Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de constater que l'empiètement de la sente de Bournival sur son terrain cadastré AC 147 constitue une emprise irrégulière sur sa propriété, de condamner la commune de La-Celle-Saint-Cloud à lui verser la somme de 268 000 euros au titre des divers préjudices subis de ce fait et d'enjoindre à la commune de procéder à l'enlèvement de poteaux électriques implantés sur sa propriété et de restituer au domaine public la sente de Froid-Cul.
Par un jugement n° 1405919 du 13 juillet 2017, le Tribunal administratif de Versailles a rejeté les conclusions de M. E... à fin d'injonction et ordonné avant dire droit une expertise aux fins de déterminer la consistance et la valeur de la partie du terrain faisant l'objet de la sente de Bournival sur le terrain lui appartenant.
Par un mémoire enregistré le 5 juin 2018, M. E... a demandé au Tribunal administratif de Versailles de condamner la commune de La-Celle-Saint-Cloud à lui verser une indemnité de 324 000 euros à raison de lampadaires irrégulièrement implantés sur sa propriété, une indemnité de 270 000 euros à raison de réseaux implantés sous sa propriété ainsi qu'une indemnité à déterminer à raison d'une moins-value sur le prix de vente de sa propriété.
Par un jugement n° 1405919 du 29 janvier 2019, le Tribunal administratif de Versailles a condamné la commune de La-Celle-Saint-Cloud à verser à M. E... la somme de 60 400 euros et a mis à la charge de la commune les frais d'expertise taxés et liquidés à la somme de 9 010,92 euros.
Procédure devant la Cour :
Par une requête enregistrée le 26 mars 2019, la commune de La-Celle-Saint-Cloud, représentée par Me B..., avocat, demande à la Cour :
1° d'annuler ces jugements ;
2° de constater que la commune a acquis par usucapion le terrain objet de l'empiètement allégué ou, à défaut, de surseoir à statuer avant l'intervention d'une décision du juge judiciaire ;
3° de mettre à la charge de M. E... le versement de la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La commune de La-Celle Saint-Cloud soutient que :
- l'acquisition de la portion de terrain en cause par la commune par possession trentenaire est établie puisque l'occupation par la commune depuis 1975 est établie ; c'est à tort que les premiers juges n'ont pas posé une question préjudicielle sur ce point ;
- M. E... a connaissance de l'emprise en cause depuis 1975, date de l'acquisition de sa propriété, la créance qu'il invoque est dès lors prescrite en application de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 ;
- le préjudice allégué n'est pas démontré et l'indemnité allouée est hors de proportion avec la réalité du dommage.
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Vu :
- les autres pièces du dossier ;
- le code civil ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme A...,
- les conclusions de M. Bouzar, rapporteur public,
- les observations de Me B... pour la commune de La-Celle-Saint-Cloud et de Me C..., substituant Me D... pour M. E....
Considérant ce qui suit :
1. La commune relève appel du jugement en date du 29 janvier 2019 par lequel le Tribunal administratif de Versailles l'a condamnée à verser à M. E... la somme de 60 400 euros en réparation des préjudices subis du fait de l'emprise irrégulière sur un terrain dont il est propriétaire à La-Celle Saint-Cloud sur lequel la commune a édifié des poteaux électriques destinés à l'éclairage urbain.
Sur les conclusions de la commune de la Celle Saint-Cloud :
2. Dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété. Si la décision d'édifier un ouvrage public sur la parcelle appartenant à une personne privée porte atteinte au libre exercice de son droit de propriété par celle-ci, elle n'a, toutefois, pas pour effet l'extinction du droit de propriété sur cette parcelle.
3. Il résulte de l'instruction que la commune de La-Celle Saint-Cloud a réalisé en 1990 des travaux d'élargissement de la sente de Bournival et édifié des installations d'éclairage public sur une portion de parcelle dont les plans de bornage indiquent qu'elle appartient à M. E.... Ainsi qu'il a été dit au point précédent cette circonstance n'est pas de nature à emporter l'extinction de son droit de propriété sur ledit terrain.
4. L'article 2261 du code civil prévoit que " pour pouvoir prescrire, il faut une possession continue et non interrompue, paisible, publique, non équivoque et à titre de propriétaire. " et l'article 2272 du même code dispose que le " délai de prescription requis pour acquérir la propriété immobilière est de trente ans ".
5. La commune de La-Celle Saint-Cloud ne saurait se prévaloir de l'acquisition de cette portion de terrain par " usucapion " dès 2009. Il n'y a pas lieu de transmettre cette question à la juridiction judiciaire en l'absence de difficulté sérieuse. En effet diverses pièces attestent des démarches de M. E... relatives à cette bande de terrain depuis 1976 et les aménagements communaux litigieux ont été réalisés en 1990.
6. Aux termes du premier alinéa de l'article 1er de la loi du 31 décembre 1968 relative à la prescription des créances sur l'Etat, les départements, les communes et les établissements publics : " Sont prescrites, au profit de l'État, des départements et des communes, sans préjudice des déchéances particulières édictées par la loi, et sous réserve des dispositions de la présente loi, toutes créances qui n'ont pas été payées dans un délai de quatre ans à partir du premier jour de l'année suivant celle au cours de laquelle les droits ont été acquis ".
7. Lorsque la responsabilité d'une personne publique est recherchée au titre d'un dommage causé à un tiers par un ouvrage public, les droits de créance invoqués par ce tiers en vue d'obtenir l'indemnisation de ses préjudices doivent être regardés comme acquis, au sens de ces dispositions, à la date à laquelle la réalité et l'étendue de ces préjudices ont été entièrement révélées, ces préjudices étant connus et pouvant être exactement mesurés. La créance indemnitaire relative à la réparation d'un préjudice présentant un caractère évolutif doit être rattachée à chacune des années au cours desquelles ce préjudice a été subi.
8. Il résulte de l'instruction que l'existence et l'étendue du préjudice subi par M. E... du fait de la privation de jouissance de son bien irrégulièrement occupé par la commune de La-Celle Saint-Cloud n'ont été connues qu'à l'issue de l'expertise ayant donné lieu au rapport déposé le 31 mai 2018 qui a déterminé la surface exacte de la portion de terrain irrégulièrement occupée par la commune. Par suite, celle-ci ne peut valablement soutenir que la prescription quadriennale aurait dû être opposée par les premiers juges aux conclusions indemnitaires de M. E....
9. La commune de La-Celle Saint-Cloud n'établit pas le caractère disproportionné de l'indemnité de 150 euros mensuelle allouée par le tribunal administratif pour la période comprise entre le 31 décembre 1990 et le 29 janvier 2019 correspondant à la perte de jouissance d'une portion de 119,10 m² de terrain subie par M. E....
10. Il résulte de tout ce qui précède que la commune de La-Celle-Saint-Cloud n'est pas fondée à demander l'annulation du jugement attaqué.
Sur les conclusions incidentes de M. E... :
11. M. E... ne démontre pas, pour sa part, que les premiers juges auraient retenu en lui allouant ainsi la somme de 50 400 euros au titre de la perte de jouissance une somme insuffisante. Le préjudice moral réparé par les premiers juges par une indemnité de 10 000 euros a été correctement apprécié. Par suite, les conclusions incidentes de M. E... doivent être rejetées.
Sur l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
1. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de M. E..., qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que la commune de La-Celle Saint-Cloud demande au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de mettre à la charge de la commune de La-Celle-Saint-Cloud la somme de 2 000 euros à verser M. E... sur le fondement des mêmes dispositions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la commune de La-Celle Saint-Cloud est rejetée.
Article 2 : Les conclusions incidentes de M. E... sont rejetées.
Article 3 : La commune de La-Celle-Saint-Cloud versera à M. E... la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
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N° 19VE01076