Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme D... A... ont demandé au Tribunal administratif de Montreuil de prononcer la décharge, en droits et pénalités, des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011.
Par un jugement n° 1606698 du 12 mars 2018, le Tribunal administratif de Montreuil a conclu au non-lieu à statuer à concurrence d'une somme de 8 206 euros et rejeté le surplus de leur demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 16 mars et 13 novembre 2018, M. et Mme A..., représentés par Me Chevrier, avocat, doivent être regardés comme demandant à la Cour :
1° d'annuler le jugement attaqué, en ce qu'il ne fait pas droit à l'intégralité de leur demande ;
2° de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales contestées ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'identité du signataire de la proposition de rectification n'est pas connue de façon certaine ;
- l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales a été méconnu en l'absence de communication des relevés bancaires obtenus de la banque BGL, dans laquelle la société Dotlink Group Inc. a domicilié ses comptes bancaires, nonobstant le fait que l'administration fiscale aurait pu motiver différemment la proposition de rectification ou la circonstance que la mention des relevés bancaires était surabondante ;
- c'est a tort que les premiers juges ont relevé l'existence de sommes correspondant à un avantage en nature, alors qu'ils affirment par ailleurs qu'un tel avantage doit être comptabilisé par la société ayant procédé à cette distribution, dans la mesure où, au cas présent, les sommes dont aurait bénéficié M. A... sans contrepartie n'ont pas été comptabilisées par la société Dotlink Group Inc. ;
- l'administration fiscale supporte, contrairement à ce qu'a estimé le tribunal, la charge de la charge de la preuve de la situation personnelle des déclarants et de l'absence de droit de leur part à une imposition séparée
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative.
- l'ordonnance n° 2020-305 du 25 mars 2020 modifiée.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme B...,
- et les conclusions de Mme Deroc, rapporteur public.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A... ont fait l'objet d'un examen de leur situation fiscale personnelle portant sur les années 2011 et 2012 au terme duquel l'administration fiscale leur a notifié, par proposition de rectification du 11 décembre 2014, des cotisations d'impôt sur le revenu et de contributions sociales au titre de l'année 2011 résultant, d'une part, de la réintégration dans leur revenu imposable, en application de l'article 1649 A du code général des impôts, de sommes transférées ou en provenance de comptes bancaires luxembourgeois non déclarés et, d'autre part, de revenus distribués correspondant aux rectifications du bénéfice imposable à l'impôt sur les sociétés de l'établissement stable en France de la société canadienne Dotlink Group Inc. en vertu du 1° de l'article 109-1 du même code . Par une décision du 2 mars 2016, l'administration fiscale a abandonné la rectification effectuée sur le fondement du 1° de l'article 109-1 du code général des impôts et a substitué à la rectification effectuée sur le fondement de l'article 1649 A de ce code un nouveau fondement légal tiré de l'article 111 c) de ce même code, en appliquant à cette occasion, en ce qui concerne les rehaussements notifiés en matière de prélèvement sociaux, le coefficient de 1, 25 prévu par les dispositions du c) de 2° du 7 de l'article 158 du CGI. La réclamation formée le 8 mars 2016 et tendant au dégrèvement des impositions supplémentaires résultant de la décision du 2 mars 2016, d'un montant en droits et pénalités, de 119 288 euros, a été rejetée par décision des services fiscaux du 7 juillet 2016. Par la requête susvisée, M. et Mme A... doivent être regardés comme faisant appel du jugement du 12 mars 2018 en tant que le Tribunal administratif de Montreuil, après avoir constaté qu'il n'y avait pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de décharge, à hauteur de la somme de 8 206 euros correspondant à l'application de la majoration de 25 % appliquée à la base de l'assiette des prélèvements sociaux, a rejeté le surplus de leurs conclusions à fin de décharge.
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
2. En premier lieu, il résulte de l'examen de la proposition de rectification du 11 décembre 2014 que celle-ci mentionne de manière dactylographiée le nom de Mme C... E... comme étant l'agent chargé du suivi du dossier, la mention de sa qualité d'inspectrice des finances figurant au niveau de la signature manuscrite. Contrairement à ce qu'affirment M. et Mme A..., aucun doute sur l'identité et la qualité du signataire de cette proposition de rectification ne saurait résulter de la seule circonstance que la signature se situe au bas du document cependant que le nom dactylographié est situé dans la partie haute de ce même document. Au surplus, la réponse aux observations du contribuable, signée par la même personne dont le nom figure cette fois au niveau de la signature, a permis aux requérants de se voir confirmer la qualité et l'identité du signataire de la proposition de rectification à qui, au demeurant, les intéressés ont pu utilement adresser leurs observations le 7 janvier 2015. Dans ces conditions, le moyen tiré du défaut d'identification du signataire de la proposition de rectification doit être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales : " L'administration est tenue d'informer le contribuable de la teneur et de l'origine des renseignements et documents obtenus de tiers sur lesquels elle s'est fondée pour établir l'imposition faisant l'objet de la proposition prévue au premier alinéa de l'article L. 57 ou de la notification prévue à l'article L. 76. Elle communique, avant la mise en recouvrement, une copie des documents susmentionnés au contribuable qui en fait la demande ". Il résulte de ces dispositions que lorsque le contribuable en fait la demande à l'administration, celle-ci est tenue de lui communiquer les documents en sa possession qu'elle a obtenus auprès de tiers et qu'elle a utilisés pour établir les redressements, même si le contribuable a pu avoir par ailleurs connaissance de ces renseignements. L'obligation ainsi faite à l'administration fiscale d'informer le contribuable de l'origine et de la teneur des renseignements qu'elle a utilisés pour procéder à des rectifications a pour objet de permettre à celui-ci, notamment, de discuter utilement leur provenance ou de demander que les documents qui, le cas échéant, contiennent ces renseignements soient mis à sa disposition avant la mise en recouvrement des impositions qui en procèdent, afin qu'il puisse vérifier l'authenticité de ces documents et en discuter la teneur ou la portée. Les dispositions de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales instituent ainsi une garantie au profit de l'intéressé. La méconnaissance, par l'administration, de l'obligation de communication prévue par ces dispositions affecte les impositions pour lesquelles elle a utilisé les renseignements et documents en cause, que ce soit pour conduire la procédure d'imposition ou pour déterminer le montant de l'impôt.
4. Il résulte de l'instruction, en particulier de la proposition de rectification du 11 décembre 2014, que les sommes réintégrées dans le revenu imposable de M. et Mme A... procèdent, d'une part, de virements réguliers opérés depuis le compte luxembourgeois de la société Dotlink Group Inc., dont M. A... est le représentant en France, vers le compte bancaire de ce dernier, dont le service a établi l'existence à partir de l'analyse des relevés bancaires du compte de la société Dotlink Group Inc., effectuée dans le cadre de la vérification de comptabilité de cette société et dont le service a opéré la recension dans un tableau récapitulatif annexé à la proposition de rectification et, d'autre part, de paiements effectués directement grâce à une carte bancaire ouverte au nom de M. A... par la société Dotlink Group Inc., obtenus par l'administration fiscale dans le cadre d'une demande d'assistance administrative effectué auprès des autorités luxembourgeoises, le service ayant également joint en annexe la copie des relevés d'opérations de cette carte bancaire édités par l'établissement d'émission de ce moyen de paiement.
5. Si, en réponse à la demande de communication des documents utilisés par le service pour fonder les impositions litigieuses formée par M. et Mme A..., qui portait sur " tous les renseignements et documents de source extérieure qui motivent les rectifications ", l'administration fiscale a produit les éléments relatifs à l'ouverture du compte bancaire de la société Dotlink Group Inc. au Luxembourg et renvoyé, pour le surplus, aux pièces annexées à la proposition de rectification, il n'a pas communiqué, en revanche, la copie des relevés bancaires de la société Dotlink Group Inc. justifiant de l'existence et de la fréquence des virements opérés vers le compte personnel de M. A..., qui n'étaient pas annexés à cette proposition. Dans ces conditions, l'administration fiscale ne peut être regardée comme ayant satisfait à l'obligation d'information qui lui incombe en vertu de l'article L. 76 B du livre des procédures fiscales en ce qui concerne les rehaussements relatifs à ces virements bancaires, faute pour elle d'avoir mis M. et Mme A... en mesure d'examiner l'exactitude et l'authenticité des documents recueillis par le service en ce qui concerne ce chef de redressement. Par suite, M. et Mme A... sont fondés à soutenir que les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux mises à leur charge au titre de l'année 2011, procèdent d'une procédure irrégulière en ce qu'elles résultent de la réintégration dans leur revenu imposable de ces virements bancaires.
Sur le bien-fondé des impositions litigieuses :
6. D'une part, aux termes de l'article 111 du code général des impôts : " Sont notamment considérés comme revenus distribués : / (...) c. Les rémunérations et avantages occultes ; (...) ". Lorsqu'une société n'a pas fait figurer dans sa comptabilité une créance qu'elle détenait sur un tiers, il appartient à l'administration, si elle entend faire application des dispositions précitées du c) de l'article 111 du code général des impôts pour imposer, dans les mains du débiteur, cette créance pour la totalité de sa valeur initiale, d'établir, d'une part, qu'elle a été abandonnée au profit du débiteur dans des conditions qui sont contraires à l'intérêt de la société qui la détenait, et d'autre part, qu'il existait une intention, pour le créancier, d'octroyer, et pour le débiteur, de recevoir, une libéralité.
7. M. et Mme A... ne contestent pas sérieusement que les sommes prélevées par M. A... sur les comptes de la société Dotlink Group Inc. étaient dépourvues de contrepartie, ni l'existence d'une libéralité dont ils ont bénéficié. Dans ces conditions, la qualification de rémunérations et avantages occultes pouvant s'appliquer tant aux sommes comptabilisées qu'aux sommes non comptabilisées, a circonstance que la société Dotlink Group Inc. n'a pas comptabilisé les sommes réputées distribuées à M. A... ne fait pas obstacle, comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, à leur imposition sur le fondement du c) de l'article 111 du code général des impôts.
8. D'autre part, aux termes de l'article L. 66 du code général des impôts : " Sont taxés d'office : / 1° à l'impôt sur le revenu, les contribuables qui n'ont pas déposé dans le délai légal la déclaration d'ensemble de leurs revenus (...) ". L'article L. 193 du livre des procédures fiscales dispose : " Dans tous les cas où une imposition a été établie d'office la charge de la preuve incombe au contribuable qui demande la décharge ou la réduction de l'imposition ". en outre, aux termes du 1° de l'article 6 du code général des impôts : " (...) Sauf application des dispositions des 4 et 5, les personnes mariées sont soumises à une imposition commune pour les revenus perçus par chacune d'elles (...) " et aux termes du 4° de ce même article : " Les époux font l'objet d'impositions distinctes : / a. Lorsqu'ils sont séparés de biens et ne vivent pas sous le même toit (...) ".
9. Il n'est pas contesté que le revenu global des époux A... a fait l'objet d'une taxation d'office en l'absence de déclaration de revenus au titre des années 2011 et 2012 établie par les intéressés dans le délai de trente jours suivant la mise en demeure qui leur a été adressée le 29 janvier 2014. Dans ces conditions, contrairement à ce qu'affirment les requérants et comme l'ont estimé à bon droit les premiers juges, la charge de la preuve du caractère exagéré des impositions litigieuses incombe à M. et Mme A... en vertu des dispositions précitées de l'article L. 193 du livre des procédures fiscales. Faute pour les intéressés d'établir que, comme ils l'affirment, ils n'auraient pas partagé de résidence commune au titre des années en cause, M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir qu'ils auraient dû faire l'objet d'une imposition distincte et à demander, pour ce motif, la décharge des impositions litigieuses.
10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme A... sont seulement fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Montreuil a rejeté leur demande en tant qu'elle porte sur l'inclusion dans leur base d'imposition au titre de l'année 2011 de la somme de 9 059 euros, correspondant aux virement effectués au profit de M. A... par la société Dotlink Group Inc., et sur la décharge correspondante, en droits et pénalités, ldes cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales mises à leur charge au titre de cette même année.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de l'État le versement à M. et Mme A... de la somme de 1 000 euros, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La base d'imposition à l'impôt sur le revenu et aux contributions sociales assignée à M. et Mme A... au titre de l'année 2011 est réduite de la somme de 9 059 euros.
Article 2 : M. et Mme A... sont déchargés des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de contributions sociales auxquelles ils ont été assujettis au titre de l'année 2011, correspondant à la réduction de la base d'imposition de l'article 1er du présent arrêt.
Article 3 : Le jugement du Tribunal administratif de Montreuil du 12 mars 2018 est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 4 : L'État versera à M. et Mme A... la somme de 1 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 5 : Le surplus des conclusions de la requête de M. et Mme A... est rejeté.
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N° 18VE00950