Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au Tribunal administratif de Paris, en premier lieu, d'annuler l'arrêté du 3 août 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pour une durée de douze mois, en deuxième lieu, d'enjoindre au préfet de police de procéder au réexamen de sa situation dans un délai de quinze jours à compter de la notification du jugement à intervenir en le munissant, dans l'attente, d'une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 50 euros par jour de retard, en troisième lieu, de mettre à la charge de l'État une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et, en quatrième lieu, de condamner l'Etat aux entiers dépens.
Par une ordonnance n° 1917068 du 23 août 2019, le président du Tribunal administratif de Paris a transmis, sur le fondement de l'article R. 312-8 du code de justice administrative, au Tribunal administratif de Cergy-Pontoise la requête de M. A....
Par un jugement n° 1910849 du 3 octobre 2019, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande.
Procédure devant la Cour :
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 4 novembre 2019 et 3 juillet 2020, M. A..., représenté par Me Gannat, avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ce jugement ;
2° d'annuler, pour excès de pouvoir, l'arrêté du 3 août 2019 du préfet de police ;
3° de mettre à la charge de l'État la somme de 1 500 au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur de fait révélant un défaut d'examen de sa situation ;
- il ne peut être substitué, à titre de base légale, au 1° du I de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le 2° du I de ce même article, dès lors qu'il n'a pas bénéficié des garanties liées à l'application de ces dernières dispositions faute d'avoir été mis en mesure de justifier des démarches entreprises pour obtenir la prolongation de son visa ;
- la décision refusant un délai de départ volontaire est entachée d'un défaut de base légale car fondée sur le II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui est contraire aux articles 1er et 3 de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008, ainsi que d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de renvoi méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision lui interdisant le retour sur le territoire français doit être annulée compte tenu de l'illégalité des décisions l'obligeant à quitter le territoire français sans délai.
Les parties ont été informées par un courrier du 19 juin 2020 de ce que le juge d'appel était susceptible de procéder d'office à une substitution de base légale.
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Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme C....
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 23 septembre 1987 à Malamalakro Nouamou (Côte d'Ivoire), fait appel du jugement du 3 octobre 2019 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 3 août 2019 par lequel le préfet de police l'a obligé à quitter le territoire français, sans délai, a fixé le pays de destination et lui a interdit le retour sur le territoire français pendant une durée de douze mois.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " I. - L'autorité administrative peut obliger à quitter le territoire français un étranger non ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'un autre Etat partie à l'accord sur l'Espace économique européen ou de la Confédération suisse et qui n'est pas membre de la famille d'un tel ressortissant au sens des 4° et 5° de l'article L. 121-1, lorsqu'il se trouve dans l'un des cas suivants : / 1° Si l'étranger ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, à moins qu'il ne soit titulaire d'un titre de séjour en cours de validité ; / 2° Si l'étranger s'est maintenu sur le territoire français au-delà de la durée de validité de son visa ou, s'il n'est pas soumis à l'obligation du visa, à l'expiration d'un délai de trois mois à compter de son entrée sur le territoire sans être titulaire d'un premier titre de séjour régulièrement délivré ; / (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de l'arrêté attaqué, M. A... justifie être entré régulièrement sur le territoire français sous couvert d'un visa délivré par le consulat de France en Côte d'Ivoire. Par suite, l'arrêté attaqué portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être pris sur le fondement des dispositions précitées du 1° du I de l'article L. 511-1. Toutefois, cette mesure d'éloignement trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du I du même article L. 511-1 qui peuvent être substituées à celles du 3° dès lors, en premier lieu, qu'il résulte des pièces du dossier que M. A... se trouvait dans la situation où, en application du 2° du I de l'article L. 511-1, le préfet pouvait l'obliger à quitter le territoire français, en deuxième lieu, que, contrairement à ce qu'il soutient, cette substitution de base légale n'a pour effet de le priver d'aucune garantie et, en troisième lieu, que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.
4. M. A... soutient, également, que la décision attaquée est entachée d'une erreur de fait dans la mesure où le préfet y indique qu'il " ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français ", alors qu'il justifie d'un visa délivré par le consulat de France en Côte d'Ivoire. Toutefois, comme rappelé au point précédent, le préfet aurait pris la même décision, fondée sur le caractère irrégulier de son séjour en France, s'il avait eu connaissance de cette circonstance. En outre, M. A... ayant expressément indiqué lors de son interrogatoire par les services de police le 2 août 2019 à 18h35, ne pas être en possession de son passeport resté à son domicile, l'erreur commise par le préfet ne saurait révéler un défaut d'examen de sa situation personnelle.
5. En second lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1- Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".
6. M. A... se prévaut d'une entrée en France, en dernier lieu, le 20 juin 2018, d'une résidence commune, depuis 2018, avec Mme B..., ressortissante ivoirienne, et de la présence sur le territoire national de sa soeur de nationalité française. Toutefois, il n'apporte aucun élément de nature à établir la réalité de la vie conjugale avancée, alors qu'il a déclaré lors de son audition par les services de police être célibataire et sans enfant. Par ailleurs, il ne justifie ni ne fait état d'une quelconque forme d'intégration sociale ou professionnelle, alors qu'il a principalement vécu jusqu'à l'âge de trente et un ans en Côte d'Ivoire et qu'il n'établit, ni même n'allègue, y être dépourvu d'attaches familiales. Dans ces conditions, en l'absence de charges familiales en France, eu égard à la brève durée de son séjour sur le territoire national à la date de la décision attaquée, et en dépit de la présence en France d'une soeur, le préfet de police n'a pas porté au droit au respect de la vie privée et familiale de M. A..., une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a pris cette décision et n'a ainsi pas méconnu les stipulations précitées de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire :
7. Aux termes du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) l'autorité administrative peut, par une décision motivée, décider que l'étranger est obligé de quitter sans délai le territoire français : (...) 3° S'il existe un risque que l'étranger se soustraie à cette obligation. Ce risque est regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : / a) Si l'étranger, qui ne peut justifier être entré régulièrement sur le territoire français, n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour ; / (...) / f) Si l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, qu'il a refusé de communiquer les renseignements permettant d'établir son identité ou sa situation au regard du droit de circulation et de séjour ou a communiqué des renseignements inexacts, qu'il a refusé de se soumettre aux opérations de relevé d'empreintes digitales ou de prise de photographie prévues au deuxième alinéa de l'article L. 611-3, qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale ou qu'il s'est précédemment soustrait aux obligations prévues aux articles L. 513-4, L. 513-5, L. 552-4, L. 561-1, L. 561-2 et L. 742-2 ; / (...) / h) Si l'étranger a explicitement déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français. / (...) ". Aux termes de l'article 1er de la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2008 : " La présente directive fixe les normes et procédures communes à appliquer dans les États membres au retour des ressortissants de pays tiers en séjour irrégulier, conformément aux droits fondamentaux en tant que principes généraux du droit communautaire ainsi qu'au droit international, y compris aux obligations en matière de protection des réfugiés et de droits de l'homme ". Aux termes de l'article 3 de la même directive : " Aux fins de la présente directive, on entend par : (...) / 7) " risque de fuite " : le fait qu'il existe des raisons, dans un cas particulier et sur la base de critères objectifs définis par la loi, de penser qu'un ressortissant d'un pays tiers faisant l'objet de procédures de retour peut prendre la fuite (...) ".
8. En premier lieu, en estimant, dans les cas énoncés au 3° du paragraphe II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, notamment ceux où l'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes et où il a déclaré son intention de ne pas se conformer à son obligation de quitter le territoire français, qu'il existe des risques que l'étranger se soustraie à l'obligation qui lui est faite de quitter le territoire, le législateur a retenu des critères objectifs qui ne sont pas incompatibles avec la directive 2008/115/CE du Parlement européen et du Conseil que la loi du 16 juin 2011 a pour objet de transposer. Par ailleurs, en prévoyant que des circonstances particulières peuvent faire obstacle à ce que le risque de fuite soit considéré comme établi dans l'hypothèse où un étranger entrerait dans l'un des cas définis par le 3° du II de l'article L. 511-1 du code précité, le législateur a imposé à l'administration un examen de la situation particulière de chaque étranger, à même d'assurer le respect du principe de proportionnalité entre les moyens et les objectifs poursuivis lorsqu'il est recouru à des mesures coercitives. Le requérant n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire aurait été prise sur le fondement de dispositions législatives incompatibles avec celles des articles 1er et 3-7) de la directive 2008/115/CE du 16 décembre 2008.
9. En second lieu, il ressort de l'arrêté contesté que le préfet de police a fondé son refus d'octroyer un délai de départ volontaire sur le a), le f) et le h) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. M. A... soutient qu'il n'existe pas de risque de fuite dans la mesure où il est entré régulièrement sur le territoire français, justifie d'une adresse fixe et a effectué des démarches en vue d'obtenir un titre de séjour. Toutefois, il n'établit pas la réalité de sa vie conjugale, ni d'une adresse permanente, et il ressort des pièces du dossier que l'intéressé a déclaré, lors de son audition par les services de police, avoir l'intention de se maintenir en France. Dès lors, sa situation correspond aux cas énoncés au f) et au h) du II de l'article L. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, lesquels suffisent, en l'absence de circonstance particulière, pour caractériser un risque de fuite. Il ressort également des pièces du dossier que le préfet de police aurait pris la même décision en se fondant uniquement sur ces dispositions. Les moyens tirés de la méconnaissance de ces dispositions, d'une erreur d'appréciation dans leur application, et d'une erreur manifeste d'appréciation de sa situation doivent dès lors être écartés.
Sur la décision portant fixation du pays de renvoi :
10. Compte tenu de ce qui a été dit ci-dessus, M. A... n'est pas fondé à invoquer, à l'encontre de la décision fixant le pays de renvoi, les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et à soutenir que cette mesure porterait une atteinte disproportionnée à sa vie privée et familiale.
Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
11. Il ressort de ce qui vient d'être dit que M. A... n'établit pas que les décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai seraient entachées d'illégalité. Par suite, il n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français à raison de ces prétendues illégalités.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande. Il y a lieu de rejeter, par voie de conséquence, les conclusions qu'il a présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
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N° 19VE03677