celui-ci que les premiers juges, qui n'avaient pas à répondre à tous les arguments en défense, ont suffisamment motivé leur jugement notamment au point 10 au regard de l'utilité publique et notamment de l'impact économique du projet.

6. Aux termes de l'article R. 741-7 du code de justice administrative : " Dans les tribunaux administratifs et les cours administratives d'appel, la minute de la décision est signée par le président de la formation de jugement, le rapporteur et le greffier d'audience. ". Il ressort des pièces du dossier que la minute du jugement attaqué comporte les signatures manuscrites du président de la formation de jugement, du rapporteur et du greffier. Dès lors, le moyen tiré de l'irrégularité du jugement en raison de l'absence de ces signatures sur l'exemplaire notifié à l'établissement public requérant manque en fait.

7. Eu égard à l'office du juge d'appel, qui est appelé à statuer, d'une part, sur la régularité de la décision des premiers juges, et, d'autre part, sur le fond du litige qui a été porté devant eux, le moyen tiré de ce que le tribunal administratif aurait commis des erreurs de droit en jugeant notamment du bilan de l'opération et de l'impact économique du projet, se rattache au bien-fondé du jugement et n'affecte pas sa régularité.

8. Il ressort de la teneur du mémoire ampliatif de l'établissement public Paris La Défense que celui-ci a abandonné le moyen soulevé dans sa requête sommaire et tiré de ce que le tribunal aurait écarté à tort les fins de non-recevoir opposées tant par cet établissement public que par le préfet des Hauts-de-Seine en estimant en particulier que la demande de la SCI Piopiot serait recevable en tant seulement qu'elle était également présentée par M. G....

Sur le bien-fondé du jugement :

9. Il appartient au juge, lorsqu'il se prononce sur le caractère d'utilité publique d'une opération nécessitant l'expropriation d'immeubles ou de droits réels immobiliers, de contrôler successivement qu'elle répond à une finalité d'intérêt général, que l'expropriant n'était pas en mesure de réaliser l'opération dans des conditions équivalentes sans recourir à l'expropriation, notamment en utilisant des biens se trouvant dans son patrimoine et, enfin, que les atteintes à la propriété privée, le coût financier et, le cas échéant, les inconvénients d'ordre social ou économique que comporte l'opération ne sont pas excessifs au regard de l'intérêt qu'elle présente.

10. Le projet porte sur la restructuration et l'extension du centre commercial situé sous la place Jean-Millier, dite " place de la Coupole ", fermé pour des raisons de sécurité depuis la fin 2010 par arrêté du maire de la commune de Courbevoie. Le projet est motivé aux termes du document exposant " les motifs et considérations " accompagnant la déclaration d'utilité publique par " le traitement des problématiques sécuritaires et des dysfonctionnements actuels ", " l'amélioration du traitement urbain, technique et architectural " et " l'apport d'une offre commerciale nouvelle ".

11. Il ressort des pièces des dossiers qu'au lieu de réaliser des travaux de désamiantage et de sécurité incendie du centre commercial situé sous la place Jean-Millier, qui relevaient de la responsabilité de l'établissement public EPADESA devenu Paris La Défense au vu d'une ordonnance du vice-président du Tribunal de grande instance de Paris en date du 15 juillet 2010 et d'un arrêt de la Cour d'appel en date du 13 octobre 2010, l'établissement public a, dès 2010, négocié avec les propriétaires et les locataires des volumes des niveaux " moins 1 " dit " niveau mail commercial " et " moins 2 " dit " niveau entrepont ", situés sous la place Jean-Millier des protocoles d'indemnisation des pertes commerciales et des frais d'acquisition des volumes en cause mais n'a, sur un total de 34 locaux dont un divisé en deux lots de copropriété, appartenant à trente propriétaires, trouvé un accord qu'avec 20 d'entre eux et n'a ainsi acquis que 20 locaux et un lot de copropriété, représentant environ une surface de 3 815 m² sur un total de 7 200 m². L'établissement public ci-dessus a alors décidé de faire procéder aux travaux de désamiantage et de sécurité incendie, dans le cadre de l'opération contestée avec l'intention de la confier à un prestataire privé unique. Cette opération devait porter principalement sur l'extension des surfaces commerciales de ce centre, par la création de plusieurs niveaux en superstructure au-dessus du niveau de la place Jean-Millier pour une surface supplémentaire de 7 750 m² de plancher.

12. Il ressort également des pièces des dossiers que la consistance de ce projet fait obstacle à ce qu'il soit regardé comme une application du schéma directeur de renouveau de La Défense adopté en décembre 2006, notamment de l'orientation n° 3 tendant à " renouveler le tissu urbain dégradé et veiller à la qualité des espaces publics alentour ", laquelle au demeurant ne portait pas en priorité sur le quartier de La Défense 6 dans lequel est situé le projet.

13. L'utilité publique de remédier à l'absence de " polarité [commerciale] intermédiaire entre celle du hub régional (" 4 Temps " / CNIT) et l'offre de grande proximité proposée sur l'avenue Gambetta ", qui n'est au demeurant que la conséquence de la fermeture du centre commercial de La Coupole, et dont la continuation est imputable au seul établissement public, ne ressort pas des pièces du dossier, d'autant plus d'ailleurs que le dossier, soumis à l'enquête publique qui s'est déroulée du 4 novembre au 6 décembre 2013, " indique, sans autre précision, que l'orientation [commerciale] du futur centre sera à dominante de moyen et haut de gamme " ce qui ne " permet pas d'évaluer les retombées en termes de chiffre d'affaire et surtout d'emploi de cette offre ". Alors que les répercussions positives en matière d'emploi ne sont ainsi qu'hypothétiques, il ne ressort pas davantage des pièces des dossiers que ce projet en superstructure répondrait à une attente notamment des riverains, habitants et salariés, telle que mentionnée dans la notice explicative du projet. Ainsi, les finalités tenant à la mise en oeuvre indispensable des opérations de désamiantage et de résolution des problèmes de sécurité qui relevaient, depuis 2010 et en dehors de tout impératif d'expropriation, de l'établissement public, notamment ceux consécutifs à la fermeture prolongée des deux niveaux de sous-sol, à l'amélioration des accès notamment des personnes à mobilité réduite et à la modernisation des liaisons avec les autres quartiers de La Défense ne pouvaient être de nature à elles seules, eu égard notamment à l'absence de réalisation d'équipement public prévu par l'opération et à l'importance de l'offre commerciale existant déjà à proximité du site, à justifier l'intérêt général du projet. De même il ne ressort pas des pièces des dossiers qu'une " mise en relation avec la future gare Eole " qui sera située sous le CNIT justifierait l'intérêt du projet en cause lequel est séparé du futur tunnel Eole par trois niveaux de parking non concernés par le projet. A l'inverse, il ressort des pièces des dossiers, notamment de la réponse apporté par l'établissement public lors de l'enquête publique, que la réalisation du projet a pour conséquence " la disparition de la place Jean-Millier " requise selon l'établissement public " pour améliorer la perception de la fonction commerciale et la nécessité, pour ce centre, d'atteindre une taille critique ". Alors que les propriétaires et les occupants des tours Areva et Total ont sérieusement contesté l'utilité publique d'un tel projet commercial au-dessus de cette place, notamment au regard de ses inconvénients urbanistiques, architecturaux et visuels tant à partir des étages inférieurs des tours de très grande hauteur Areva et Total situées à quelques mètres qu'à partir de la place Jean-Millier vers ces tours et vers l'axe de La Défense, il ne ressort pas non plus des pièces des dossiers, compte tenu notamment de l'absence de nécessité de restructuration de la place Jean-Millier, que le projet consistant à amputer la surface piétonne de la place par une superstructure commerciale, alors même qu'elle devrait comporter notamment des toitures végétalisées accessibles aux piétons aux heures d'ouverture, aurait été nécessaire pour atteindre les fins d'intérêt général recherchées. Dans ces conditions, l'opération projetée ne peut, dès lors, être regardée comme poursuivant un objectif d'utilité publique.

14. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de la cohésion des territoires et l'établissement public Paris La Défense ayant succédé à l'EPADESA ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a annulé l'arrêté du préfet des Hauts-de-Seine en date du 9 mai 2014.

Sur les frais liés au litige :

15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. G..., le syndicat des copropriétaires de la Tour Areva, l'indivision de la Tour Areva, le syndicat des copropriétaires des archives de la Tour Areva, l'union de la Tour Areva, la société anonyme Total, la société civile immobilière CB2 et la SCI Piopiot, qui ne sont pas, dans la présente instance, les parties perdantes, versent à l'établissement public Paris La Défense une somme au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'établissement public Paris La Défense une somme à verser à la SAS CMG Sports Club au même titre.

DÉCIDE :

Article 1er : L'intervention de l'établissement public Paris La Défense sous le n° 17VE02906 et celle de la SAS CMG Sports Club sous le n° 17VE02914 sont admises.

Article 2 : Les requêtes n° 17VE02906 du ministre de la cohésion des territoires et n° 17VE02914 de l'établissement public Paris La Défense sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions des parties tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

N° 17VE02906... 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de Versailles
Formation : 2ème chambre
Numéro d'arrêt : 17VE02906-17VE02914
Date de la décision : 23/01/2020
Type d'affaire : Administrative
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

34-01-01-01 Expropriation pour cause d'utilité publique. Notions générales. Notion d'utilité publique. Absence.


Composition du Tribunal
Président : M. GUÉVEL
Rapporteur ?: Mme Brigitte GEFFROY
Rapporteur public ?: M. BOUZAR
Avocat(s) : SCP LACOURTE RAQUIN TATAR

Origine de la décision
Date de l'import : 04/02/2020
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel.versailles;arret;2020-01-23;17ve02906.17ve02914 ?
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